WHO’S BAD ? par Melissa Yapo (Sociologue)
Who’s bad ? Telle était la question formulée par la pop-star américaine Michael Jackson dans un album éponyme édité en 1987. La crise ivoirienne est venue fort opportunément éclairer l’énigme. Les partisans d’Alassane
Who’s bad ? Telle était la question formulée par la pop-star américaine Michael Jackson dans un album éponyme édité en 1987. La crise ivoirienne est venue fort opportunément éclairer l’énigme. Les partisans d’Alassane
Ouattara croient avoir trouvé la réponse à l’interrogation du célèbre chanteur ; ils expliquent que les BAD (signifiant par un malencontreux hasard « mauvais » en anglais) ne sont rien d’autre que les Bété, les Akyé et les Dida. Des ethnies ivoiriennes connues en Côte d’Ivoire comme étant proches de Laurent Gbagbo. Ces appellatifs recouvrent autant de paradigmes qui déclinent d’autres ethnies : Bété (guéré, webè, gnaboua, godié, gagou …), Akyé (abbey, adjoukrou, ébrié, m’gbato…), Dida (kroumen, neyo, avicam, …). L’acronyme bad utilisé par les pro-ouattara pour désigner les partisans de Laurent Gbagbo identifie ces derniers, les désigne à la haine avant de leur donner la mort. Ces trois ethnies et leurs dérivés ou alliés, tous des éléments anomiques entacheraient aux dires des ouattaristes l’unité harmonique de la Côte d’Ivoire. Il faut les gommer pour épurer la communauté nationale ivoirienne, la renouveler, la « rattraper ». Par voie de corollaire, beaucoup de bad ont été tués dans l’indifférence absolue. Qui viendrait verser une larme alors que le bon grain prend le dessus sur l’ivraie, l’étouffe, assainit le climat et l’environnement ! Désormais l’air devient respirable, les bad disparaissent du paysage. Les pro-ouattara avec la complicité de la France et la bienveillance de l’ONU, exproprient, affament, enlèvent, écrasent, brûlent, torturent, détruisent, massacrent les bad et tout ce qui leur ressemble. Convaincus de faire œuvre utile, ils ne font ni grâce ni quartier.
La condition des bad
Les bad ont un attachement viscéral à leur liberté individuelle et une farouche détermination dans la défense de la souveraineté de leur pays. En Côte d’Ivoire, les bad ont voulu faire les choses conformément aux dispositifs légaux régissant les élections sur ce territoire ; comme ça se fait partout ailleurs, notamment chez les Blancs. Le blanc français a estimé que l’idée pouvait être contraire voire nuisible à ses intérêts et que les bad devaient payer de leur vie cette audacieuse inspiration. La France a donc planifié et ordonné le nettoyage de ces frondeurs. Elle a mandaté l’Onu qui a sous-traité le travail au Burkina Faso et aux trainbands de Ouattara pour qu’ils suppriment ces âmes insurgées, ces obstacles au maintien et au progrès des intérêts des blancs en Côte d’Ivoire voire en Afrique. Le mot d’ordre était clair, il s’agissait d’éviter, par tous moyens, que la résistance des bad fasse école et crée des émules. Pour massacrer ces mauvais noirs, le rouleau compresseur du media-mensonge (Michel Collon) s’est mis en branle, donnant aux bourreaux des raisons « inattaquables » d’agir. La France, ne voulant entendre de cacophonie, a aseptisés tous les plateaux télé de partisans de Gbagbo. Commanditaires, exécutants et soutiens de Ouattara se retrouvèrent entre soi. Marivaudant comme dans un salon de thé. Ainsi, les bad estampillés du stigmate de l’infamie, de la souillure n’avaient plus aucun espoir. Leur sort était scellé. Ces femmes, ces vieillards, ces hommes, ces jeunes formaient une scorie qu’il fallait extraire de la Côte d’Ivoire, autrement tous ces braves gens qui s’abreuvaient aux sources des medias français ne comprendraient pas. « Gbag-bo est un dictateur qui est en train de tuer son peuple, la France doit faire quelque chose …», « La France incarne la Conscience Universelle, le Modèle Parfait ; les africains, l’opinion française et européenne ne comprendraient pas… » ; ce sont là quelques propos qu’on entendait sur les medias français. Ces medias negrophages (RFI, France 24, BFM, Itele…), propagandistes officiels qui, à l’unisson, appelaient en boucle à écraser les bad au nom de la France glorieuse.
