César Etou, DG de «Notre Voie» : «C'est ADO qui nourrissait les rebelles au Burkina»

Le 15 mai 2012 par autre presse - Dans cet entretien, César Etou, DG de "Notre Voie" estime que dans la crise ivoirienne, tout le monde a fauté, mais, pour lui, si on n'avait pas flanqué une rébellion à Laurent Gbagbo avec le soutien d'Alassane

Dramane Ouattara (ADO), qui aurait nourri les rebelles au Burkina ou si encore on avait accepté de recompter les voix après le second tour, on aurait pu éviter l'hécatombe.

Comment va César Etou ?

Je me porte bien. J'ai repris mes activités après les moments difficiles que notre pays a connus.

Cesar Etou, DG de Notre voie.

Le 15 mai 2012 par autre presse - Dans cet entretien, César Etou, DG de "Notre Voie" estime que dans la crise ivoirienne, tout le monde a fauté, mais, pour lui, si on n'avait pas flanqué une rébellion à Laurent Gbagbo avec le soutien d'Alassane

Dramane Ouattara (ADO), qui aurait nourri les rebelles au Burkina ou si encore on avait accepté de recompter les voix après le second tour, on aurait pu éviter l'hécatombe.

Comment va César Etou ?

Je me porte bien. J'ai repris mes activités après les moments difficiles que notre pays a connus.

Justement, comment avez-vous vécu la crise que la Côte d'Ivoire a traversée ?

Nous étions comme tous morts et nous nous considérons aujourd'hui comme des ressuscités. Nous avons vécu des événements terribles. Le siège de notre journal était occupé par des hommes armés, qu'on appelle Forces Républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), et nous-mêmes étions activement recherchés. Il fallait donc chercher à se cacher pour ne pas être assassiné. Dieu merci, nous sommes vivants, mais beaucoup d'Ivoiriens (que leur âme repose en paix) n'ont pas eu le privilège de rester en vie.

Si Laurent Gbagbo avait accepté le verdict des urnes, ces vies humaines auraient été préservées

Le président Gbagbo n'a pas refusé de quitter le pouvoir. Il y a eu une élection à l'issue de laquelle il a estimé que le verdict des urnes était en sa faveur. Pour régler le contentieux, il a proposé qu'on recompte les voix sur la base des procès-verbaux qui étaient entre les mains de toutes les parties, y compris l'ONUCI. Si après cela, on avait démontré clairement qu'il avait perdu, il s'en serait allé. Cela s'est passé aux Etats-Unis et en Haïti, pourquoi pas en Côte d'Ivoire ?

On a estimé que c'était une façon pour lui de gagner du temps

On aurait pris tout au plus 4 jours pour recompter les voix que personne ne serait mort, or la guerre a duré 4 mois et fait des milliers de victimes. Officiellement on parle de 3000 ; en vérité, il y a eu plus de 10 000 décès. Les Ivoiriens ne sont pas des idiots. Quand le général Robert Guéï avait perdu la présidentielle et ne voulait pas partir, avant même que Gbagbo dise aux populations de descendre dans la rue, les Ivoiriens y étaient dans toutes les villes du pays. Il fallait donc recompter les voix pour montrer clairement qu'Alassane Dramane Ouattara a gagné les élections et que Laurent Gbagbo a perdu. Aujourd'hui, en tant que directeur général de "Notre Voie", je continue d'interroger tous ceux que je rencontre et qui sont au pouvoir pour savoir pourquoi ils ont refusé 4 jours de recomptage pour permettre à un journal comme "Notre Voie" d'écrire à la une : "Monsieur le président Laurent Gbagbo, vous avez perdu, rendez le tablier" et à la Côte d'Ivoire d'éviter l'hécatombe qu'on a connue.

Revenons à l'occupation du siège de votre journal. Comment cela s'est passé ?

