Tribune: Front Populaire Ivoirien Quelle organisation en ce temps de grave crise ? Par Claude Koudou

Le 26 novembre 2012 par Correspondance particulière - 1) Bref état des lieux
Depuis de longues années, notre Parti a crée des mécontentements dans son fonctionnement en Europe, mais surtout en France. Les frustrations se sont

Les leaders du FPI Amani N'guessan et Miaka Ouretto, à l'ambassade de Côte d'Ivoire en France.

Le 26 novembre 2012 par Correspondance particulière - 1) Bref état des lieux
Depuis de longues années, notre Parti a crée des mécontentements dans son fonctionnement en Europe, mais surtout en France. Les frustrations se sont

accrues lorsque des initiatives prises par des militants et/ou sympathisants, au lieu d’être coordonnées ou encadrées, se voient soit sabotées soit étouffées par la Représentation parce que non inspirées par elle. Pour avoir fait le tour de plusieurs pays, on peut dire que si cette difficulté est plus grave en France, elle n’épargne pas d’autres Représentations de pays en Occident. Sans doute parce que les attributions sont floues ou mal définies.
Une situation de défiance non désirée est née par la force des choses. Mais l’incapacité de forger un cadre qui puisse valoriser ceux qui s’intéressent au Parti et/ou rassurer les attentes, a provoqué du découragement voire simplement de la démobilisation.
Il est utile de rappeler que nombre de ceux qui se plaignent aujourd’hui de la Représentante France, sont les mêmes qui l’ont portée hier – sans doute de bonne foi –. C’était le moment où il fallait quand même que des voix de collaborateurs s’élèvent pour rappeler les statuts et dénoncer l’aversion qu’a la camarade à s’attarder sur des détails qui divisent au lieu de rassembler.
Aussi, la Direction du Parti doit-elle tirer, à son tour des leçons sur son manque de recadrage ou de rappel à l’ordre conséquent à l’endroit de la Représentante France. Car si nous en sommes arrivés là, nous pouvons partager que cela n’est pas dû à un hasard.
Le Parti garde néanmoins de nombreux sympathisants. La question qui est pendante est de savoir comment capitaliser ce fond de sympathie.

2) Le rappel de la situation du pays et la question de confiance

a) Bref rappel de la situation du pays
La terreur qui sévit dans le pays : arrestations arbitraires, détentions extra-judiciaires, enlèvements, viols, assassinats, tortures, pillages, répression de l’opposition, graves atteintes des Droits humains et chasse aux exilés, … sont devenus le lot quotidien de nos compatriotes. Ces exactions, voir la désacralisation de l’humain qui sont banalisées enfoncent chaque jour notre pays dans l’abime. La fracture qui en découle est si grande que chacun doit prioritairement observer le sens de responsabilité.

b) La question de confiance
La direction du Parti doit se saisir de son passage en Europe – en si grande délégation – pour redorer l’image du FPI. Des suspicions empoisonnent l’esprit de militantisme parce qu’aucune règle n’est suivie. La complaisance et parfois le mélange des genres sont des insuffisances qu’il faut absolument corriger. Notamment des militants qui, au lieu de chercher à s’affirmer par leur compétence pensent pouvoir « distribuer » des rôles parce qu’ils ont un
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proche ou un parent dans la direction du Parti. Nous pouvons convenir que des considérations supposées ou réelles peuvent fonder les symptômes d’un délitement du bien précieux qu’est notre parti.
Aussi, nombre de nos compatriotes dans la Diaspora estiment que la Direction du FPI n’a pas été solidaire quand le Parti était au pouvoir. Il conviendrait pour cela de se montrer rigoureux à l’endroit de tous ceux dont l’attitude peut affaiblir la vitalité du Parti.

3) Les enjeux qu’il faut apprécier à leur juste valeur

Vu que nous sommes dans un monde globalisé. L’instrument de conquête et d’exercice du pouvoir qu’est le Front populaire ivoirien doit appréhender et complètement intégrer les réalités qui se présentent à lui.
Notre parti est le cadre sur lequel repose l’espoir de la plupart des Ivoiriens. Les approximations qui se sont glissées hier dans nos pratiques doivent être bannies si nous voulons connaître un regain de crédibilité.
Il faudrait comprendre le sentiment de nos compatriotes qui traduit que « même si nous souffrons tous, le FPI n’est pas forcément « blanc » dans l’affaire ».

