Zone franc : 40 ans de configuration monétaire liée à la France pour 15 pays d'Afrique
YAOUNDE -- Quarante après sa mise en place en 1972 suite à des accords de coopération monétaire initiés par la France, la zone franc composée de
quinze pays d'Afrique maintient sa configuration d'espace monétaire =ommun, un attelage unique au monde ayant survécu au franc =rançais érigé d'office d'ancrage au franc CFA, originellement franc =es colonies françaises d'Afrique.
YAOUNDE -- Quarante après sa mise en place en 1972 suite à des accords de coopération monétaire initiés par la France, la zone franc composée de
quinze pays d'Afrique maintient sa configuration d'espace monétaire =ommun, un attelage unique au monde ayant survécu au franc =rançais érigé d'office d'ancrage au franc CFA, originellement franc =es colonies françaises d'Afrique.
Cette zone représente une partie importante du continent africain. Sur les =4 membres de l'Union africaine (UA) puis le Maroc, elle =egroupe autour de la France huit pays d'Afrique de l'Ouest =Bénin, Côte d'Ivoire, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, =iger, Sénégal et Togo), six dAfrique centrale (Cameroun, Congo, Gabon, =uinée équatoriale, République centrafricaine et Tchad) =t les Comores.
Mis à part le Cameroun, le Togo, la =uinée équatoriale et la Guinée-Bissau, les autres pays =e la zone sont des ex-colonies françaises. A la faveur des =ccords de coopération monétaire de 1972, les quatorze =remiers pays sont liés par le franc CFA, connu aujourd'hui sous ='appellation de franc de la Communauté financière =fricaine.
Créée officiellement en décembre 1945, cette monnaie =ommune et le franc comorien étaient arrimés au franc français =usqu'à l'adoption de l'euro en 1999. Sa convertibilité =iffère d'une région à l'autre, de sorte que le franc CFA ='Afrique centrale ne se change pas directement avec son pendant ='Afrique de l'Ouest.
La Banque centrale des Etats de ='Afrique de l'Ouest (BCEAO) naît en 1959, à la veille des =ndépendances, en remplacement de l'institut d'émission de ='Afrique occidentale française (AOF), qui regroupait les =olonies françaises établies dans cette =égion.
C'est aussi la date de l'avènement de la Banque centrale des Etats =e l'Afrique centrale et du Cameroun (BCEAEC), devenue =lus tard la Banque des Etats de l'Afrique centrale =BEAC).
La Banque centrale des Comores succède pour sa part ='institut d'émission des Comores en 1981. Quatre principes =ondamentaux guident la coopération monétaire entre la France =t ses partenaires africains : garantie de convertibilité =llimitée apportée par le Trésor français, fixité des =arités, libre transférabilité et centralisation des réserves =e change.
En contrepartie de la garantie du =résor français, il est requis des trois banques centrales =fricaines de déposer une partie de leurs réserves de change =ur un compte dit « d'opérations », ouvert dans les =ivres du Trésor français. De 100% au départ, le montant des avoirs =éposés a évolué à 65% puis 50% à l'heure =ctuelle.
A la disparition du franc français, l'ancrage des francs =FA et comorien a été ajusté pour être raccordé à ='euro, mais sans que les deux monnaies disposent d'un lien direct avec =a Banque centrale européenne (BCE).
« C'est =a France qui a sollicité les institutions européennes pour leur =ire : j'ai mes accords avec mes anciennes colonies, je veux =ontinuer comme c'est, je ne veux pas qu'on puisse les modifier. =es Européens ont signé donc une décision pour =econnaître que la France puisse continuer à exploiter son fonds de =ommerce colonial et dans l'esprit qu'elle-même maîtrise =BB, explique l'ingénieur financier camerounais =abissakana.
Chaque année, les ministres français et africains des =inances ainsi que les gouverneurs des banques centrales tiennent =eux réunions statutaires, une en Afrique et l'autre à =aris, comme c'est le cas de celle qui aura lieu les 4 et 5 octobre =E0 Paris, avec au menu la commémoration des 40 ans de =a zone franc.
