4e jour de l’audience contre Laurent Gbagbo : OUATTARA, SORO, CHERIF, WATTAO, ZACHARIA, FOFIE, BEN LADEN, AU BAN DES ACCUSES
LE 24 FEVRIER 2013 PAR LE NOUVEAU COURRIER - Audience de Gbagbo. La Défense sort l'artillerie lourde...
Une accusation qui rabâche son «scénario» de la veille et de l’avant-veille, en laissant filer de nouvelles «perles» qui la discréditent. Une Défense qui se lance dans une déconstruction en règle du «narratif» visant à légitimer Ouattara, défendu par le bureau du procureur de la CPI, mais aussi par une partie de la presse française cohérente avec les options politiques hexagonales. La journée d’hier a été riche, et a donné lieu à quelques passes d’armes «viriles»
Fin de la présentation du bureau du procureur,débutde celle des avocats de la Défense. La journée d’hier s’est déroulée en deux phases dans la salle d’audience I de la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye, aux Pays-Bas. Dans un premier temps, l’Accusation a continué de tenter d’incriminer Gbagbo et de convaincre les juges de le faire passer en jugement.
Elle a beaucoup rabâché, réitérant de diverses manières ses récriminations des jours précédents pour prouver que Gbagbo avait mis en place un «plan» et une «politique» consistant à tuer le maximum de civils pro-Ouattara pour rester au pouvoir. La démonstration est difficile, dans la mesure où assassiner des civils était la meilleure manière de donner des prétextes pour entrer en scène à une «communauté internationale» pro-Ouattara déjà pré-positionnée...
Mangou, Kassaraté : quelle crédibilité à leurs accusations «sauve-quipeut»?
Il a beaucoup été question hier, de la chaîne de commandement opérationnelle des Forces de défense et de sécurité (FDS), de jeunes patriotes, de «miliciens» et de «mercenaires»… La défense a évoqué des documents trouvés «dans la chambre de Gbagbo» (donc forcément par les soldats de la coalition franco-ouattariste si ce ne sont pas encore des faux grossiers). Notamment un document statuant sur un projet de «redynamisation des FDS», ce qui n’a rien de bien sulfureux !
Le développement de l’Accusation a permis à l’opinion ivoirienne de se rendre compte que, parmi les témoins à charge, se trouvaient sans aucun doute les généraux Philippe Mangou et Edouard Tiapé Kassaraté, respectivement chef d’état-major des armées et patron de la gendarmerie sous Gbagbo, et qui n’ont manifestement rien trouvé de mieux pour «s’en sortir» que d’accabler au maximum leur ancien patron. Dès lors, une question s’impose : quelle crédibilité donner aux dires d’hommes cités dans la mise en place du prétendu «plan» et de la politique alléguée, qui ont finalement été promus par l’adversaire Alassane Ouattara, et qui étaient sous son autorité et soucieux de lui complaire – et d’éviter d’être eux-mêmes poursuivis – quand ils sont «passés à table» ?
Une déclaration télévisée imaginaire de Gbagbo
Faisant feu de tout bois, l’Accusation a commis une grosse erreur en invoquant, sans en apporter la preuve en vidéo,une déclaration télévisée imaginaire du président Laurent Gbagbo affirmant qu’il allait faire d’Abobo «un cimetière». Un des témoins à charge aurait «entendu dire» que Gbagbo aurait prononcé ces mots à la télévision… Une fois de plus, on croit rêver !
Un autre témoin à charge a affirmé que Gbagbo avait dit à ses officiers de «rester fermes» et de «tenir Abobo», sans donner «d’instructions opérationnelles claires». Il n’aurait donc pas donné d’instructions pour tuer sept femmes à Abobo et pour bombarder le marché Siaka Koné ?
Après la fin de la démonstration poussive de l’Accusation, deux juges de la CPI ont posé des questions traduisant leur perplexité quant au raisonnement du bureau du procureur, notamment sur la manière d’établir «le mode de responsabilité». «D'un côté vous dites que les miliciens sont intégrés aux FDS, d'un autre vous dites qu'ils répondent de Gbagbo. On peut avoir un organigramme ?», a demandé un membre de la Cour. Malaise, déjà !
Selon un témoin de la Défense, la France a armé les rebelles...l’Accusation sursaute
La Défense a commencé sa présentation, qui continuera la semaine prochaine – lundi, mardi et mercredi. La première étape de son travail de déconstruction des mythologies édifiées par l’Accusation, qui s’appuie massivement sur le storytelling mensonger de la presse pro-Ouattara, qu’elle soit française ou ivoirienne, a consisté à mettre en perspective la crise ivoirienne dans son ensemble.
Grâce à une présentation Powerpoint et à des vidéos, la Défense est retournée jusqu’en 1999, pour établir que derrière tous les épisodes de déstabilisation de la Côte d’Ivoire pendant toute une décennie, se trouvaient toujours les «éternels séditieux» gravitant autour d’Ibrahim Coulibaly dit «IB»... et dont certains, comme Koné Zakaria (une vidéo le prouve) n’hésitaient pas à avouer que leur financier était Alassane Ouattara. Dont IB était un des gardes du corps, au demeurant !
