Exclusif. Voici le testament d'IB avant sa liquidation
Le 20 septembre 2012 par Le Nouveau Courrier - Il laissé des révélations exclusives
Le 20 septembre 2012 par Le Nouveau Courrier - Il laissé des révélations exclusives
Meneur du coup d’Etat de 1999 qui a propulsé le général Robert Guéi au pouvoir, le sergent-chef Ibrahim Coulibaly dit IB est rentré dans la clandestinité lorsqu’il s’est brouillé avec son patron au sein du Conseil national de salut public (Cnsp).
Commence pour lui une série d’actions de déstabilisation du président Laurent Gbagbo avec des soutiens extérieurs. Mais ses adversaires, en interne, auront raison de ses ambitions démesurées. Le Nouveau Courrier vous livre ses confessions quelques heures avant l’assaut des FRCI qui l’ont assassiné dans son fief à Abobo.
Ceux qui pensent qu’ils doivent être les porte-parole, les porte-voix doivent dire la vérité aux Ivoiriens. Mais cela fait des années qu’ils ne disent pas la vérité aux Ivoiriens. Ils mentent, mais on ne peut pas construire un pays sur le mensonge. Quand vous créez une société sur le mensonge, la société tombe parce que Dieu n’a pas sa main dedans.
Dieu n’est pas dans le mensonge. Il a sa main dans la vérité. Ceux qui disent que je veux être chef d’état-major, que je veux être Premier ministre, que je veux diriger le pays, n’ayons pas la mémoire courte car ce n’est pas aujourd’hui que notre révolution a commencé. Soyons sincère et disons la vérité à nos parents. Certains de nos parents n’ont pas eu la chance d’aller à l’école, ils ne savent pas lire les journaux. Vous qui avez la capacité de lire les journaux et d’approcher les jeunes combattants qui sont autour de moi et d’avoir la vérité, ne soyez pas passionnés. Ne restez pas dans le mensonge pour induire nos parents en erreur.
J’avais 31 ans quand nous renversions Bédié. Je pouvais m’assoir dans le fauteuil présidentiel. Ce n’est pas Guéi qui nous a envoyés. Nous étions sept jeunes que je dirigeais. Bédié est tombé, mais nous ne lui avons pas fait du mal, nous lui avons permis de partir en exil. Nous avons trouvé mieux d’aller chercher un de nos anciens, le général Guéi qui avait subi des humiliations pour le mettre au pouvoir. Au général Guéi nous avons dit : «Le président Bédié a créé un fossé entre les Ivoiriens à travers l’ivoirité. Cela ne peut pas permettre aux Ivoiriens d’avancer, d’avoir un pays uni, fort et lui permettre de se développer. Nous souhaitons que vous rameniez la paix, la cohésion entre tous les Ivoiriens. Mettez dans la tête des Ivoiriens que tous les étrangers sont chez eux ici en Côte d’Ivoire et qu’il faut permettre à tous ceux qui le désirent, de se présenter à l’élection présidentielle. Ne faites pas d’exclusion. Faites en sorte qu’en 6 ou 8 mois, nous puissions finir une bonne transition et organiser des élections libres et transparentes.»
Le général Guéi était d’accord avec nous. Mais malheureusement, chemin faisant, il s’est fait entourer de ceux que nous avons chassés le 24 décembre. Ceux-là ont mis dans sa tête que c’était son tour de gouverner et qu’il fallait se maintenir au pouvoir.
J’étais son chef de sécurité. Je n’ai pas voulu être ministre. A ce poste, j’avais la possibilité d’avoir la main et les yeux sur tout ce qui se faisait autour de lui. Et je voyais le ballet politique qui se déroulait autour du général Guéi à vouloir l’obliger à rester au pouvoir. Plusieurs fois je lui ai dit : «Mon général, la parole est sacrée. Quand vous prenez un engagement devant le peuple pour dire que nous venons pour une transition de 8 mois, que nous venons balayer la maison, il ne faut pas changer du coup de position en disant qu’il faut que nous restions au pouvoir. C’était ça le débat entre le général qui était mon patron et moi et je lui ai ouvertement dit que je ne suis pas d’accord.»
