POLITIQUE: L’UMP EST MORTE HIER VERS 20H. Alain Juppé jette l'éponge

Publié le lundi 26 novembre 2012 | IVOIREBUSINESS - L'ancien Premier ministre a estimé, à l'issue d'une rencontre avec Copé et Fillon, que les conditions de la médiation n'étaient pas réunies.

EXPLICATIONS

Alain Juppé, en charge de la médiation entre Coppé et Fillon, a estimé dimanche soir que les conditions de sa médiation n'étaient pas réunies. (© NICOLAS TUCAT/AFP)

Publié le lundi 26 novembre 2012 | IVOIREBUSINESS - L'ancien Premier ministre a estimé, à l'issue d'une rencontre avec Copé et Fillon, que les conditions de la médiation n'étaient pas réunies.

EXPLICATIONS

Alain Juppé, qui devait entamer dimanche soir une médiation entre Jean-François Copé et François Fillon, a jeté presque aussitôt l’éponge, l’UMP se retrouvant donc au bord du gouffre.
Le député-maire de Meaux a expliqué à l’issue de la rencontre express que pour lui, il ne fallait pas mélanger les processus politique et juridique. La commission des recours du parti, instance juridique statuaire, doit d’abord proclamer le nom du président, et ensuite seulement, viendra le temps de la médiation. Le député-maire de Meaux et adversaire de François Fillon a expliqué: «En clair, ma position, c’est que le processus juridique ne doit pas être interrompu, la commission des recours travaille», et «ensuite on passera à une nouvelle phase». Un timing opposé aux conditions fixées par le maire de Bordeaux. Très «légaliste», il a expliqué plus tard dans la soirée, sur France 3, l'abandon de Juppé: «[Sa] médiation n’avait pas de légitimité pour fonctionner, c’était sa faille.»
De son côté, François Fillon a rejeté la faute sur Jean-François Copé. «[Il] porte seul désormais la responsabilité d’un échec qui touche notre parti et compromet, au-delà, l’image de l’action politique», écrit l’ex-Premier ministre dans un communiqué. «Soucieux de sortir de l’impasse dans laquelle les coups de force successifs de Jean-François Copé ont plongé notre parti, je saisirai la justice pour rétablir la vérité des résultats et rendre la parole aux militants», ajoute-t-il. Selon François Fillon, «Jean-François Copé a choisi de rejeter les propositions formulées par Alain Juppé. Ces propositions avaient reçu mon entier soutien».

Alain Juppé n’avait pas caché son pessimisme dans la matinée, sur sa capacité à réconcilier les deux adversaires qui se disputent la présidence de leur parti, dans une guerre sans merci commencée il y a une semaine jour pour jour. «S’ils n’acceptent pas, je n’ai aucun pouvoir pour imposer quoi que ce soit. Je me place dans l’espoir de réussir même si j’ai très peu de chances», avait-il dit.
De fait, arrivé à 19 heures à l’Assemblée nationale où il a réuni le député de Paris et celui de Meaux, il a annoncé moins de trois quarts d’heure plus tard qu’il renonçait. «Alain Juppé, constatant que ses propositions n’ont pas été acceptées, estime que les conditions d’une médiation ne sont pas réunies. En conséquence, il considère que sa mission est achevée», selon un communiqué de l’ex-Premier ministre.
La victoire de la «droite morte»
Les réactions à droite alternent entre désarroi et sarcasme. L’ex-ministre UMP Benoist Apparu a jugé dimanche que la médiation Juppé était la dernière chance que l’UMP reste «vivante», la motion l’ayant emporté étant, a-t-il ironisé sur BFMTV, «la droite morte».