Sur les prétendus «escadrons de la mort», qui permettent de diaboliser à peu de frais Simone Gbagbo – comme l’a fait toute honte bue le bureau du procureur de la CPI –, la Défense a rappelé les décisions de tribunaux français condamnant Le Monde et L’Express pour diffamation à ce sujet. En s’appuyant sur les rapports des ONG internationales de défense des droits de l’Homme, dont certaines sont pourtant très «compréhensives» avec Ouattara, la Défense a fort utilement brossé le CV macabre des chefs rebelles qui ont multiplié les crimes et les pillages dans le Nord avant de conquérir tout le pays avec le soutien de la France officielle, et à qui Alassane Ouattara a donné, pour le pire, les clés de toute la Côte d’Ivoire– Fofié Kouakou, Wattao, Chérif Ousmane, Koné Zakaria, Ousmane Coulibaly dit «Ben Laden», etc…
Grâce à des témoignages, dont certains étaient confidentiels – et on comprend pourquoi ! –, la Défense a établi que l’entreprise de déstabilisation sans relâche de l’Etat ivoirien était soutenue par le Burkina Faso –devenu exportateur de cacao – et par la France. Un témoin anonyme «P2», dont l’évocation a fait sursauter l’Accusation, a ainsi été le témoin direct de fournitures d’armes, de munitions et de véhicules à la rébellion par… la France !
L’irruption de l’ancienne puissance coloniale a profondément irrité l’Accusation, qui a demandé nerveusement de «revenir aux charges». Ce qui lui a valu une rude mise au point de Maître Altit.
«En écoutant jusqu’à la fin de la démonstration, vous comprendrez probablement où nous voulons en venir. Mais d’ores et déjà, vous avez bien compris qu’il s’agit de saisir les tenants et les aboutissants si l’on veut juger cette affaire, et non pas avoir une vue parcellaire et biaisée. Deuxièmement, le rapport, il est là ! Quand on dit que des chefs soupçonnés de crimes de masse se sont livrés à des massacres à Yopougon au même moment où, selon vous, d’autres tuaient, alors il y a une impossibilité.
Quelle est la vérité ? La vérité se comprend lorsque l’on prend une certaine distance. La distance, nous vous la donnons. Vous n’avez pas fait d’exposé des faits qui soit impartial. Nous le faisons à votre place. C’est l’intérêt de tous ceux qui sont ici (…) C’est l’intérêt de la justice», a-t-il martelé.
Présidentielle 2010 : des preuves sur les fraudes du RDR
Avant la fin de la session, la Défense s’est appesantie sur les nombreuses preuves au sujet des fraudes qui ont entaché le deuxième tour de la présidentielle de 2010. Des preuves qui allaient de la diffusion de vidéos où Joseph Koffi Koffigoh, patron de la Mission des observateurs de l’Union africaine, s’alarmait des «pertes en vies humaines, séquestrations et violences», à un témoignage confidentiel d’un éminent «sachant», en passant par une explication permettant de réaliser les grossières manipulations – y compris venant du bureau du procureur – visant à faire de la déclaration solitaire de Youssouf Bakayoko au siège de campagne de Ouattara le résultat définitif de l’élection présidentielle.
Et de Gbagbo «le mauvais perdant» dont «le refus de reconnaître sa défaite» a été à l’origine de la crise post-électorale. La bataille judiciaire pour la libération de Gbagbo est aussi une bataille politique, historique et médiatique pour le rétablissement de la vérité sur une Côte d’Ivoire prise au piège d’un récit néocolonial falsifié.
Théophile Kouamouo (Nouveau Courrier)
NB: LE TITRE EST DE LA REDACTION.
4e JOUR DE L'AUDIENCE CONTRE GBAGBO A LA CPI: ENCORE L'ETALAGE D'UN TISSU DE MENSONGES (LG INFOS)
Le 24 février 2013 par LG INFOS - Encore l’étalage d’un tissu de mensonges.