Les combats ont véritablement commencé à Abidjan à partir du 29 mars 2011. Aucun journal ne pouvait paraître. Il n'y avait dans la rue que les hommes armés, les Forces de défense et de sécurité (FDS) loyalistes d'un côté, les forces rebelles de l'autre, appuyées par les armées française et onusienne avec des avions de guerre et des chars. Donc les populations civiles que nous sommes ne pouvaient plus sortir. C'est pendant ce temps que les forces rebelles sont venues occuper le siège de notre journal. Après la capture du président Gbagbo le 11 avril 2011, je suis revenu le lendemain pour voir si nos bureaux ont été dégagés en vue d'appeler à la reprise du travail, mais ils occupaient toujours nos locaux et m'ont intimé l'ordre de quitter les lieux. C'était devenu un camp militaire. Les autres journaux ont pu paraître les 15 et 16 avril. Les organisations professionnelles, ne voyant pas "Notre Voie" dans les kiosques, ont demandé à savoir ce qui se passait à notre siège. Nous étions en visite ici avec le groupement des éditeurs de Côte d'Ivoire, dont je suis le 3e vice-président, quand les forces rebelles, qui occupaient le siège, nous ont tiré dessus. Voilà comment l'occupation du siège s'est déroulée. Au-delà, nous avons imaginé tous les stratagèmes pour faire sortir le journal. Nous avons travaillé clandestinement. Le siège a été finalement libéré le 3 septembre, et quand on est y revenu, nous avons trouvé des bureaux complètement vidés. Les vitres, les ampoules, les coffrets pour l'électricité, les installations électriques et informatiques, les connexions internet, les ordinateurs, la documentation, les portes, tout a été emporté, le reste brûlé. Du coup, "Notre Voie" n'a plus de mémoire.
Entre-temps, on a beaucoup discuté avec les nouvelles autorités, à commencer par le ministre de la Défense et celui de la Communication. Tout s'est d'abord passé avec le ministre de l'Intérieur, qui était, dans les premiers moments, chargé aussi de la Communication. Quand il y a eu un ministre plein de la Communication, nous avons continué à discuter avec lui jusqu'à la libération du siège.

Vous payez ainsi le prix de votre proximité avec l'ex-parti au pouvoir

"Notre Voie" n'est pas proche du FPI, c'est le journal du FPI, mais cela a une histoire : en 1990, quand le multipartisme a été reconnu par le parti-Etat, le PDCI-RDA de feu le président Félix Houphouët-Boigny, tous les médias d'Etat étaient caporalisés par le pouvoir en place, l'opposition n'avait pas de canal pour diffuser sa pensée et son programme de gouvernement. C'est ainsi que chacun des partis politiques qui comptaient sur l'échiquier politique à l'époque a créé son journal : Francis Wodié, l'actuel président du Conseil constitutionnel, avait son journal. Il en était de même pour feu le professeur Zadi Zaourou, qui était le président de l'Union des sociaux-démocrates, et de Bamba Moriféré, président du Parti socialiste ivoirien, puis le FPI a créé le journal qui s'appelait Le Nouvel Horizon, un hebdomadaire, avec une entreprise d'édition qui s'appelait La Sadéa édition. Ce groupe a créé le quotidien qui s'appelait La Voie. C'est des cendres de La Voie qu'est née Notre Voie. L'intelligence que le président Gbagbo a eue, c'est d'avoir créé un journal mais de n'être pas intervenu directement pour en faire un bulletin interne. Bien que créée par un parti politique, Notre Voie est un quotidien d'informations générales ouvert à tous les courants, y compris le courant de contestation à l'intérieur du FPI. Cela a permis au journal de traverser toutes les époques. Nous payons, c'est vrai, le prix de cela. Ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui en Côte d'Ivoire sont les enfants du parti unique, ils ont été formatés par Houphouët. Dans leur esprit, le multipartisme et la démocratie ne devraient même pas exister. Il reproche au président Gbagbo d'avoir lutté pacifiquement pendant 30 ans pour obtenir le multipartisme et d'avoir mis pacifiquement 10 ans à accéder au pouvoir sans avoir tiré le moindre coup de fusil. Le 11 avril est une tentative d'effacement de tout ça.

Vous parlez d'action pacifique avec Laurent Gbagbo, mais, paradoxalement, sous ce dernier, il y a eu beaucoup de morts.

Laurent Gbagbo a fait 30 ans d'opposition sans tirer le moindre coup de feu, c'est un fait indéniable. Il a mis 10 ans dans le multipartisme à prendre le pouvoir, et en moins de 2 ans, on lui a flanqué une rébellion. Ce sont les élections organisées par la junte militaire qui a pris le pouvoir en 1999 qui ont fait de Laurent Gbagbo le président de la République en octobre 2000. C'était toujours de façon pacifique. Là où il y a eu des morts, c'est quand Robert Guéï a voulu confisquer les résultats et que la population est sortie avant même que Gbagbo ne lance un appel à la mobilisation pour faire respecter le résultat des urnes.
En septembre 2002, un coup d'Etat contre Gbagbo échoue, puis se mue en rébellion qui installe sa base arrière à Bouaké, coupant le pays en deux avec les soutiens que tout le monde connaît aujourd'hui. C'est dire qu'à partir du moment où on a voulu monter une rébellion et qu'on n'y est pas arrivé, on a commencé à monter des actions de terrorisme. Et c'est cela, les escadrons de la mort. Ces escadrons s'en prenaient à des personnalités insignifiantes en Côte d'Ivoire (paix à leurs âmes), c'est-à-dire des gens qui, dans leurs activités normales, ne pouvaient même pas inquiéter un directeur de société à plus forte raison un président de la République. Des chefs de partis politiques qui pouvaient tenir leur congrès dans une cabine téléphonique, c'était des gens politiquement insignifiants ; seulement, pour l'accusation, c'était important de dire que telle personne a été tuée par les escadrons de la mort, mis en place par le régime Gbagbo.