a) Nos relations avec l’extérieur
- La Diaspora
C’est une dimension qui n’est pas prise en compte – à sa juste valeur – dans nos approches. Or, nous savons que les pays de l’Asie du Sud Est et pour l’Afrique, le Nigeria ; le Ghana ; l’Ethiopie et l’Afrique du Sud émergent grâce à cette « catégorie » de ressources humaines. Il convient donc d’installer une passerelle solide entre le pays et la Diaspora. Car cette dernière à raison, considère que le FPI ne se tourne vers elle qu’en cas de difficulté. Il y a une société civile dans la Diaspora qui, si elle ne veut pas forcément s’impliquer directement dans le fait militant, a une sympathie pour notre Parti. Il faut créer un contexte qui permette aux différentes énergies de se libérer et d’apporter de la vitalité à l’ensemble du Parti. Nos compatriotes de l’étranger sont disponibles à participer. Mais ils ne comptent pas le faire dans un climat de suspicion généralisé qui ne garantit de surcroît aucune lisibilité.
- Mouvements patriotiques et/ou mouvements de résistance
Là aussi, il convient de prendre toute la mesure au niveau sociologique, mental et psychologique.
Il y a ceux qui organisent des manifestations. Et il y a des « activistes » ; ils le font bien et ils le revendiquent. Mais il y a également à côté ou à l’intérieur de ces « groupes » des partis et des mouvements politiques constitués. Il faut arriver à faire la part des choses pour que le message du FPI ne soit pas brouillé par des élans soit en mal de reconnaissance soit par ceux qui sont dans une logique de voyeurisme tout azimut.
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- Notre relation avec la France
Cet aspect de notre politique doit subir des aménagements profonds. En fait, la France est cette puissance qui a du mal à revisiter son passé colonial avec objectivité. Comme si elle en avait honte, la France n’affronte pas les questions liées à son passé colonial avec toute la pertinence que requiert le sujet. Il convient dans ces conditions de trouver des interlocuteurs et d’asseoir une plate-forme qui peut conduire une diplomatie adaptée en la matière. Le sentiment qui se dégage est que nous avons fait preuve d’une naïveté et d’un sentimentalisme démesuré. Là aussi, il y a lieu d’échanger des informations sur des dossiers avec les membres de la Diaspora qui ont construit des réseaux à l’Internationale.
Ce qui est décliné plus haut indique que des frustrations existent. Mais il y a légitimement des ambitions et des envies. Tout cela est humain. Mais l’essentiel reste avant tout : Comment gagner ensemble ?

4) Propositions

Le Parti doit afficher une ligne claire dans sa politique extérieure. Notre pays traverse une crise grave. Conscient que tous les dispositifs locaux sont baillonnés, un mode d’expression à l’international reste une marge de manoeuvre qu’il faut exploiter dans toutes ses dimensions. Ce qui suppose qu’il faille écouter, consulter avant de prendre des décisions dans le sens de l’intérêt général. Toute décision qui n’endosse pas un minimum d’objectivité va être frappée par le seau de l’amateurisme et nous retarder alors que nous avons nécessairement intérêt à nous rassembler.
La situation actuelle commande que nous ne prêtions pas de flanc au désordre. Il faut faire comprendre que le renouvellement des instances n’interviendra qu’après un Congrès du Parti. Il s’agit d’envoyer un message fort au respect scrupuleux de la discipline du Parti. L’angélisme, le favoritisme et la complaisance méthodiques ou non doivent définitivement rester dans le passé.
Ainsi,
- Devant la gravité de la situation ;
- Devant l’attente de nos compatriotes et l’espoir qu’ils placent dans notre Parti ;
- Devant les injustices qui sont couvertes par la Communauté internationale, peut-être parce que le FPI n’imprime pas suffisamment de lisibilité et de visibilité ;
Devant l’absolue nécessité d’avoir un cadre qui favorise un travail collectif dans la sérénité ;
Sans renier la Représentation – donc si possible en concertation avec elle –, le Parti pourrait pour le temps de crise se reconnaître dans l’installation d’une instance Ad hoc de Crise (IAC).
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Cette instance pourrait intégrer le Chargé des Ressources déjà nommé, et le Conseiller du président Miaka. Il faudrait redéfinir le rôle de ce dernier pour que le message de l’IAC ne soit pas brouillé.
Seul le Coordonnateur de l’IAC est l’interlocuteur de la Direction du Parti pendant ce temps de crise.
Le profil du Coordonnateur de l’IAC
Il faudrait une personnalité qui connaît bien le FPI et qui ait des ficelles pour rassembler, tout étant habitée par la capacité de relativiser, et la compétence nécessaire pour conduire des groupes de travail.
Le critère majeur doit être la disponibilité et la capacité d’être un interlocuteur pertinent à l’endroit d’instances extérieures. Ce dernier aspect du profil doit introduire la Direction dans des connexions ou provoquer des rendez-vous (rencontres), de nature à contribuer à inverser la situation de crise qui sévit dans notre pays. La durée de vie de l’IAC irait jusqu’à la fin décrétée de la crise.
Conclusions
Par le passé, nous n’avons pas pris la mesure de différentes interpellations afin d’adapter le Parti aux défis et enjeux. Malgré des apparences de conciliation, nous pouvons craindre que certains camarades « ne roulent que pour eux ». Un parti comme le FPI doit asseoir une stratégie en matière de prospectives et imprimer une méthodologie pertinente à tous élans qui touchent à son organisation.
Nos amis ont eu une rencontre à l’Elysée, c’est bien. Mais il ne faut jamais faire semblant. Laurent Gbagbo est à La Haye et nombre de nos amis sont emprisonnés dans des goulags en Côte d’Ivoire. Les approximations de natures diverses ne doivent plus être dans nos démarches. Dans l’intérêt de notre Parti, des militants, des sympathisants et de notre pays, nous serons de ceux qui se battront de toutes nos forces pour couper le chemin d’une autre imposture, à ceux qui voudraient jouer les équilibristes. Nous ne tolérerons pas la trahison de ceux qui montrent en apparence qu’ils ont tiré des leçons alors que des comportements sectaires restent entièrement ancrés en eux. Nous voudrions affirmer avec force que Laurent Gbagbo nous regarde. Le peuple de Côte d’Ivoire regarde le FPI. Gare « aux petits malins » s’il y en a. Vu que les petits accommodements d’hier ont fait beaucoup trop de dégâts, la Direction doit absolument adapter sa politique à l’actualité qui sévit dans notre pays.

Claude Koudou
Analyste et observateur politique