POLITIQUE: HOLLANDE ET LES OPPOSANTS AFRICAINS

Le 14 décembre 2012 par DIASPORAS - Dès son élection le 6 mai dernier à la tête de
la République française, François Hollande a

Le Président François Hollande entre Koudou Madeleine de la Diaspora ivoirienne (gauche) et Christian Vabé, président du Rassemblement du Peuple de Côte d'Ivoire (RPCI), à Droite.

Le 14 décembre 2012 par DIASPORAS - Dès son élection le 6 mai dernier à la tête de
la République française, François Hollande a

promis d’«écrire avec l’Afrique une nouvelle
page.» Cela suppose qu’il faille rompre avec
les pratiques praticiennes du passé et les relations paternalistes
d’antan entre l’ancienne puissance coloniale
et ses ex-colonies.
Dès lors, le nouveau locataire de l’Elysée, a, lui-même,
fixé les nouvelles règles des relations qu’il attend entretenir
désormais avec les dirigeants africains. Chaque
fois que l’occasion s’est présentée, François Hollande
n’aura eu de cesse de placer les Droits de l’Homme et
la Démocratie au coeur de son message adressé aux
Africains. Il souhaite des relations réciproques totalement
décomplexées, sans hypocrisie et respectables.
Le premier signal fort envoyé en direction du continent
a été d’euthanasier la nébuleuse « françafrique »
en commençant par supprimer les deux entités – le
ministère de la Coopération et la cellule africaine de
l’Elysée – perçues comme celles qui instrumentalisent et
perpétuent cette tradition néocolonialiste exaspérante.
Il est vrai que dans la pratique, François Hollande ne
semble pas être plus à l’aise avec ses homologues africains
que leurs opposants qui arpentent ces derniers
temps la rue Saint Honoré à Paris. Plus ouvert et à leur
écoute, le président français paraît plus réceptif aux
personnalités de l’opposition africaine.
Du reste, il est certainement plus aisé de discuter de
démocratie et de droits de l’Homme avec un opposant
qu’avec un chef d’Etat africain en exercice. Ce n’est
pas en échangeant par exemple avec un Ali Bongo du
Gabon ou un Joseph Kabila de la République démocratique
du Congo que Hollande va s’instruire sur les
avancées démocratiques et la bonne gouvernance
dans ces pays.
En recevant l’opposant Marc Ona Essangui, président
de l’Ong Brainforest et coordonnateur gabonais de la
coalition, figure emblématique de la société civile de
l’Afrique centrale, le chef de l’exécutif français a certainement
beaucoup appris pendant leur entrevue. Au
sujet des biens mal acquis imputés à la famille Bongo,
le dernier a expliqué à son hôte que « quand vous
regardez la quantité et la qualité des biens qui ont
été recensés entre les Sassou et les Bongo, par rapport
à quelques effets qu’on est en train de saisir
pour le pouvoir au Gabon, nous pensons qu’il y a
un problème. Il faudrait que tous les dossiers soient
traités au même niveau.»
L’opposant gabonais conseille donc des mesures judiciaires
beaucoup plus sévères à l’encontre de la dynastie
Bongo. Le visiteur du jour a également attiré l’attention
de son interlocuteur sur les institutions de son pays.
« Celle qui est à la tête de la Cour constitutionnelle
aujourd’hui, dénonce-t-il, ça fait vingt ans qu’elle
est là. Et nous savons exactement les liens que cette
« dame » entretient avec la famille Bongo. Et rien
qu’avec cet élément, nous pouvons penser que les
institutions ne sont pas républicaines au Gabon. »
Marc Ona Essangui ne s’est pas arrêté là. Poursuivant
dans la même veine, il a mis en cause la composition de
l’hémicycle gabonais. « Si nous prenons l’Assemblée
nationale, poursuit-il, aujourd’hui l’Assemblée nationale
est composée de 116 députés issus du PDG
sur 120 ! Ça, ce n’est pas une Assemblée nationale
d’un Etat républicain ! »
François Hollande a eu la même attitude en recevant
Etienne Tshisekedi en marge du 14e Sommet de la
Francophonie tenue à Kinshasa. Il avait reçu en audience
l’opposant congolais pendant un temps relativement
plus long qu’avec le président Joseph Kabila.
Là aussi, le président français a appris davantage sur
les violations des droits de l’homme et la façon dont le
camp Kabila tord le cou à la démocratie.
Récemment, ce fut le tour du Front populaire ivoirien
(Fpi) de Laurent Gbagbo, membre de l’International
Socialiste, d’être reçu par Mme Hélène Legal, la
Conseillère Afrique de l’Elysée. Cette audience a été
une aubaine pour le président par intérim du Fpi, M.
Sylvain Miaka Ouretto de faire un tour d’horizon sur
toutes les questions qui défraient la chronique en Côte
d’Ivoire. A savoir, l’emprisonnement de leur leader à la
prison de la Cpi (La Haye), les conditions de détention
des camarades dans les prisons ivoiriennes, la pratique
de tortures envers les militants de l’opposition, la chasse
aux sorcières et les difficultés des exilés à reprendre le
chemin du retour.
Des informations que la Conseillère Afrique n’aurait
certainement jamais obtenues des services officiels
ivoiriens et encore moins des autorités ivoiriennes. D’où
d’ailleurs, tout l’intérêt pour l’Elysée de s’ouvrir, sans arrière-
pensée, aux forces vives africaines. Mme Hélène
Legal a pris bonne note des éléments nouveaux à verser
au dossier ivoirien pour que Hollande en tire toutes
les conséquences.
Cependant, cette tradition imprimée par le nouveau
locataire de l’Elysée n’a toujours pas été bien comprise.
L’audience accordée à la délégation du Mouvement
national pour libération de l’Azawad (Mnla) a été
une des plus critiquées par la classe politique malienne.
L’objectif pour Paris étant de persuader le Mnla à
« renoncer de manière explicite à leurs revendications
à l’indépendance et à l’autodétermination de
l’Azawad » et à se démarquer des groupes terroristes
qui sévissent dans le nord de ce pays.
Hors du continent, l’offensive de la politique étrangère
de François Hollande a été une fois de plus démontrée
dans la crise syrienne. Le président français a été le
premier chef d’État occidental à reconnaître la nouvelle
coalition de l’opposition syrienne et à recevoir ses chefs
à l’Elysée.
Cette initiative de Hollande est certainement à encourager
pourvu que la légitimité donnée aux forces vives
africaines et d’ailleurs, contribue effectivement à créer
des contre-pouvoirs pour faire avancer la démocratie
et respecter les droits de l’homme.

Clément YAO (Editorial)