POLITIQUE: STÉPHANE KIPRÉ, PRÉSIDENT DE L’UNG, DIT SES QUATRE VÉRITÉS
Le 26 décembre 2012 par Le Temps - Enlèvements, tortures, accusations du régime Ouattara, procès du Président Gbagbo. Stéphane Kipré se prononce sur la situation socio-politique de la Côte d'Ivoire.
-Que devenez-vous ? Je me porte bien
-Pourquoi ce long silence?
Quand on est un politique on ne parle pas juste pour le plaisir de parler mais quand il y a nécessité de le faire.
- Comment se porte votre parti en cette fin d’année 2012. Et quelle bilan faite vous de l’UNG depuis la chute de l’ancien régime jusqu’à ce jour ?
L’UNG vit au rythme des conditions politiques et sociales qui prévalent en Côte d’Ivoire en ce moment. Vous savez bien que depuis le 11 avril 2011 la démocratie que nous avons eu du mal à construire en Côte d’Ivoire a reculé. Nous avons pu difficilement organiser une rentrée politique cette année dans l’objectif de relancer les activités. Mais cette rentrée politique a valu de nombreuses persécutions à nos militants et responsables. Avec l’arrestation du secrétaire exécutif Etienne N’guessan. Mais malgré tout cela, les militants ont toujours trouvé le moyen de faire des réunions clandestines. Je voudrais les saluer pour cette détermination. Je salue avec eux nos délégués départementaux qui continuent de braver la peur pour assurer l’existence de nos représentations locales. Je salue également nos délégations extérieures et notamment celles d’Europe qui se sont mises au-devant du combat de la restauration de la vérité sur la crise ivoirienne en occident et je tiens à les féliciter pour cela leur demander de maintenir le rythme jusqu’à la victoire finale.
- Que reproche le pouvoir à vos responsables emprisonnés ?
Comme tous les hommes politiques détenus aujourd’hui en Côte d’Ivoire, on en a aucune idée si ce n’est le chapelet commun des chefs d’accusation des partisans et proches du président Laurent Gbagbo. Je voudrais appeler encore une fois le pouvoir en place à libérer notre secrétaire exécutif M. Etienne N’guessan et à travers lui tous les prisonnier politiques en Côte d’Ivoire qui n’ont pas leur place en prison mais sur le terrain politique pour que nous ayons le retour d’une vie démocratique en Côte d’Ivoire comme avant le 11 avril 2011.
-Le pouvoir en place aurait-il peur de quelque chose? De quoi selon vous ?
Posez leur vraiment la question parce que comme vous je m’interroge.
-Il semble que votre secrétaire exécutif serait impliqué dans des tentatives de déstabilisation du pouvoir. Qu’en dites-vous ?
Ils voient des coups d’état partout. Ni lui ni moi, aucun vrai partisan de Laurent Gbagbo n’est impliqué dans cela. Ils se déstabilisent entre eux. Si nous étions vraiment à la base des déstabilisations pendant que nous étions à Dakar pour répondre à l’invitation du président Macky Sall, ce qui s’est passé à Agboville n’aurait pas eu lieu. Le pouvoir connaît la vérité sur les projets de déstabilisations mais refuse de la dire. En réalité, il y a derrière cette volonté de faire du sensationnel, une autre volonté de se faire passer pour les victimes et de détourner l’attention du peuple sur leur incapacité à gérer la Côte d’Ivoire qu’ils ont déstabilisée dans tous ses secteurs : économique, social, sécuritaire….
- Vous dites que le secteur économique est déstabilisé alors que le gouvernement a annoncé avoir obtenu plus de 4000 milliards de f CFA.