Avec tout l'appareil d'Etat, le pouvoir avait les moyens de trouver les éléments des escadrons de la mort pour se dédouaner !

Avec tout ce que vous avez comme appareils de l'Etat, je ne crois pas qu'aujourd'hui vous avez pu arrêter tous ceux qui ont tué et "braisé" Norbert Zongo dans sa voiture au Burkina Faso. Les actions terroristes en Afrique sont des actions extrêmement difficiles à maîtriser. En plus, quand vous avez une rébellion dans le pays, qui a réussi à opérer des infiltrations, il est difficile de traquer des assassins.

Mais pour le cas de Norbert Zongo, le collectif des partis politiques et la société civile pointe du doigt le pouvoir, qui protégerait justement les commanditaires et les exécutants de cette sale besogne. Pourquoi chez vous ce ne serait pas, parallélisme des formes faisant, le cas de Gbagbo ?

Il est difficile d'interpeller des gens organisés qui mènent des actions terroristes. Je ne dis pas que c'est parce que les escadrons de la mort étaient tapis au pouvoir qu'on ne les trouve pas. Aujourd'hui, le nouveau pouvoir demande à la CPI de se contenter de faire des enquêtes à partir de la crise postélectorale en Côte d'Ivoire. Le FPI leur demande d'aller plutôt jusqu'en 2002 pour qu'on sache la vérité sur les escadrons de la mort. Ce n'est pas le régime Gbagbo qui a créé les escadrons de la mort. Quand vous regardez la liste des victimes, c'étaient des gens insignifiants. Et puis, le terme escadron de la mort a été lâché pour la première fois par Alassane Ouattara, donc il sait de quoi il parle.

A vous écouter on ne fait pas de différence entre le journaliste et le militant engagé d'un parti politique.

Je suis militant très engagé des droits de l'homme. En plus, je suis journaliste engagé. Je ne crois pas que je fais pire que Norbert Zongo au Burkina, je ne crois pas que je fais pire que Pys N'jawé, le défunt directeur de publication du journal Le Messager au Cameroun. Moi, j'ai été formaté dans la lutte pacifique dans l'opposition ivoirienne. En Afrique, pour que l'opposition accède au pouvoir, il faut être un opposant fort et pacifiste. Laurent Gbagbo a été le premier président persécuté pendant trente ans dans l'opposition, qui a fait quatre fois la prison et fait voter une loi qui finance les partis politiques. Ça veut dire qu'il finançait ses opposants pour qu'ils puissent faire la politique. Pour lui, il fallait préparer l'alternance. Quand vous avez fréquenté un tel homme, tout ce qu'on vous raconte, ce ne sont que des fantaisies, parce qu'il n'avait pas besoin d'escadrons de la mort ; il était déjà au pouvoir. Il aurait pu faire ça pour gêner l'ancien parti au pouvoir. Il disait toujours que son pays, malgré son poids économique, était fragile, donc il ne fallait pas introduire la violence à l'intérieur. C'est un bon vivant, il n'a jamais eu l'intention d'éliminer ses adversaires politiques. Il voulait toujours discuter avec eux pour savoir ce qu'ils avaient de meilleur par rapport à lui ; malheureusement, on lui a flanqué une rébellion, financée par Alassane Dramane Ouattara.

Le journaliste fait des affirmations sur la base de preuves. Ou est-ce le militant qui parle ?