Il était inquiet parce que les gens lui rapportaient qu’IB veut mettre Alassane Ouattara au pouvoir c’est pourquoi il n’est pas d’accord avec toi. Pis, ceux qui lui rapportaient ça le poussaient à vouloir m’éliminer. Un matin, le général vient me voir et me dit «IB, je veux que tu ailles prospecter deux ambassades, l’ambassade de Chine et l’ambassade du Canada.» Je lui réponds que cela peut attendre, d’autant plus que dans quelques mois nous allons finir la transition. Il me dit qu’il faut que j’aille maintenant. C’était en présence de l’ambassadeur Georges Ouégnin
Le rôle joué par l’ambassadeur Georges Ouégnin
Il est arrivé à mon bureau pour me convaincre en me demandant d’exécuter les exigences du général Guéi. «Le général est ton patron, vas faire ce qu’il t’a demandé de faire. Exécute, il n’y aucun problème.» L’ambassadeur m’a promis par la suite un cadeau qui, selon lui est très significatif. L’après-midi, son chauffeur vient me voir avec un cadeau emballé. J’ouvre le cadeau et je découvre trois singes en statuettes.
Une semaine après, tous ceux qui étaient autour de moi, Zaga Zaga, Wattao, Shérif Ousmane, la Grenade, tous ceux que vous connaissez ont été arrêtés. Toute la brigade spéciale qui assurait sa sécurité a été arrêtée et mis à la poudrière d’Akouédo.
C’est étant au Canada que je joins le général pour lui demander ce qui se passe, ce que mes collaborateurs qui vous ont permis d’être au pouvoir ont fait pour se retrouver en prison. Ensuite, je constate que d’une prospection, je suis passé à une affectation. J’ai joint le général pour en savoir davantage. C’est en ce moment que j’apprends que nous voulons le tuer et que, selon lui, il a eu la certitude de ce que nous voulons le tuer. Je lui ai rétorqué que si c’était le cas, on l’aurait fait depuis. J’ai alors plaidé pour la relaxe de ces jeunes gens.
Mais au lieu de la relaxe, le lendemain j’apprends que le général Guéi a donné des instructions pour que la Grenade soit exécuté. C’est à partir de cet instant que je l’ai joint pour lui déclarer la guerre. J’ai démissionné ensuite du poste d’attaché militaire au Canada où je n’avais pas moins de 4 millions Fcfa par mois. Je suis rentré en France et ensuite au Burkina Faso.
Le rôle de Blaise Compa oré dans la tentative de coup d’Etat du 19 septembre 2002
C’est à partir du Burkina Faso que j’ai commencé à appeler tous mes amis. Nous avons mis un système en place le jour des élections de sorte que dans le cafouillage nous sommes allés attaquer la poudrière d’Akouédo pour libérer nos amis, Wattao, Shérif Ousmane, etc. qui s’y trouvaient. Nous avons réussi à les faire évader et je me suis arrangé pour qu’ils me rejoignent à Ouagadougou.
Pendant ce temps, Guillaume Soro était encore à Abidjan. Quand il y a eu accalmie, il s’est présenté aux élections à Port-Bouët en tant que colistier d’Henriette Diabaté et ils ont échoué. Donc Blaise Compaoré m’a permis de recueillir tous ceux, y compris Guillaume Soro, qui étaient dans des situations clandestines en Côte d’Ivoire. Tuo Fozié, Zaga Zaga, Adam’s, Wattao, etc.
Mais avant, Guillaume Soro me joint pour me dire que sa situation est difficile et qu’est-ce que je peux faire pour lui. Je lui réponds ceci : les journalistes ne cessant de m’appeler pour m’interviewer et compte tenu de ce que je n’ai pas le temps eu égard aux moyens que je recherche pour nous permettre de rentrer dans notre pays triomphalement, viens t’occuper des journalistes.
C’est ainsi que Guillaume Soro s’est retrouvé auprès de moi comme porte-parole. Nous avons fait 2 ans et demi à Ouagadougou. Mais pour préparer mes hommes à l’attaque du 18 septembre, nous nous sommes retirés dans un camp et je les ai préparés pendant 6 mois (…) Il faut préciser que l’Etat Burkinabé nous a donné des villas. Après la formation, un ami libanais m’a aussi envoyé 60 millions Fcfa. L’intendant c’était Gaoussou alias Dja Gao (actuellement commandant du camp commando d’Abobo) qui a fait des enveloppes de 300 000 Fcfa pour tous les éléments qui devaient rentrer en Côte d’Ivoire. Il y a eu trois groupes parce qu’il devait avoir trois attaques simultanées à savoir Abidjan, Bouaké et Korhogo.
