Campagne 2012-2013 / Malgré la réforme de la filière café-cacao : Encore des difficultés apparentes sur le terrain, 35 tonnes de cacao refoulées à Abidjan
Publié le samedi 13 octobre 2012 | L'intelligent d'Abidjan - Depuis le 3 octobre 2012 a été lancée la campagne agricole (café-cacao), au titre de la saison 2012-2023, la première depuis la réforme de la
filière adoptée en novembre 2011, marquant la rupture d’avec l’ancien système.
Publié le samedi 13 octobre 2012 | L'intelligent d'Abidjan - Depuis le 3 octobre 2012 a été lancée la campagne agricole (café-cacao), au titre de la saison 2012-2023, la première depuis la réforme de la
filière adoptée en novembre 2011, marquant la rupture d’avec l’ancien système.
Pour la campagne agricole en cours, le prix du kilogramme du cacao a été fixé à 725 FCFA. C’est un prix garanti, à la différence de la réforme précédente. Il traduit l’engagement du chef de l’Etat, Alassane Ouattara, à accorder 60% du prix CAF de référence aux producteurs. Cette nouvelle réforme qui n’est pas calquée sur les anciens systèmes de stabilisation et de libéralisation est saluée par les partenaires financiers, notamment les institutions de Bretton Woods. «La mission se félicite de l`achèvement de la réforme du secteur du cacao qui devrait aider à la réduction de la pauvreté dans le milieu rural», s’était réjoui Michel Lazare, Sous-directeur au Département Afrique du FMI, au terme de la deuxième mission de revue du programme soutenu par la Facilité Elargie du Crédit (FEC), à Abidjan du 19 septembre au 3 octobre 2012. Pour la mise en œuvre de cette réforme, le gouvernement ivoirien a mis en mission sur le terrain, le Conseil du café-cacao. Cette structure, dans le cadre de la nouvelle réforme, a pour mission de faire appliquer les instructions relatives à l’application du prix garanti, mais aussi de prendre des sanctions à l’encontre de ceux qui enfreindront la loi. Les directives portent essentiellement sur la qualité des fèves admissibles à l’exportation. Pour être admis à l’exportation, le cacao d’origine Côte d’Ivoire est soumis à des conditions. A savoir qu’il doit être correctement fermenté; être sec avec un taux d’humidité ne devant pas dépasser 8%; être propre et exempt de matières étrangères libres ou adhérentes (débris de cabosses, de bois, et de parties minérales diverses); ne présenter aucune odeur étrangère (moisi, fumée, pesticides, goudron); être classé Grade I ou Grade II pour bénéficier de l’appellation commerciale «Good fermented: GF». En terme de grainage, il est prévu une tolérance allant jusqu’à 105 fèves/100 grammes. C’est pour faire respecter ces restrictions que l’administration, par le biais du Conseil café-cacao, a envoyé des agents-contrôleurs sur le terrain et dans les zones de production. L’objectif était d’éviter la dépréciation de la qualité du cacao ivoirien. Lors du lancement de la campagne, la directrice du Conseil café-cacao a averti les importateurs, de même que les producteurs qui doivent éviter que le cacao soit séché sur le bitume ou comprenne d’autres corps étrangers autres les fèves du cacao. «Tout chargement qui arrivera avec un taux d’humidité supérieur à 9% sera systématiquement refoulé, conformément aux accords obtenus avec les exportateurs et les transformateurs», a averti Massandje Touré-Litse. Mais en dépit de cette bonne intention des autorités gouvernementales, la grogne des acteurs gagne du terrain. D’un côté, il y a des intervenants de la chaîne commerciale qui dénoncent une mauvaise qualité du cacao due au manque de suivi et de l’autre, les producteurs représentés par l’ANAPROCI (Association nationale des producteurs de café-cacao de Côte d’Ivoire), qui dénoncent une grande arnaque au bout de la chaîne.
La gestion de la mauvaise qualité du cacao, un autre combat pour le ministère et le Conseil café-cacao
Il se passe bien des choses depuis l’ouverture de la campagne café-cacao au titre de la saison 2012-2013. Des informations font état de ce que des paysans sécheraient le cacao et en même temps espéreraient un prix garanti de 725 F le kilogramme. Une attitude contraire à la vision du ministère de l’Agriculture et du Conseil café-cacao dont une des missions est de veiller au bon traitement de la fève du cacao. Partant sur la base de ces mêmes informations, l’on a appris que des planteurs ne traiteraient pas bien leurs produits. Et que des acheteurs proposeraient des sommes dérisoires au lieu du prix national. Pour s’assurer de la véracité de ces informations, des présidents de coopératives agricoles ont été joints par la rédaction le mercredi 10 octobre 2012. Pour tous, depuis l’ouverture de la campagne, une telle situation n’a pas été signalée ou déplorée. Pour les coopérateurs majoritaires, eux-mêmes paysans, ‘’il apparaît improbable qu’un producteur, de façon délibérée sèche mal son cacao, surtout que les producteurs ont un problème de stockage et de conservation’’. «Quand le cacao n’est pas bien séché, on ne peut pas le conserver longtemps. Donc, c’est impossible qu’un producteur refuse de bien sécher son cacao avant de le vendre», confie un membre d’une coopérative de Heremakono Garo. Pour d’autres responsables de coopératives, il n’y a pas d’obstacles, comme les années précédentes. Pour ces derniers, il faut au contraire saluer la nouvelle réforme. L’avantage est que la présence des agents sur le terrain permet de dissuader les acheteurs et opérateurs économiques ‘’véreux’’ qui se croient encore dans l’ancien système où ils prenaient les produits à vil prix dans les zones de production. En clair, pas question de vendre le cacao en-dessous du prix officiel (725 : Ndr). Selon M. Kakou N’dri, responsable de la coopérative agricole de Morokro (CAMO), dans le département de Tiassalé, le prix du cacao est respecté et il y a même un contrôle sur le terrain. «Il y a même des agents-contrôleurs du Conseil café-cacao qui sont au moment où je vous parle même (ndlr : alors que nous étions en contact téléphonique) sur le terrain et qui procèdent à des contrôles dans des magasins pour s’assurer que les prix sont respectés et que les produits sont de bonne qualité», confiait-il mercredi lors d’un échange téléphonique. Même son de cloche du côté de Bouaflé. Où Léon Konan Kouakou, président de la Coopérative agricole de la Marahoué (COAMA) a rassuré sur le respect du prix d’achat du kilogramme du cacao à 725 FCFA comme annoncé par le Gouvernement et réaffirmé par le ministre de l’Agriculture le 3 octobre dernier. Toutefois, à Abengourou, l’on indique que les choses évoluent au ralenti.