Débutée le mercredi 20 février 2013, la présentation des preuves de l’accusation du bureau du procureur s’est poursuivie, hier vendredi 22 février avec l’étalage des faits falsifiés relativement à «la mise en place et à l’organisation d’un plan commun, instrument ayant permis à Laurent Gbagbo de commettre les crimes qu’on lui reproche». Ainsi la présentation du premier évènement, «La manifestation sur la Rti», a été faite par le premier substitut du procureur, Mac Donald, le premier jour de l’audience (le mardi 19 février 2013) et le deuxième évènement, celui concernant «la marche des femmes d’Abobo» du 3 mars 2011 a été décrypté par le substitut du procureur, Mme Marina Berdennikova. En ce qui concerne le troisième évènement, celui du «bombardement du marché d’Abobo», qui a eu lieu le 17 mars 2011, a été commenté par Mme Kriztina Varga. Dans ces différentes présentations, les collaborateurs de Fatou Bensouda ont essayé vainement de démontrer que le Président Laurent Gbagbo est le premier responsable des crimes post-électoraux parce qu’il se serait «accroché au pouvoir alors qu’il a été battu aux élections de novembre 2010». Hier vendredi 22 février 2013, le dernier jour de la présentation des faits par le procureur, en l’absence de Fatou Bensouda, c’est encore son adjoint, Reinhold Gallmetzer qui est intervenu pour faire la synthèse des faits, toujours dans le cadre de la «présentation par le procureur». Cela a été l’occasion pour lui à travers un étalage de faits falsifiés de situer la «responsabilité pénale individuelle de Laurent Gbagbo en relation avec ces quatre évènements».Ainsi, selon l’accusation, «Laurent Gbagbo a défini et adopté le plan commun mis en place perpétrer les crimes». Poursuivant, il soutiendra que c’est encore lui qui «a fourni les armes qui ont servi à exécuter ces crimes», tout en encourageant son armée «à commettre les crimes». Cela, dira-t-il, dans le seul but de «se maintenir au pouvoir». Ce qui est plus étonnant dans ces explications, c’est que le procureur affirme que Laurent Gbagbo aurait donné l’ordre de recruter des mercenaires en vue de leur incorporation dans l’armée ivoirienne. Là où manifestement de milliers d’Ivoiriens, aux mains nues étaient dans les rues pour défendre leur pays. Selon l’orateur, les crimes commis sont à la dimension des ordres donnés par Gbagbo dans le «cadre du plan commun». Parce que, selon lui, Laurent Gbagbo, aurait donné l’ordre à l’armée, dans la période indiquée, de «mettre fin à ces manifestations. Ce qui veut dire qu’il faut trouver une solution définitive à ces manifestions. M. Gbagbo donnait l’ordre aux militaires de tuer les manifestants». L’un des grossiers mensonges du procureur c’est lorsqu’il note qu’un témoin lui aurait confié que Laurent Gbagbo aurait demandé à l’armée, sur les antennes de la télévision nationale, de «nettoyer Abobo». Car, il lui «fallait nécessairement avoir le contrôle d’Abobo. Parce qu’ Abobo c’est le bastion de Ouattara, Abobo c’est Abidjan…» Malheureusement, il n’a pas pu produire, encore une fois un seul élément de preuve de ce témoignage. Ignorant ainsi que son épouse, Simone Gbagbo, était député en exercice de cette commune au moment des faits où elle a battu et le Pdci et le Rdr aux élections municipales de 2001. Toujours dans sa présentation, l’accusation reconnait l’existence du «commando invisible», mais elle précise que «ses agissements n’ont rien à voir avec les crimes commis à Abobo». Pourtant, il est avéré que c’est ce «commando invisible» qui a tué plusieurs policiers et autres agents de l’ordre dans cette commune. Qui, bien qu’elle soit fortement peuplée par des partisans de Ouattara, ceux-ci ne sont pas plus majoritaires que les pro Gbagbo. Même si Ouattara y a remporté la présidentielle d’octobre et novembre 2010. A la reprise de la session, le bureau du procureur poursuivant ses incriminations, évoquera la hiérarchisation de l’armée ivoirienne. Pour dire que toute la hiérarchie «rendait automatiquement compte à Gbagbo parce que c’est lui le chef suprême de l’armée. En conséquence, il était parfaitement au courant de tout». Pour lui, cela suffit pour qu’il soit l’instigateur et le planificateur des crimes. Il n’a pas hésité à affirmer que «tous les responsables des unités étaient de proches de Gbagbo». Ce n’est pas forcément vrai. Puisque le Dg de la police nationale, Brindou M’Bia a toujours été du côté du Pdci et donc partisan du Rhdp. Aujourd’hui, avec la suite des évènements, on peut aisément affirmer que tous ceux qui étaient aux côtés de Gbagbo n’étaient pas forcément ses partisans. D’autant que Détoh Letho, Philippe Mangou, Kassaraté… n’ont pas hésité à faire allégeance à Ouattara, en pleine crise post-électorale. Les explications du procureur étaient tellement confuses qu’à la fin de son exposé, l’un des juges de la Chambre préliminaire I a été obligé de lui demander un éclairage. Pareil pour la troisième juge qui lui a fait remarquer que tantôt il soutient que les miliciens étaient incorporés au sein des Fds qui les contrôlaient tantôt il affirme qu’ils «rendaient directement compte à Laurent Gbagbo auprès de qui ils recevaient les ordres.» Tout confus, le procureur a tenté vainement de se ressaisir. A sa suite, la parole a été donnée à la Défense. Elle a donc commencé par faire cette présentation dans son contexte. Ce qui l’a amené à rappeler les circonstances de l’ élection présidentielle et son corollaire. Ramenant ainsi le monde au contentieux électoral qui a débouché sur la crise post- électorale. Montrant du coup aux juges que ce procès n’est rien d’autre que le procès de l’élection présidentielle de novembre 2010. Ce que Me Emmanuel Altit a résumé en ces termes : «il faut saisir les tenants et les aboutissants de cette affaire…» Cette audience de confirmation ou non des charges reprendra le lundi 25 février prochain avec la suite de la présentation des faits par la Défense.
Ferdinand Bailly
NB: Le titre est de la rédaction.