Vous savez entre la promesse et la réalité il y a une très grande différence. La politique d’endettement sans limite est une mauvaise politique économique surtout quand il s’agit de gouvernants qui n’utilisent la bonne gouvernance que comme slogan. Il y a seulement 6 mois que la Côte d’Ivoire a pu bénéficier du programme PPTE. Cet acquis du pouvoir du président Laurent Gbagbo ne doit pas être utilisé pour replonger le pays dans un autre endettement sans limite. On nous annonce l’obtention de crédit sans nous dire à quelles conditions ces crédits seront remboursés. Et ensuite, j’en suis sure, on nous parlera de privatisation des structures de l’Etat pour pouvoir vendre à vil prix et racheter derrière. Je penses que la Cote d’ivoire a besoin d’une politique économique basée d’abord sur le développement et la création de richesses internes et non d’une politique économique basée sur l’endettement et le bradage des structures de l’Etat qui a déjà échoué entre 1990 et 1993. Car les mêmes causes produiront les mêmes effets avec les mêmes hommes.
-.Selon le confrère de la Lettre du continent, vous négociez votre retour au pays avec pour médiateur le président sénégalais Macky Sall qui vous a même reçus avec une délégation du FPI.
Il est ridicule de parler de négociation pour rentrer dans son propre pays. Est-ce que j’ai eu besoin de négocier avant de sortir ? Il n’y a rien à négocier en ce qui concerne mon retour. Il y a des conditions à créer pour permettre à tous les ivoiriens de vivre en sécurité en Côte d’Ivoire. Mais je voudrais que vous compreniez que C’est parce qu’il y a un véritable problème en Côte d’Ivoire que vous entendez des gens parler de négociation ou d’avoir un protecteur pour y revenir. Sinon dans un pays qui marche bien, chacun sort et rentre comme il le veut sans que cela ne soit un fait extraordinaire comme cela se passait sous Gbagbo Laurent. Je voudrais dire en ce qui concerne le président Macky Sall qui est un ami de la Cote d’Ivoire, nous avons répondu à son invitation avec le FPI qui est le parti fondé par le président Gbagbo et donc notre allier dans ce combat pour lui expliquer les réalités politiques de notre pays et des conditions à créer pour que la Côte d’Ivoire retrouve la stabilité.
-Peut-on avoir la teneur de votre rencontre avec le président sénégalais Macky Sall ?
Comme je vous l’ai dit c’était une rencontre d’échange et d’informations. Il nous a dit que le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont toujours eu des liens forts. Donc il était important pour lui de pouvoir nous rencontrer en tant qu’acteurs politiques ivoiriens pour avoir notre lecture de la crise ivoirienne et nos propositions de solutions.
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Mais pourquoi refusez-vous de revenir en Côte d’Ivoire pour participer au processus de réconciliation ?
Tout simplement parce que je n’ai pas confiance en la volonté actuel du pouvoir en place d’aller réellement à la réconciliation. J’en veux pour preuve que la commission officiellement mise en place pour la réconciliation après 15 mois d’activité stagne encore.
-Quelles sont vos conditions pour revenir ?
Quand le pouvoir en Côte d’Ivoire comprendra qu’une nation ne se construit pas qu’avec ses militants mais plutôt tous ses enfants quand la haine qui conduit à tous les actes que nous faisons que décrier depuis longtemps et demander la fin envers Laurent Gbagbo et ses partisans s’arrêteront . Je voudrais en profiter pour saluer la libération, le jeudi 20 décembre 2012, des 8 prisonniers politiques et militaires sur les 504 détenus à ce jour sur l’ensemble du territoire ivoirien. Je voudrais encourager les dirigeants actuel de la cote d’Ivoire à arrêter d’hésiter de façon injustifiés et qu’il libère tous les ivoiriens qui sont détenus à cause de la politique car libérer certains et continuer de détenir d’autres sans raisons n’est pas la solution.
- Parlons maintenant du procès du président Laurent Gbagbo ? Comment voyez l’issu de ce procès ?