Le chef de la rébellion, Guillaume Soro, a été son Premier ministre et est aujourd'hui son président de l'Assemblée nationale. Il l'a aidé à prendre le pouvoir et mérite d'être récompensé
Mais on ne vient pas aider n'importe qui à prendre le pouvoir. Pourquoi il n'a pas aidé Konan Bédié ou Francis Wodié ? En plus, avant même qu'il prenne le pouvoir, il y avait le comzone Koné Zakaria chez vous au Burkina Faso. C'est de là-bas que les rebelles sont venus nous attaquer. Koné Zakaria a fait un meeting public où il a expliqué en malinké à Séguéla qu'ils ont pris les armes pour Alassane Dramane Ouattara et que c'est Ouattara qui les nourrissait au Burkina à raison de 25 millions de francs FCFA par mois, donc ce n'est pas prendre une position politique que de dire que c'est Ouattara qui a fait la rébellion.

Quels sont aujourd'hui vos rapports avec le pouvoir ?

En tant que journal, on n'a pas à avoir de bon ou de mauvais rapports avec le pouvoir.

Vous ne faites pas l'objet de menaces ?

Ah ! si, si ! J'ai été entendu cinq fois par l'état-major des FRCI. J'ai fais la prison une fois, j'ai été entendu par les services de renseignement. Chaque jour que Dieu fait, on reçoit des menaces et des félicitations, même venant des éléments rebelles ! Qui va nous fournir des informations sur les rebelles et sur ce que les gens préparent si ce n'est eux ?

Y a-t-il des journalistes de Notre Voie qui sont allés vers d'autres horizons ?

Nous avons encore deux journalistes qui sont en exil. Ils étaient trois au Togo, mais il y en a un qui est rentré au début du mois d'avril 2012. Les deux autres y sont toujours parce qu'ils ont peur. Nous les encourageons à avoir du courage et à revenir au pays.

J'imagine que le journal éprouve des difficultés, votre mentor n'étant plus aux affaires?

Il faut dire que c'est le groupe de presse La refondation, l'éditeur de Notre Voie, qui a financé le FPI quand le parti était dans l'opposition. Quand le FPI est passé au pouvoir, il n'y a pas eu de subvention, donc vous ne verrez pas dans nos cahiers comptables une subvention venant du parti. Ce que nous avons pu obtenir est dû au fait que, quand nous avions des difficultés, on s'adressait à tel ou tel cadre du FPI. Il y a eu des cadres même qui nous ont donné des véhicules de reportage. Ça s'arrête là, nous n'avons pas tissé de relation d'argent avec le FPI, qui a créé le journal. C'est pour cela que le canard est toujours vivant. Le mentor Laurent Gbagbo n'est plus là, le FPI est complètement laminé et n'a plus de siège, presque tous les cadres du parti sont en exil ou en prison. Le siège de notre journal a été détruit, mais aujourd'hui nous sommes dedans. Ce sont les ventes du journal, ce sont nos recettes publicitaires, les avis et communiqués et d'autres travaux d'expertise qui nous permettent de vivre, de payer nos salaires et de nous développer. Notre siège a commencé à être construit en 1998, le FPI n'était pas encore au pouvoir. Au contraire, c'est nous qui le financions, et on construisait pour l'avenir. Notre rotative, qui a été volée, a été achetée en 1998. C'est ce rapport-là qui nous permet de traverser les époques. Aujourd'hui, le président Gbagbo n'est plus ici, le FPI n'est pas là, mais vous voyez, vous avez trouvé notre siège, en raison duquel on dit qu'en Afrique de l'Ouest, nous sommes l'un des groupes de presse les mieux logés. C'est le fruit de notre travail. Si vous revenez d'ici à un an, vous allez voir qu'on aura fini de réhabiliter tout ce siège. Ça, c'est pour montrer à tous ceux qui pensaient que Laurent Gbagbo avait pris l'argent de l'Etat pour nous financer. En Côte d'Ivoire, c'est ce que les gens racontent, mais ils savent très bien que c'est plutôt nous qui avons financé le FPI. Nous avons une certaine crédibilité qui nous permet d'avoir de la publicité et donc de nous développer.

Il est souvent reproché aux journaux ivoiriens, du fait de leur appartenance aux partis politique, d'avoir joué un rôle négatif dans la crise ivoirienne en soufflant sur les braises. Certains ont même fait allusion à "radio mille collines" au Rwanda...