Certes la France n’a pas les moyens de contenir l’invasion économique chinoise, russe, indienne ou brésilienne mais elle ne se privera d’aucune pratique pour préserver ses acquis en Afrique noire. Qui est-ce qui lui demandera des comptes sur le sort de cette contrée lointaine habitée par des sauvages qui se croient indépendants par un leurre de l’Histoire ? En plus de l’armée française qui fait pâle figure ailleurs qu’en Afrique noire, d’autres petits soldats franchouillards, en mission commandée ou pris d’un chauvinisme singulier, tels que Vincent Hugueux, Stéphane Bern ou Odon Vallet tiennent leur rôle ; ils ne ménagent aucun effort pour le rayonnement sanguinaire de leur patrie. Pour le premier, Laurent Gbagbo n’avait aucun droit à la parole, il se livra à des attaques ad hominem à l’endroit de tous ceux qui tentaient de donner une autre version de la crise que la sienne. L’inénarrable Stéphane Bern, pris d’une espèce de commotion, expliqua, sur un ton comminatoire, sur le plateau de Franz Oliver Gisbert, à Calixte Beyala que Laurent Gbagbo avait accumulé TROIS MILLE MILLARDS DE DOLLARS dans des paradis fiscaux. On attend toujours que la CPI l’entende dans la recherche de ces fonds. Le troisième homme, qui est le fameux historien des religions, latinisant à souhait, Odon Vallet (ça ne s’invente pas) voyait en Laurent Gbagbo le contre-exemple du terrorisme islamique. Le pendant symétrique chez les chrétiens du terroriste islamique, ce qui complexifiant la donne, consacre du coup le savoir de l’expert. Quel bonheur d’avoir un contre-exemple auquel personne n’avait pensé. Eurêka ! Ce monsieur qui porte sa sensiblerie à l’endroit des peuples d’Afrique et d’Asie comme le fardeau de sa vie, dit de Gbagbo qu’il est un évangéliste du sud qui massacre les pauvres musulmans du nord (chez Yves Calvi). Après un tel tableau doit-on épargner la vie des bad ? Les tuer devient aux yeux des Français et de leurs alliés la seule alternative. Les bads sont massacrés par les engins de mort français. Femmes, vieillards, jeunes, aucune catégorie n’est épargnée. Les bad écrasés, l’honneur de la France, ses intérêts, sa diplomatie, sa grandeur et sa splendeur sont saufs. Combien de bad sont morts ? Combien ont pris le chemin de l’exil ? Combien sont en prison, torturés ? Qui voudrait savoir ? Les bad qui ont survécu portent sur le corps et dans le cœur les blessures de défense et de résistance. Même si « on ne paie jamais trop cher le privilège d’être son propre maître » (Rudyar Kipling), avec la tragédie des bad, la France a encore montré qu’elle est le plus grand assassin de l’Histoire des noirs-africains. Les bads ont donc payé et paient encore le prix du sacrilège, car un maître comme un dieu attend toujours la reconnaissance d’allégeance, la soumission. La France conçoit sa réaction comme la légitime vengeance d’un dieu offensé par l’orgueil d’une sous-humanité.