«La question reste toujours la même: qui a gagné cette élection», a insisté l’ancien ministre du Logement. «Un problème reste entier: celui de la légitimité du président».
Jean-François Lamour, député UMP de Paris, a accusé dimanche Jean-François Copé d’avoir fait «un bras d’honneur» à Alain Juppé. «J’ai une conviction ce soir, Jean-François Copé ne voulait pas de cette médiation, il a donc baladé Alain Juppé pendant quatre jours et là, il vient de lui faire un bras d’honneur en refusant toute proposition», a affirmé Lamour sur BFMTV. Selon lui, il y avait dans l’esprit de M. Copé «la volonté de torpiller une initiative d’Alain Juppé».
Valérie Pécresse, soutien de François Fillon, a déclaré dimanche soir: «François Fillon a tout fait pour que la médiation d’Alain Juppé puisse réussir. Il en a accepté toutes les conditions. Jean-François Copé, lui, l’a refusée», a déclaré devant les micros Valérie Pécresse. «Alors aujourd’hui, je suis triste pour les militants. Nous allons tout faire pour qu’ils connaissent la vérité et pour leur redonner la parole», a-t-elle ajouté, avec Eric Ciotti à son côté. Tous les deux sont ensuite rentrés à l’Assemblée nationale pour y retrouver François Fillon.

Une des questions urgentes concernent la cohésion du groupe UMP à l’Assemblée nationale. Le député Lionel Tardy, soutien de François Fillon, a déclaré dimanche soir que «toutes les conditions (étaient) réunies pour qu’il y ait une scission au sein du groupe à l’Assemblée». «Je souhaite qu’au minimum il y ait un groupe différent de celui de Jean-François Copé à l’Assemblée nationale puisqu’il y a un désaccord complet. Quinze parlementaires suffisent pour faire un groupe mais on sera plus nombreux que ça, il y aura énormément de monde, sans doute plus de monde qu’avec Jean-François Copé», a-t-il estimé.
L’entourage de François Fillon a précisé que l’ex-Premier ministre réunirait les parlementaires le soutenant mardi matin à l’Assemblée.
Christian Jacob, patron du groupe UMP à l’Assemblée nationale, a tenté de déminer la situation, assurant que les députés de son parti voulaient garder «la maison unie». «Sur le groupe, je pense que personne n’imagine de créer une scission au sein de l’UMP». «J’ai eu beaucoup de députés, fillonistes, copéistes ou d’autres qui ne s’étaient pas prononcés. Tout le monde voit bien l’intérêt qu’il y a à rassembler, à garder la maison unie», a-t-il insisté. «Le fait de faire un groupe à part n’a pas de sens», a affirmé Christian Jacob.
Avant même qu’elle ne commence, la médiation avait été mise sous pression par Copé, président proclamé de l’UMP, qui avait annoncé vers 18h30 une réunion de ses soutiens à 20 heures à la mairie du VIe arrondissement, laissant ainsi seulement une petite heure à Juppé pour dénouer la situation. Discret ces derniers jours, l’ex-secrétaire général de l’UMP Xavier Bertrand avait souhaité en vain «le succès» de la mission Juppé car «jamais l’UMP n’a été autant en danger».
Au moment même où Juppé s’exprimait le matin, la commission nationale des recours du parti, chargée de trancher les litiges électoraux et saisie tour à tour cette semaine par Copé et Fillon, avait commencé une réunion au siège du parti, à Paris (XVe). Ses huit membres – une s’est retirée – avaient suspendu leurs travaux un peu après 19 heures. Elle a repris dimanche soir ses travaux vers 20h30 après la rencontre tripartite Juppé-Copé-Fillon. Elle pourrait toutefois ne statuer que lundi après avoir passé en revue les recours déposés par le camp Fillon qui, postés vendredi soir par lettre recommandée, n’étaient pas encore arrivés à la commission.

Le feuilleton avait connu un nouvel accès de fièvre en fin de matinée quand Eric Ciotti et Eric Berdoati, observateurs pro-Fillon des travaux de la commission, ont claqué la porte de cette instance jugée illégitime. Le camp Copé, par la voix de l’avocat Francis Szpiner, a aussitôt dénoncé une «désertion».
Juppé avait proposé de constituer une commission de médiation avec des représentants des deux adversaires et deux personnalités choisies par lui. Elle devait rendre ses conclusions sous quinze jours. Des conditions acceptées par le camp Fillon, mais Copé, fort de ses 98 voix d’avance proclamées sur Fillon, se montrait déterminé à ne rien lâcher.

SOURCE: LIBERATION.FR
NB: Le titre et les ajouts sont de la rédaction.