Des inquiétudes demeurent toujours !
En ce qui concerne les difficultés et inquiétudes apparentes, c’est le président de l’Association nationale des producteurs de café-cacao de Côte d’Ivoire (Anaproci) qui a mis les pieds dans le plat. Au-delà du fait que les producteurs n’ont pas été associés à la prise de décision concernant la fixation d’un prix garanti pour l’achat du kilogramme de cacao, il se dit inquiet de la suite de cette mesure. Se référant aux années précédentes, il y voit des difficultés à venir qui pourraient impacter le prix bord champ ‘’garanti’’ aux producteurs. Le nœud de ses inquiétudes, vient du fait que le Gouvernement, avant d’annoncer le prix, n’ait pas tenu compte de certains aspects comme l’état des routes dans les zones de production. Ce qui fait qu’une fois dans les champs, les acheteurs pourraient devenir les seuls maîtres. Ils pourraient alors imposer leur prix. Quitte aux producteurs de l’accepter ou de refuser. Il en va de même pour les coopératives qui ont besoin de vivre. Or, la nouvelle réforme semble n’avoir rien prévu pour celles-ci qui emploient également des personnes, sans compter l’entretien des véhicules et les autres charges fixes auxquelles elles doivent régulièrement faire face. Qui sont autant de soucis que relève l’Anaproci. «Même à 1000 FCFA, s’il n’y a pas de mesures d’accompagnement, on revient à la case départ», relevait Boti Bi Zoua lors d’une rencontre avec la presse. Dans l’entendement des membres de l’Anaproci, ‘’il faut que le Gouvernement revoie sa position’’. Sinon telles que les choses sont faites, il y a un risque de retour en arrière où le kilogramme du cacao se négociait entre 350 et 400 FCFA, alors même qu’il était fixé à 1000 FCFA.
Les assurances du Conseil café-cacao
Le Conseil du café-cacao tient au respect strict des décisions arrêtées dans le cadre de la nouvelle réforme. C’est pourquoi, depuis le lancement de la campagne, Mme Massandje Touré-Litse, Directrice générale du Conseil du café-cacao de Côte d’Ivoire a initié des visites de terrains, en plus des 500 agents-contrôleurs recrutés, déployés sur l’ensemble du pays. Le jeudi 11 octobre 2012, elle était dans la région d’Aboisso afin de s’assurer sur le respect du prix d’achat du cacao et de la bonne qualité de cacao livrée à la vente. Même hier, elle s’est rendue dans la localité d’Agboville pour les mêmes missions. Si on s’en tient aux dernières informations, le Conseil café-cacao est décidé à faire respecter le même prix sur l’ensemble du pays. Car, cette année, ‘’il n’y aura pas de réfaction’’. C’est-à-dire qu’il n’y aura pas de prix pour un cacao quelconque qu’on jugerait de mauvaise qualité comme par le passé. En clair, quand un cacao n’est pas bon, il ne peut être vendu. Ceux qui s’entêtent à l’acheter ou à le vendre, ils le feront à leurs risques et périls. Déjà, a-t-on appris, 35 tonnes en provenance de Tiapoum pour Abidjan a été refusée parce qu’elle est de mauvaise qualité. Ce qui constitue la première sanction contre la mauvaise qualité et le mauvais traitement de la fève du cacao. Pour être plus franc dans la conduite de la réforme, le Conseil café-cacao a prévu des sanctions contre les opérateurs économiques. En ce qui concerne les acheteurs, la première sanction vise l’annulation de l’agrément qui leur permet d’exercer. A cela s’ajoutent des sanctions pénales. S’il s’agit d’un opérateur économique non national, les sanctions contre celui-ci peuvent aller jusqu’à son exclusion du pays. Dans le cadre de sa politique, on a également annoncé une série d’activités. Il s’agit du reprofilage de plus de 3000 pistes villageoises afin de permettre l’accessibilité des acheteurs de produits, ce qui va éviter de rendre les acheteurs maîtres des lieux. D’ailleurs, a-t-on aussi appris, des numéros verts seront bientôt disponibles pour dénoncer des cas de manquements.
Honoré Kouassi