La comptine du bad
Mon Seigneur, je ne supporte pas que vous soyez triste par ma faute, tuez moi pour retrouver le sourire. Je dois mourir pour votre plaisir, pour votre honneur, pour votre bonheur. Pas de place pour deux, pas de contraste. Vous êtes tout blanc, beau, bien, bon, juste, vrai. Je suis tout noir, laid, mauvais, injuste, plein de puanteur. Je m’en veux de vous indisposer par mon existence. Qui suis-je ? Rien. Et Rien doit toujours disparaître. Qui êtes-vous ? Tout. Et Tout doit régner. Je suis un hilote. Je suis une cible. Mea culpa ! mea culpa ! mea maxima culpa !
Ne me laissez pas aux mains de Goodluck, de Ouattara, de Wade et de Compaoré, des personnes miennes handicapées génétiques. Tous des ouvriers peu doués. Je veux mourir de vos mains augustes, de vos mains expertes. Vous êtes si cartésiens, nous sommes si barbares, si rustres. Vous me tuerez avec méthode, pas eux. Vous possédez des engins de mort design, sophistiqués, efficaces et pratiques. Les miens ont des procédés de mise à mort antédiluviens. A vrai dire, j’aime aussi votre CPI et sa prison, je préfère votre Tartare aux geôles malfamées qui m’exposent aux intempéries et aux moustiques. mea culpa ! mea culpa ! mea maxima culpa !
Sarko m a tué à la bonne heure ! mon maître Blanc a envoyé une bourrasque de feu sur ma tête pour crime de lèse-majesté ! Il a raison, j’ai tort ! Il a toujours raison, j’ai toujours tort ! Il est seigneur, je suis manant ! Je suis le moucheron, il est l’éléphant ! Il doit m’écraser c’est de bonne guerre. Mea culpa ! mea culpa ! mea maxima culpa !
Mon seigneur, je sais que la chasse à courre a commencé. Je suis un primate, je suis votre gibier. Je suis le « sang impur » de la Marseillaise. Je ferai taire mes râles pour ne pas vous importuner. Je suis le bad. Je suis enserré, pris au piège de vos fantaisies. Je suis à la Haye où j’ai un peu froid. Les miens ne sont plus sur les terres de leurs ancêtres à Duékoué. Ils sont en exil ou incinérés vifs ou marqués au fer ou écartelés ou enfouis vifs ou ébouillantés… Je n’attends plus que vous, les miens m’ont précédé dans le néant par votre bienveillance. Je les jalouse, Sarkozy m’a « snobé », Hollande me tuera. Bon maître blanc, je vous en supplie, je suis noir. Je suis bété. Je suis akyé. Je suis dida. Je suis de duékoué… Je ne suis pas un bon serviteur, je vous ai pollué l’air. Débarrassez-vous de moi pour votre qualité de vie. Un bad ça ne doit pas vivre. Vous êtes homme par essence, je ne suis pas assez homme, je suis quasi modo. Mea culpa ! mea culpa ! mea maxima culpa !
CONCLUSION
La machine infernale s’est mise en marche, la guillotine aveugle française a frappé en Côte d’Ivoire. Après ses exploits au Rwanda et dans les deux Congo, l’instrument de mort français a jeté son dévolu sur les bad, les patriotes ivoiriens, ces résistants de la Justice et de la Liberté. Le métier du bourreau n’est-il pas de tuer ? L’heure de la défense passée, la sentence est irrévocable, sans appel : mort ! mort ! mort ! Ivoiriennes, Ivoiriens, chers bad, vous mourez par le feu ou par la faim. Vous vous demandez encore ce que vous avez fait ! Une humanité inférieure qui revendique liberté et souveraineté, cela s’appelle un crime de lèse-majesté. Le type de crime qui est puni de mort. L’honneur et l’intérêt des Blancs de France sont en jeu. Nègres des bad ! soyez compréhensifs, vous devez mourir. Pas moyen de faire autrement parce que toute démesure appelle la vengeance sacrée. Vous avez osé, il faudra payer de vos vies.
Melissa Yapo
Sociologue.