TRIBUNE: LE VÉRITABLE PROJET DE LA DROITE FRANÇAISE EN CÔTE D'IVOIRE ET EN AFRIQUE FRANCOPHONE
Le 07 octobre 2012 par Correspondance particulière - Les français, il est vrai, sont unis quand il s'agit de défendre leurs intérêts, mais il est important de souligner que les crises que nous
Le 07 octobre 2012 par Correspondance particulière - Les français, il est vrai, sont unis quand il s'agit de défendre leurs intérêts, mais il est important de souligner que les crises que nous
connaissons en Côte d'Ivoire et en Afrique francophone ne sont suscitées que par la politique extérieure de la droite française. Les africains attendent de voir se développer une politique africaine authentique de la gauche française, sous la conduite du président François Hollande. Les déclarations relatives à la non-ingérence de la France dans les affaires africaines ne suffisent pas, il faut désormais poser des actes concrets susceptibles de mettre fin au système colonial (ou néocolonial) élaboré depuis le général De Gaulle par la droite française. Les ivoiriens voire les africains se doivent de comprendre que la politique est avant tout un choix que nous nous devons d'opérer entre différentes philosophies politiques. La droite française a choisi en Afrique de s'inspirer de la philosophie politique de Nicolas Machiavel. Ce philosophe politique parle dans son oeuvre intitulée le “Prince” du rapport entre la chance (la force humaine, les circonstances) et la vertu (la politique comme art). Il compare, grosso modo, la volonté des peuples, leurs aspirations, à un fleuve déchaîné, que l'homme politique doit être capable d'endiguer, de contenir grâce à la construction de digues. Il précise que la chance (la volonté du peuple, ce fleuve déchaîné) “montre surtout son pouvoir là où aucune résistance n'était préparée” (cf. le Prince chap. XXV). La droite française a, pour ce faire, depuis De Gaulle, construit des “digues” en Afrique, en élaborant tout un système politique, à même d'empêcher les africains de prendre en main leur propre destin. Comme “digues”, nous avons l'usage de la violence physique légitime concédé aux présidents qu'ils installent et le mensonge légitime perçu dans la philosophie politique de Nicolas Machiavel comme une vertu, et non un vice, car “la fin justifie les moyens”. Pour préserver ses intérêts en Côte d'Ivoire et en Afrique, la droite française a toujours utilisé soit la force, soit le mensonge légitime. Elle a ficelé de faux dossiers pour incriminer de manière légale, ceux qui refusent de penser français, d'être des assimilés. Ce mensonge légitime dont ils sont passés maîtres se retrouve dans leurs discours hermétiques. Analysons l'entretien de l'ambassadeur de France sur RFI qui choisit étrangement le moment du procès du général de division Dogbo Blé, Chef de la garde républicaine de Laurent Gbagbo, pour tenir le discours suivant: “Le général Dogbo Blé est un brillant officier, je crois savoir qu'il est sorti major de sa promotion à Saint Cyr […] Cet officier aurait pu avoir une brillante carrière, mais il a décidé de suivre le mauvais chemin pour des raisons ethniques, ou régionalistes”. Ce langage qui semble innocent est en fait un message codé; une véritable mise en garde à l'encontre des officiers ivoiriens, et indique clairement la ligne de conduite
qu'on veut imposer au président du Tribunal qui devrait être impartial. L'ambassadeur dit au général Dogbo Blé, dans un langage accessible à tous: “Tu as été formé dans nos écoles, où tu as reçu une épée que tu te devais de mettre au service de la France et de son empire colonial, et tu t'es permis de l'utiliser contre tes supérieurs, contre la métropole, pour défendre la nation ivoirienne qui n'est en fait, conformément à nos accords secrets, qu'une région de la France. Tu as mené en fait un combat régional voire ethnique. L'ambassadeur fait en effet référence à l'ethnie pour justifier le rattrapage ethnique prôné par