Médiation dans la crise ivoirienne - Face-à-face Goodluck – Zuma - Le jeu trouble de l`ONU
Publié le lundi 31 janvier 2011 | L'Inter - L'Afrique a pris ses responsabilités, et c'est désormais vers un panel de 5 chefs d'Etat tel que décidé par le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA) que les regards sont tournés pour
Publié le lundi 31 janvier 2011 | L'Inter - L'Afrique a pris ses responsabilités, et c'est désormais vers un panel de 5 chefs d'Etat tel que décidé par le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA) que les regards sont tournés pour
connaître le dénouement de la crise ivoirienne. Investis d'une autorité ''contraignante'', ces chefs d'Etat en mission pour le rétablissement de la paix en Côte d'Ivoire et la stabilisation de la situation dans la sous-région ouest-africaine, en raison de cette crise, vont rendre d'ici à la fin du mois de février, les conclusions de leur médiation. Avant que les débats n'aient lieu, déjà, cette médiation préfigure un face-à-face de haut niveau entre deux chefs d'Etat. Le Nigérian Goodluck Jonathan, président en exercice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO) et le Sud-Africain Jacob Zuma. Deux présidents de la République à la tête des deux Etats géants de l'Afrique noire. On connait déjà les positions de Goodluck et Zuma, qui se sont croisés sur le dossier ivoirien pour la première fois le vendredi dernier, à l'occasion de la réunion du Conseil de paix et de sécurité (CSP) de l'UA. Convaincu de la victoire d'Alassane Ouattara telle que proclamée le 02 décembre passé par la Commission électorale indépendante (CEI) ivoirienne et certifiée par le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU à Abidjan, Choi Young-Jin, le président par intérim du Nigeria et président en exercice de la CEDEAO reste la tête de file des partisans d'une intervention militaire pour faire partir vaille que vaille Laurent Gbagbo du pouvoir. Goodluck n'a pas encore abandonné cette option, qu'il a dû se frotter à celle d'un réexamen des voix que propose son homologue sud-africain Jacob Zuma dont la position se trouve plus rapprochée de celle du président sortant ivoirien déclaré réélu et investi par le Conseil constitutionnel. «La situation ne se débloque pas malgré tous les efforts faits. Nous devons faire quelque chose d'autre que de demander à l'un des deux chefs de partir. Nous devons trouver un moyen de vérifier les faits et, en fonction des résultats, de pouvoir avancer», dixit le président Zuma, le vendredi 21 janvier à Pretoria, après un entretien avec son homologue ougandais, Yoweri Museveni. Très influent sur le continent africain, les présidents Zuma et Goodluck vont peser de tout leur poids sur la conduite des débats, qui vont avoir lieu pendant le mois donné pour trouver une issue à la crise ivoirienne. Le communiqué alambiqué de la réunion du Conseil de paix et de sécurité de l'UA ne témoigne-t-il pas déjà de cette confrontation entre les deux géants dans les tribunes africaines? Aujourd'hui, c'est presqu'une lapalissade de le dire, si au niveau de la CEDEAO, le camp Ouattara mène au point, c'est grâce au poids du Nigeria Goodluck, qui dirige les débats. Au niveau de la SADC (Southern African development Community, ou communauté de développement des Etats sud-africains), ce n'est pas le cas. La cause du camp Gbagbo semble davantage triompher grâce à l'Afrique du Sud de Jacob Zuma, leader sous-régional adoubé dans sa posture par des caciques comme le Zimbabwéen Robert Mugabé dont l'on connait déjà les antécédents dans ces questions électoralistes. Les positions dominantes des deux géants de l'Afrique qui, de près ou de loin, vont influencer les débats dans les négociations, reflètent bien cette rivalité souterraine qu'ils se mènent sur le continent
à l'image de ce qui se passe entre la Russie et des Etats-Unis au Conseil de sécurité des Nations unies. Intérimaire à la tête du Nigéria Goodluck se trouve cependant dans une posture délicate, étant appelé à se consacrer dans les mois qui viennent à la situation dans son propre pays. Notamment l'organisation de l'élection présidentielle à laquelle il est candidat et le défi de la sécurité à l'intérieur du Nigeria qui l'attend en pareille circonstance avec les soulèvements armés et autres attentats qui menacent. Toujours est-il que Goodluck et sa liste de chefs d'Etat qui le soutiennent défendront crânement leur position dans la crise ivoirienne. Laquelle position est restée dominante jusqu'à ce que les donnes commencent à changer sur le continent avec la persistance du blocage en Côte d'Ivoire. Dans tous les cas, le dernier mot revient, et uniquement, aux 5 chefs d'Etat désignés pour conduire l'ultime médiation décidée par l'UA. A ce sujet, le secrétaire général de l'ONU a adopté des positions, hier, au sommet d'Addis-Abeba, qui ne semblent pas aider à une sortie rapide de la situation en Côte d'Ivoire. Du haut de la tribune de l'UA, où il était invité, Ban Ki-Moon a exprimé son opposition à toute idée de ''recomptage des voix'' ou de ''partage du pouvoir'', étant fermement attaché à un départ de Laurent Gbagbo du pouvoir. Ces balises que tente de poser le patron de l'ONU constituent de sérieuses entraves au travail des médiateurs, qui ne devront pas être gênés dans leur tâche. Ban Ki-Moon jette le trouble dans la médiation. La France, les Etats-Unis et l'ONU étant considérés comme des parties prenantes à la crise qui perdure malgré toutes les injonctions et autres formes de pressions venant de l'extérieur, il importe de laisser les mains libres aux émissaires de l'UA, suffisamment responsables pour prendre les décisions qui s'imposent dans leur mission. La réussite de cette médiation dépendra de la liberté des acteurs désignés pour la conduire. L'euphorie des premières heures de la crise et les pesanteurs qui ont résulté dans sa résolution ayant conduit à sa pérennisation jusqu'à ce jour. Au grand dam des populations ivoiriennes, qui n'en peuvent plus, et même des voisins de la sous-région, également éprouvés par la situation en Côte d'Ivoire. C'est le lieu de taire les égos pour mettre fin aux souffrances de ces populations en trouvant une solution de sortie de cette situation chaotique, plutôt que rechercher des voies pour arranger un camp ou l'autre, pendant que des gens se meurent. Peu importe les compromis auxquels vont aboutir les négociations, les Ivoiriens n'attendent que cela pour revivre. Eux avec bien de leurs frères de la sous-région, qui vivotent depuis que cette situation s'est imposée à eux. Trêve donc de radicalisme dans les positions pour laisser la chance aux débats d'avancer. A moins que des intérêts occultes ne guident les actions des responsables des Nations Unies.
Félix D.BONY