Je penses que la communauté internationale a fait partir le président Gbagbo à la CPI en croyant que l’éloigner de la Côte d’Ivoire permettrait à M. Alassane Ouattara de pouvoir s’installer et diriger ; en croyant aussi que le peuple de Côte d’ivoire allait l’oublier. Mais 19 mois après, M. Alassane Ouattara n’arrive pas instaurer la stabilité et la paix à cause de ses propres bandes armées qu’il ne maitrise plus et les nombreuses promesses faites a tous ses soutiens et alliés qui commencent à le rattraper. Ils ont aussi sous-estimé la relation entre le peuple de Côte d’Ivoire et Laurent Gbagbo. Après le constat de toutes ces vérités, il revient à la communauté internationale d’en tirer les leçons car nous sommes dans un procès politique et non juridique.
-Pensez-vous qu’il va s’en sortir ?
Bien sûr que oui ; parce qu’il y va de l’avenir de la Cote d’ivoire. La crise militaire est finie le 11 avril 2011 mais la crise politique n’est pas encore terminée. Et Elle ne pourra prendre fin que lorsqu’il y aura une négociation franche et sincère entre Gbagbo Laurent et Alassane Ouattara.
-A vous entendre parler on a l’impression que l’avenir de la Côte d’Ivoire est lié à la libération de Laurent Gbagbo.
Bien sûr. Dix-huit mois après sa détention, nous constatons tous que sans Laurent Gbagbo libre les ivoiriens boudent encore le processus de réconciliation. Cela signifie que dans ces conditions le peuple ne suit pas nécessairement même quand nous les hommes politiques nous nous engageons dans un tel processus.
-Vous en fait alors un préalable ou même une condition ?
C’est plutôt une garantie de réussite pour le processus de réconciliation donc le retour de la paix recherche.
-Et pourtant Charles Taylor a été condamné…
Gbagbo Laurent n’est pas Charles Taylor. Ceux qui doivent s’inquiéter de la condamnation de Charles Taylor se connaissent en Côte d’Ivoire.
-La Cpi soutient que le Président Laurent Gbagbo peut comparaitre et a même fixé l’audience de confirmation ou d’infirmation des charges pour le 19 février.
On ira jusqu’au bout car le bout du tunnel n’est pas loin. Pour moi cette audience de confirmation de charge est la dernière étape pour l’éclatement de la vérité sur ses 10 années de crise en Côte d’Ivoire.
-Les juges justifient le refus de sa liberté provisoire par le fait qu’il est trop populaire et qu’il a un réseau puissant, il peut fuir et peut revenir au pouvoir. Et pourtant les experts ont affirmé qu’il a été torturé. Qu’en dites-vous ?
C’est justement parce qu’il est trop populaire qu’il a gagné les élections en Côte d’Ivoire. Le réseau puissant dont on parle c’est son peuple et rien ne peut contre la volonté d’un peuple. Car c’est lui qui donne le vrai pouvoir. Concernant les tortures je m’en tiens à ce que les experts de la CPI ont eux-mêmes dit. Mais au-delà de ça, allez comprendre que si des personnes anonymes sont torturées en Côte d’Ivoire juste parce qu’elles soutiennent la vision et le combat de Gbagbo Laurent, ce n’est pas lui-même qu’ils vont épargner ; simple logique. Aucun argument ne peut justifier sa présence à la CPI.
- Selon vous, qui a intérêt à ce que le Président Laurent Gbagbo ne soit pas libéré?
Ce sont tous ceux qui ont peur de la vérité démocratique et la liberté de l’Afrique.
_ A qui fait vous allusion ?
A ceux qui ont joué un rôle dans ce qui s’est passé le 11 avril 2011 et à ceux à qui cela a profité.
- Que pensez-vous du mandat d’arrêt émis par la Cpi contre madame Gbagbo et leur demande de son transfert ?
Transférer la première dame Simone Gbagbo c’est mettre de l’huile sur un feu qui est déjà bien vif. Elle n’a rien à faire à la CPI. On attend de voir quelle sera la réponse du gouvernement. S’ils ne sont pas prêts à la transférer, c’est bien. Mais je pense que nous n’avons pas les mêmes raisons de ne pas vouloir son transfèrement à la CPI. Ce n’est pas parce que nous ne le voulons pas qu’ils ne le feront pas car le pouvoir n’a jamais tenus compte de ce que nous voulons. Car si c’était le cas, depuis maintenant près de 18 mois que toutes les composantes de la nation ivoiriennes demandent la libération des prisonniers politiques comme actes forts pour engager la réconciliation ils l’auraient fait. Mais quelle que soit la raison utilisée pour ne pas le faire, envoyer Mme Simone Gbagbo à la CPI n’arrange personne.