En ce qui concerne les chefs de groupe, à Abidjan, c’était Kobo, à Bouaké c’était Zaga Zaga. Jusqu’en 2003 avant que je ne parte en France et qu’on m’arrête, tout le monde avait une bonne image de la rébellion. Nous sommes rentrés en Côte d’Ivoire, les choses n’ont pas fonctionné véritablement comme nous voulions, mais nous avons réussi à couper le pays en deux. Les négociations sont alors arrivées. Il y a eu Lomé, ensuite Marcoussis. Je voudrais m’expliquer pourquoi aux premières heures de la rébellion, l’on ne m’a pas vu au devant de mes troupes.
Il faut dire que j’ai été reçu dans un pays, par un chef d’Etat qui m’a accordé le statut de réfugié politique contrairement aux autres éléments qui étaient sous ma coupole. J’avais voulu rentrer, mais le grand frère Blaise Compaoré m’a dit non je ne pouvais pas rentrer. Parce que si je rentre, la démonstration que le Burkina Faso était notre base-arrière et que c’est lui qui nous a équipé était claire. Le président Blaise Compaoré a clairement dit que cela le mettait dans une situation très difficile.Il m’a donc dit de laisser les jeunes progresser et qu’au moment où nous aurons toute la situation en main, je pourrais sortir la tête. Nous sommes tombés d’accord.
L’ambassadeur de France et son attaché militaire venaient me rendre visite chaque semaine pour se rendre compte que j’étais effectivement sur le sol burkinabé. Et cela a permis au Burkina Faso d’avoir son honneur sauvé et d’empêcher à la France d’avoir une pression pour attaquer la rébellion au nom des accords de défense qu’il y a entre elle et la Côte d’Ivoire parce qu’on a réussi à faire intégrer dans l’esprit de l’opinion que c’était une crise ivoiro-ivoirienne.
Voilà comment nous avons pu résister sans que les Français nous chassent du territoire ivoirien. Après les accords de Marcoussis, le ministre Seydou Diarra, après avoir discuté avec Guillaume Soro qui leur apprend que c’est moi le chef militaire de la rébellion, m’envoie deux émissaires pour m’informer qu’ils nous donnent 9 postes ministériels. Dans ces 9 postes ministériels, j’avais la latitude de nommer des personnalités de mon rang.
C’est ainsi que je nomme Guillaume Soro ministre de la Communication et tous ceux qui m’ont aussi apporté de l’aide quand j’en avais besoin tel que Gueu Michel que nous avons capturé à Bouaké comme prisonnier. Il a été nommé ministre des Sports. Pour la petite histoire, lorsque nous avons attaqué Bouaké, le colonel Soumaïla Bakayoko, qui est actuellement chef d’état-major, a fui pour se rendre dans son village qui est proche du mien. C’est là que j’ai envoyé des éléments le chercher pour nous rejoindre, ce qu’il a fait sans hésiter. Il en est de même pour Bamba Sinima et tous ceux qui se reconnaissaient dans notre action (…)
L’origine du clash entre les «frères rebelles»
Quand ils sont devenus ministres et qu’ils ont commencé à prendre goût à du beurre, à rouler carrosses et à côtoyer le luxe, ils ont commencé à se départir de la mission originelle qui est de faire partir le président Laurent Gbagbo du pouvoir. L’atmosphère a donc commencé à se dégrader entre nous.
C’est ainsi que je suis allé demander au grand frère Blaise Compaoré de me laisser rentrer au pays. Je lui ai qu’il faut que je rentre parce que les choses sont en train de se dégrader. J’apprends par ci que deux de mes ministres ont trinqué du champagne avec deux de ses ministres ; j’apprends par là que d’autres sont en voyage avec lui. Je les appelle pour leur dire que jusqu’à preuve du contraire, Gbagbo demeure notre adversaire, qu’il n’est pas notre allié. Mais ils en faisaient à leur tête.
Le président Blaise Compaoré me demande alors de rentrer à Paris et qu’à partir de là-bas, je pouvais annoncer officiellement que je rentre en Côte d’Ivoire. Cela l’aurait permis de rester en marge des accusations selon lesquelles c’est lui qui a apporté un soutien à la rébellion contre le président Gbagbo. C’est ce que j’ai fait.
Le troisième, lorsque je décide de rentrer en Côte d’Ivoire, on m’arrête à mon hôtel à Paris. Les raisons évoquées, c’est que je suis allé recruter des mercenaires, que je suis un terroriste et que je pars tuer un président. Je fais 21 jours de prisons, je sors de prison, on me garde en France sous contrôle judiciaire pendant 2 ans. Mais j’ai réussi à sortir de la France pour me retrouver au Benin en passant par la Belgique.