Vu sous cet angle, en vérité tout le monde a fauté en Côte d'Ivoire : partis politiques, religions, journaux, etc., tout le monde a fait des erreurs. Je le dis souvent, être patriote, c'est savoir dominer ses frustrations pour ne pas avoir à tirer un coup de feu, or ce ne sont pas les journalistes qui ont tiré le coup de feu en Côte d'Ivoire ; il faut indexer ceux qui n'aiment leur pays que quand ils sont chefs, ceux qui étaient pressés de prendre le pouvoir et qui n'ont pas su contenir leur frustration à temps. Il y a eu des dérapages, mais cela ne peut pas justifier que des gens aient pris des armes pour combattre les autres. Pourtant il y a des Ivoiriens qui l'ont fait. Il ne faut pas chercher la petite bête dans les dérapages des médias. Est-ce que dès que vous êtes frustrés, vous êtes en droit de prendre des fusils pour régler votre problème ? Il n'y a pas de combat juste si, au bout, il y a des morts. Moi, je suis contre la violence physique. Je suis pour la parole. Si on vous dit que vous êtes voleur, c'est à vous de vous conduire de telle sorte que la personne qui a crié sur vous voleur dise : je me suis trompé ; par contre, si on vous dit voleur et que vous vous comportez comme un voleur, vous ne pouvez que conforter ceux qui pensent ainsi.

La réconciliation est-elle possible en Côte d'Ivoire ?

La réconciliation ne sera pas possible tant qu'il y aura des exilés, tant que Laurent Gbagbo sera à la CPI, tant qu'en Côte d'Ivoire les forces pro-Ouattara continueront de tuer impunément. Il y a deux jours de cela, le maire résident de Tanda, une ville à l'intérieur du pays, a été abattu par des éléments des FRCI. Vous êtes là, vous allez passer la nuit, vous verrez qu'à partir de 22h, presque tout Abidjan dort. Vous allez rarement rencontrer des véhicules, or Abidjan, avant notre crise, dormait tard. Les gens se taisent parce qu'ils ne savent pas quoi faire, ils vont les regarder, mais ils ne sont pas d'accord avec ce qu'ils font.

Réconciliation ne signifiant pas impunité, les gens qui ont commis des crimes doivent être jugés !

Ceux qui ont commis des crimes sont nombreux en Côte d'Ivoire, pourquoi c'est Gbagbo et son clan seuls qui sont en prison ? Quand on décide de punir les criminels, on doit les arrêter tous et les punir.

Les enquêtes se poursuivent, dit-on?

Oui, mais pourquoi est-ce qu'on n'a pas fini l'enquête avant d'arrêter Gbagbo et ses amis ? Quelle est l'enquête qui a abouti et qui les a désignés coupables ? Ou bien vous engagez une enquête pour aller minutieusement afin de ne pas arrêter les gens inutilement, ou alors il n'y a pas d'enquête, mais on les arrête tous avant d'en faire ! Dès que vous dites ça, c'est valable pour tout le monde. Comment expliquez-vous que le fils de Gbagbo soit en prison, il ne fait pas la politique !

On lui reproche d'avoir été l'homme qui commandait les armes pour préparer la guerre?

Le ministre de la Justice, actuel Premier ministre, a dit qu'il était le fils de son père ; il n'est pas un homme d'affaires, il est sociologue à l'université. Nous supposons qu'on réconcilie des gens qui ont eu des brouilles. Si deux personnes ont eu des brouilles et que vous en arrêtez une et le mettez quelque part, on va se réconcilier avec qui ? Voyez-vous, un pays solide comme la Côte d'Ivoire a été déstabilisé par une rébellion armée soutenue par la communauté internationale, puis une guerre soutenue et conduite par la France, qui a entraîné toute la communauté internationale. Aujourd'hui le Mali est divisé. Que va-t-il advenir du Burkina, que va-t-il se passer en Guinée, au Ghana, au Niger ? Aujourd'hui n'importe qui peut former une rébellion et revendiquer un territoire n'importe où. C'est ce qui s'est passé en Côte d'Ivoire. Il faut que l'on sache que c'est par notre faute et que notre sous-région et au-delà, l'Afrique, est en train d'être complètement troublée. Il faut que la jeunesse se réveille, il faut se battre pour refuser ce qui se passe sous nos yeux. Retenez bien ceci : ce qui est arrivé en Côte d'Ivoire va se répéter partout, ça se passe comme ça toujours. On nous accusait d'avoir eu un déficit de démocratie, c'est ce qui a entraîné la guerre. Et le Mali ? ATT a crié partout qu'il ne changerait pas la constitution, qu'il ne resterait pas au pouvoir, il lui restait 60 jours à la barre, on lui a flanqué une rébellion et le pays est en partition. Le territoire de l'Azawad est créé, et c'est terminé. Les extrémistes sont à nos portes, ils ne sont pas loin du Burkina, vous êtes au nord de notre nord, ils arrivent, donc réveillons-nous !

Propos recueillis par Adama Ouédraogo Damiss in L'Observateur Palga- BURKINA FASO