_ En quoi le transfèrement de Mme Gbagbo n’arrange personne ?
Demandez à tous les responsables de la rébellion de septembre 2002 qui sont aujourd’hui au pourvoir en Côte d’Ivoire s’ils veulent encore continuer d’entendre parler de la CPI.
-L’Ambassadeur des USA soutient qu’il est incongru qu’aucun chef de guerre ne soit transféré à la CPI ?
Il faut faire la part des choses. Pour moi la CPI n’est pas la Cour adéquate. Je suis d’accord avec le fait qu’il soit incongru qu’aucun chef de guerre ne réponde devant la justice mais pas devant la CPI. Les africains peuvent eux-mêmes juger Les crimes qu’ils jugent dépasser les limites des justices nationales. Je voudrais vous rappeler que dans la même interview l’Ambassadeur des usa a lui-même dit qu’en ce qui concerne la CPI il ne pouvait pas trop en parler puisque son pays même n’avait pas ratifié le traite de Rome. On peut donc se poser la question de savoir pourquoi ne l’ont-ils pas fait si cette cour est si importante et nécessaire. Je suis moi pour l’idée d’une cour de justice africaine avec des pouvoirs renforcés et reconnus constitutionnellement par tous les états membre de l’union africaine pour que la justice soit faite par les africains sur une terre africaine et pour des problèmes africains.
-Croyez-vous en la réconciliation? Oui Mais pas en cette comédie jouer actuellement en Côte d’Ivoire.
-Que proposez-vous donc ?
Il faut d’abord une volonté d’y aller, ensuite passer des slogans aux actes. Pour moi le premier véritable pas vers la réconciliation en Côte d’Ivoire passe par la libération de tous les prisonniers politiques et militaires, à commencer par le président Laurent Gbagbo, le retour des exilés. Ensuite, il nous faut un dialogue franc et sincère entre le président Laurent Gbagbo et M Alassane Ouattara. Quand on aura ce dialogue et que chacun aura dit sa part de vérité, il nous faudra une repentance générale de tous les protagonistes car chacun est en même temps responsable et victime. Tant qu’on pensera qu’un camp est plus responsable ou plus victime que l’autre, on ne pourra jamais aboutir à cette réconciliation. Car la réconciliation Ce n’est pas le triomphalisme des vainqueurs de la guerre sur les vaincus.
-D’aucuns soutiennent que la réconciliation est un leurre…
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cela. La réconciliation est un leurre pour le moment parce que les conditions pour y aller ne sont pas réunis. Mais il faut se donner les moyens d’y aller car c’est nécessaire pour notre pays. Si rien n’est fait il ne s’agira plus de réconcilier la Cote d’Ivoire mais de la sauver.
-Nous sommes à la fin de notre entretient avez-vous un message particulier en guise de conclusion.
Je voudrais encore une fois demander à chaque ivoirien de faire sa part pour guérir notre pays car il est malade et le refus de vouloir soigner cette maladie avec les médicaments adéquats peut nous conduire dans un coma. Il est préférable d’utiliser les médicaments efficaces même s’ils sont amers pour certains que de vouloir utiliser des remèdes qui ne font qu’aggraver la maladie de notre pays. Il est vrai que le bilan politique économique et social a été négatif en cette année 2012 à cause de l’instabilité et le manque de cohésion sociale que nous connaissons, mais nous ne devons pas baisser les bras. Que chaque ivoirien se surpasse et prennent les décisions et résolutions qu’il peut à son niveau pour que la Côte d’Ivoire retrouve son unité et sa cohésion d’avant dans notre intérêt à tous. Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire et bonne fête de fin d’année. C’est Dieu qui est fort. Je vous remercie.
IN LE TEMPS