Alassane Ouattara qu'il ne condamne justement pas). Nous retrouvons dans ces propos codés le mensonge légitime qui soutient indirectement leur candidat (Il nous suffit de comparer les gouvernements sous Laurent Gbagbo et celui d'Alassane pour savoir qui mène véritablement un combat ethnique). Au-delà du général Dogbo Blé, l'ambassadeur de France s'adresse à tous les officiers ivoiriens formés dans les écoles occidentales. Il n'est donc pas surprenant de constater que le général Doué est aussi appelé à la barre dans le cadre de l'assassinat du général Guéï. Leur but est de briser l'intelligentsia de l'armée ivoirienne pour nous ramener à l'administration directe des colonies. Ne nous focalisons pas sur le “Rattrapage ethnique” qui n'est en fait qu'un écran de fumée après celui de la balkanisation de l'Afrique par Houphouët. L'art de la tromperie où excellent les hommes politiques français a toujours installé des poudrières ethniques pour susciter des guerres fratricides, pour ressusciter des conflits ethniques ou religieux qui nous ont opposé dans le passé, afin de nous rendre prisonniers de l'époque médiévale. La balkanisation de l'Afrique par Houphouët ne fut qu'une “digue” construite par la France pour opposer, tout au long de notre histoire, les mandingues, les fils du Sahel aux ivoiriens. Nous sommes, en réalité, confrontés à une balkanisation mentale de l'Afrique qui nous empêche de construire en toute tranquillité nos nations. Plusieurs pays forment, par exemple, l'Union européenne, mais on ne peut parler de balkanisation de l'Europe parce qu'il existe une volonté politique commune orientée vers la construction d'Institutions légales et impartiales vis-à-vis de tous les européens, bien qu'il n'existe encore pas un peuple européen. De fédération en Europe, De Gaulle n'en voulait pas, mais en Afrique la France jeta, paradoxalement, les bases d'un projet fédéral en créant deux fédérations: l'AOF (l'Afrique Occidentale Française) et l'AEF (L'Afrique Equatoriale Française). A Brazzaville De Gaulle eut à définir sa ligne politique: l'Assimilation (il faut penser français) et la Centralisation (toutes les colonies sont dirigées par le gouvernement français). Les colonies accédèrent à l'indépendance avec la France au sein d'un embryon fédéral (La Communauté franco-africaine). Créer à partir de la Côte d'Ivoire une République Fédérale Française avec les autres pays francophones est le véritable projet de la France. La droite française pour y arriver a besoin d'une armée (celle de la CEDEAO soutenue par celle de l'ONU), d'un peuple (les Mandingues en Afrique de l'Ouest sont les
plus nombreux, d'où le “Rattrapage ethnique” prôné par Alassane Ouattara, pour les unir au sein d'un groupe capable de phagocyter, d'exterminer les peuples minoritaires qui aspirent à la nation). A la tête de ce grand groupe il faut un leader politique acquis, cette fois-ci, à la cause de cette République Fédérale française, et non des leaders charismatiques comme Modibo Kéita, ou Laurent Gbagbo prêts à battre monnaie pour affirmer leur souveraineté. Ce leader politique est chargé de briser toute opposition à ce projet fédéral, toute idée de nation souveraine, d'où cette guerre froide contre le capitaine Sanogo conscient du fait que la Côte d'Ivoire a été d'abord affaiblie, puis envahie par les armées étrangères à cause de la partition de ce pays par la France. C'est étrange que les armes de Sarkozy, en provenance de la Lybie aient aussi servi à la partition du Mali, et non du Nigeria ou des autres pays frontaliers à la Lybie. Nous, africains, devons briser ces “digues”: balkanisation, rattrapage ethnique, poudrière ethnique..., surmonter nos haines viscérales pour construire des États-nations. Nous avons donc besoin de leaders politiques courageux non assimilés comme Laurent Gbagbo pour tailler ce cordon ombilical colonial.
Une contribution de Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)