Détenus depuis plus d'un an au nord: Aboudramane Sangaré et ses amis parlent pour la 1ère fois

Le 29 novembre 2012 par LG Info - Bientôt 20 mois, jour pour jour, que croupissent dans les bagnes du régime Ouattara, de nombreux proches de Laurent Gbagbo, sans qu’une lueur d’espoir

Sangaré Aboudramane.

Le 29 novembre 2012 par LG Info - Bientôt 20 mois, jour pour jour, que croupissent dans les bagnes du régime Ouattara, de nombreux proches de Laurent Gbagbo, sans qu’une lueur d’espoir

ne s’offre à eux. Des personnalités de la crème intellectuelle et de l’érudition du pays et non des moindres, à l’image du Professeur Aké N’Gbo, sont depuis fin avril 2011, des prisonniers politiques à qui les pires traitements des vainqueurs du 11 avril 2011 s’appliquent sans ménagement. Procédures et instructions judicaires à pas de tortue, sévices corporels et psychologues. Pis, la vidéo d’une scène de supplice, diffusée le 7 juillet 2011, au cours de laquelle, Affi N’guessan et ses amis sont contraints à des exercices physiques, est une des preuves indélébiles des tortures auxquelles sont soumis ces prisonniers. Des traitements qui sont aux antipodes de la loi dans un Etat qui se veut de droit, et qui refuse délibérément la présomption d’innocence à tous les détenus dits pro-Gbagbo.

Et face au flou judiciaire qui entoure leur situation, ils ont vertement interpellé les autorités du pays, sur la raison de leur présence dans ces geôles depuis bientôt deux ans, tout en fustigeant la lenteur avec laquelle l’instruction de leur dossier progresse, si ce n’est une mauvaise foi manifeste de la part du pouvoir. «Nous dénonçons la brutalité et la bestialité avec lesquelles nous avons été arrêtés. En plus, nous ne savons pas pourquoi nous sommes toujours retenus ici depuis des mois. Qu’on nous libère s’ils n’ont rien à nous dire», propos des détenus, rapportés par le chef de la division de droits de l’homme de l’Onuci. Qui a rendu visite aux pensionnaires du pénitencier de Katiola, lors de sa tournée dans les prisons du Nord, le samedi 24 novembre 2012.

Ainsi, Aboudramane Sangaré, Jean-Jacques Béchio, Kuyo Téa Narcisse et Bro Grégbé qui sont les prisonniers du régime dans cette ville, ont asséné des vérités, sur la violation de leurs droits les plus élémentaires, même dans leur statut de détenus. A savoir le droit à la nourriture correcte, aux soins de santé et à toute autre commodité à mettre à leur disposition. Lesquelles violations que le visiteur lui-même a constatées de visu, et qui a enjoint les autorités pénitentiaires locales de faire respecter leurs droits. «Les détenus ont des droits. Il faut veiller à ce que ceux-ci soient respectés, ce qui est tout à fait légitime. Car nous avons constaté, au cours de cette visite de terrain, que les prisonniers de l’ancien régime sont dans le dénuement total, pour ce qui relève de leurs droits. Réalités qu’ils ont tenu à dénoncer à ma présence.

C’est pourquoi nous invitons les autorités ivoiriennes à être plus regardantes sur ces questions» a indiqué le responsable de la division des droits humains à l’Onuci. Des constats qui, au-delà du cas des prisonniers de Katiola, sont révélateurs des mauvaises conditions dans lesquelles tous les détenus pro-Gbagbo ont été volontairement confinés, en guise de punitions supplémentaires. Gbagbo Laurent luimême ne croyait pas si bien dépeindre ces supplices, en sa qualité de premier prisonnier politique, détenu au Nord. «Pendant 8 mois, je n’ai ni vu le soleil, ni la lune.

Je ne pouvais savoir quel temps il faisait seulement quand il pleuvait», dixit, Laurent Gbagbo le 5 décembre 2011, lors de la première audience à la Haye. Simone Gbagbo a, elle aussi, connu les pires sorts, en sa qualité de détenue politique. Pendant plus de deux mois, elle a été littéralement réduite à la cachette punitive, défrayant la chronique sur cette affaire, tout au long du mois d’août 2012. Autant de faits, qui font dire à certains chroniqueurs que la détention des proches de l’ancien régime, s’apparente à celle que Sékou Touré avait infligée aux prisonniers politiques du camp Boiro dans les années 1960. Parmi eux figurent l’ancien secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine, Diallo Telli, qui y meurt de faim et de soif, le 1er mars 1977. Pour ne pas dire que l’histoire de la Guinée au régime tortionnaire, se ressuscite en côte d’Ivoire.

Marcel Dezogno