Côte d’Ivoire: Le journal français Libération dénonce les dérives du régime Ouattara et ridiculise ses chefs de guerre
Le 01 juin 2012 par IVOIREBUSINESS - D’ex-chefs de guerre à l’école française.
Nommés par Ouattara à la tête de l’armée, ces hommes sont soupçonnés de graves exactions.
Le 01 juin 2012 par IVOIREBUSINESS - D’ex-chefs de guerre à l’école française.
Nommés par Ouattara à la tête de l’armée, ces hommes sont soupçonnés de graves exactions.
Pour aider l’armée d’un pays ami convalescent à assurer sa sécurité, faut-il accepter de former des hommes soupçonnés de crimes de guerre, passibles un jour de poursuites devant la Cour pénale internationale ? C’est le dilemme auquel s’est trouvée confrontée la France en Côte-d’Ivoire. Et qu’elle a tranché.
Les anciens chefs de la rébellion - les redoutés «comzones» (commandants de zones) - ont récemment suivi des cours d’état-major sur la base militaire française de Port-Bouët, à Abidjan, dispensés par l’ex-puissance coloniale. But de l’opération : mettre en adéquation les capacités militaires de ces anciens «seigneurs de guerre» avec leur grade officiel.
«Nettoyage». Un vrai défi. Car ces hommes sont, pour l’essentiel, des sous-officiers propulsés à la tête de l’armée ivoirienne par le président Ouattara. Après avoir mis en coupe réglée la moitié nord du pays durant près de dix ans, ils l’ont aidé à s’installer au pouvoir au printemps 2011, à l’issue d’une guerre fratricide contre les partisans de Gbagbo. «On ne leur apprend pas le maniement de la kalachnikov, mais, entre autre, l’éthique du soldat», assure un officier français.
Parmi ces drôles d’élèves figure par exemple Martin Kouakou Fofié, un homme soumis aux sanctions des Nations unies pour ses responsabilités dans le massacre de rebelles dissidents en 2004, à Korhogo (Nord). Des dizaines de partisans d’Ibrahim Coulibaly (dit «IB», tué au lendemain de la victoire de Ouattara) étaient morts étouffés dans des conteneurs entreposés en plein soleil. Kouakou Fofié dirige aujourd’hui les forces armées dans cette même région, proche du Burkina Faso et du Mali.
Autre «élève» aux états de service bien peu recommandables : Losseni Fofana. Chef de la région Ouest, il commandait les forces pro-Ouattara à Duékoué, fin mars 2011, quand plusieurs centaines de personnes y ont été massacrées, selon le Comité international de la Croix-Rouge. Mais on pourrait aussi citer le nom de Chérif Ousmane, dans le viseur de la justice internationale pour le «nettoyage» du quartier de Yopougon, à Abidjan, après la chute de Gbagbo. Ou encore celui du commandant Wattao, dont le train de vie suscite moult interrogations et qui a débarqué aux séances de formation des Français à bord d’un rutilant Hummer. Aujourd’hui, Chérif Ousmane est le numéro 2 de la garde du président Alassane Ouattara, tandis que Wattao codirige la Garde républicaine à Abidjan.
Autant de postes stratégiques qui requièrent, théoriquement, une forte qualification. Or, selon un haut gradé français, «le seul qui soit à peu près au niveau, c’est Chérif Ousmane». Lors d’une réunion organisée il y a quelques années, il se souvient d’avoir vu débarquer l’un de ces chefs rebelles, visiblement analphabète, avec «un scribe qui prenait des notes pour lui».
A Paris, cet officier justifie le travail de formation dispensé sur la base d’Abidjan aux anciens «comzones» : «Faut-il laisser à la tête de la nouvelle armée ivoirienne des caporaux-chefs, ou leur fournir des compétences ? Qu’on le veuille ou non, sans ces types ce serait le règne de l’anarchie [dans le pays].» Et de conclure : «On ne fait qu’aider la Côte-d’Ivoire légale. D’ailleurs, c’est le président Ouattara qui nous a demandé de faire le job.»
Officiers. A Abidjan, Paris participe activement à la réforme de l’armée, une question clé pour le successeur de Laurent Gbagbo. Deux officiers supérieurs français sont à pied d’œuvre, l’un aux côtés du président Ouattara, l’autre au sein du cabinet du Premier ministre. Après des mois d’inertie, le chef de l’Etat ivoirien a, semble-t-il, décidé de passer à la vitesse supérieure en prenant directement en charge le portefeuille de la Défense. La mésaventure subie par son ancien homologue du Mali, Amadou Toumani Touré, chassé du pouvoir par un groupe de sous-officiers, ne peut que l’inciter à prendre la chose militaire très au sérieux.
Par THOMAS HOFNUNG (Libération du 30 mai 2012)
NB: Le titre est de la rédaction.
Le sous-titre de Libération.