Là encore, je reçois des informations selon lesquelles mes amis ont décidé de me faire la peau avec la complicité des autorités béninoises si je ne sors pas de ce pays. C’est ainsi que je me suis retrouvé au Ghana. Mais lorsque j’étais en prison en France, pour justifier pourquoi ils ne m’ont pas soutenu, certains de mes amis que j’ai fait nommer ministre font croire à qui veut les écouter que j’ai pactisé avec le président Gbagbo qui m’aurait donné des milliards Fcfa. Ceux qui étaient encore acquis à ma cause, tels que Adam’s, Kass, Baladji, Bauer ont été ciblés, mis en prison, certains ont été assassinés. Ils ont construit leur révolution sur du mensonge.
Beaucoup de choses se sont passées en zones CNO. Il a y eu tueries, viols, pillages, etc. Depuis que la rébellion, après mon arrestation, a quitté la voix originelle qui est la protection du peuple, elle n’a plus progressé. Elle n’a fait que des victimes. Comme nous sommes parvenus aux élections, pour ne pas dire que c’est IB qui ne veut pas d’élections, qui s’oppose aux élections, mes hommes et moi nous nous sommes repliés.
Mais nous étions convaincus d’une chose, c’est que ces élections allaient se terminer par les armes. C’est ainsi que mes hommes et moi nous nous sommes préparés. Et quand il y a eu une crise armée, nous sommes entrés en scène et nous nous armions sur le matériel que nous récupérions sur nos adversaires qui tombaient en embuscades.
Nous avons réussi à déstabiliser le dispositif de l’état-major des Fds (Forces de défense et de sécurité sous le président Gbagbo). Ils ont envoyé le CeCOS, la Bae, le bataillon blindé, ils ont envoyé toute la coalition, mais ils n’ont pas pu venir à bout de notre résistance. C’est nous qui avons lancé l’offensive pour libérer les prisonniers qui étaient à la Maca, ensuite nous avons lancé l’offensive sur Yopougon.
En 4h, nous avons pris la moitié de ce quartier, il ne restait que la zone de Niangon. Nous avons pris le nouveau camp BAE, on a réussi à sécuriser Andokoi. A ma grande surprise, j’apprends qu’il y a une colonne de militaires sur l’autoroute qui fait mouvement vers Abidjan. Mon adjoint Baeur est décidé à les empêcher d’entrer, je le convaincs d’éviter un affrontement parce que je ne crois pas qu’ils viennent contre nous. Ils rentrent en fanfare, foncent directement sur la RTI et le camp Agban qu’ils pilonnent toute la nuit.
Les Forces militaires de Gbagbo les ont laissé pilonner jusqu’au petit matin avant de lancer une offensive. C’est la débandade dans leur camp. Ils ne connaissent pas Abidjan. Certains ont été recrutés directement au village où ils ont été habillés en treillis militaire. Il y a eu de nombreux blessés et de morts dans la cour de la mairie d’Abobo et dans les hôpitaux. S’ils étaient vraiment venus pour épargner la vie des Ivoiriens, auraient-ils envoyé ces jeunes gens à l’abattoir ? Le minimum aurait voulu qu’ils m’approchent. Ils n’ont pris ni la télévision ni Agban, ils racontent qu’ils ont pris ces deux secteurs stratégiques.
Mes relations avec Alassane Ouattara
Je n’ai aucun problème avec le président Alassane Ouattara. (...) Pourquoi m’opposer au fait qu’il soit président ? Quand j’ai reçu dans mon Qg les imams et les chefs du quartier, en leur présence, j’ai composé le numéro du Dr Alassane Ouattara que j’ai mis sur haut-parleurs pour qu’ils sachent que nous entretenons de très bons rapports. Il était en réunion et j’ai parlé avec son aide de camp, le commandant Diarassouba.
A travers notre causerie, les imams et les chefs du quartier ont compris qu’il y a une affinité entre nous. Et j’ai dit à l’aide de camp que si le grand frère finit, dis-lui de me rappeler pour permettre aux vieux d’échanger avec lui pour les rassurer. Si je n’ai pas de bons rapports avec lui est-ce que je peux me permettre ça ?
Je vous demande de garder votre calme, soyez serein.
Retranscrits par Benjamin Sil