Zone franc : 40 ans après, vif =ébat sur la vieille coopération monétaire entre la France et ='Afrique (ANALYSE)
Les 4 et 5 octobre à Bercy, siège =u ministère français de l'Economie et des Finances =E0 Paris, les 15 pays de la zone franc d'Afrique se réuniront pour =élébrer avec les autorités françaises les 40 ans d'une =oopération monétaire jugée inégale avec l'ex-puissance =oloniale que des analystes appellent à abolir par l'adoption par les =ays africains de leurs propres monnaies.
En =rélude aux prochaines Assemblées générales du Fonds =onétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, la rencontre-anniversaire de la capitale française =lacée marquée par un colloque sous le thème "Regards croisés sur =es 40 ans de zone franc" symbolise, comme de tradition, une =orte d'agencement du fonctionnement de la zone franc avant =es réunions de deux institutions de Bretton Woods, a =éclaré à Xinhua l'ingénieur financier camerounais Babissakana.
En Afrique, l'émergence de =ouvelles pensées idéologiques a suscité une remise en =ause d'une coopération monétaire jugée plutôt protectrice =es intérêts de la France au détriment de ses vis-à-vis du =ontinent noir. Les réactions exprimées jugent surannée l'existence =e la zone franc 40 ans après sa création et plus de 50 ans =près les indépendances africaines.
Pour cette =onfiguration sans pareil au monde, l'analyste financier camerounais =oniface Tchuenkam y voit un des vestiges de la colonisation =rançaise en Afrique qui ne se justifie plus aujourd'hui. "Si au =ébut des indépendances l'Afrique n'avait pas de cadres =ompétents pour gérer la convertibilité de sa monnaie, 50 ans =près ce n'est plus possible. Déjà dans les années 70, ='Afrique avait des cadres compétents".
"L'Afrique a son =orte-monnaie qui est gardé en France. On ne peut pas se dire =ndépendants ayant son porte-monnaie dans le sac d'une autre =ersonne. C'est la France qui décide ce qu'elle nous donne et =ous ne pouvons pas décider de placer notre argent dans un =utre pays comme le Japon ou les Etats-Unis, même si les =onditions de rentabilité sont favorables", ajoute-t-il.
30 =ILLIARDS USD DE RESERVES
Structurellement, la zone franc =e compose de huit pays d'Afrique de l'Ouest (Bénin, =ôte d'Ivoire, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Niger, =énégal et Togo), de six d'Afrique centrale (Cameroun, Congo, =abon, Guinée équatoriale, République centrafricaine et =chad) et des Comores. En février, le montant total des réserves =xtérieures de ces pays tournaient autour de 15.000 milliards de =rancs CFA (30 milliards USD). Comme Tchuenkam, Babissakana =ense que cet argent représente du pain béni pour l'Etat =rançais. "La France a signé des accords de coopération qui sont =es accords d'aide. On peut dire que c'est l'inverse ; c'est =lutôt les Etats africains qui sont en train d' aider la France =E0 financer son budget à des taux =oncessionnels".
Sur ces réserves monétaires, un taux d'intérêt de 1,75 =E0 2,5% est appliqué, soit un taux marginal, "le plus faible que =a France peut payer sur les crédits qu'elle reçoit, parce =ue la France émet beaucoup de titres pour avoir l'argent", =bserve l'ingénieur financier pour qui si les avoirs logés =u Trésor français étaient placés sur les marchés =inanciers à un taux de rendement de 8 voire 10%, ils procureraient ='importantes devises aux pays africains pour financer leurs économies.
"Au début, rappelle-t-il, quand =n était des colonies ou des pays sous tutelle, la France avait =00% des réserves extérieures de nos pays. Toutes ces =éserves lui appartenaient. Après les indépendances, ils ont =justé que maintenant vous êtes obligés de déposer 65% =ontre un fameux principe qui est complètement dénué de =ondement, qui est la garantie, c'est-à-dire que c'est des dépôts =u'on donne en contrepartie de la garantie que la France accorde au =ranc CFA".
Depuis juillet 2009, le volume des =épôts a été officiellement ramené à 50%. "Ça dépasse =ême 50%, parce que dans la gestion même effective, les banques =entrales continuent à déposer plus, surtout la BEAC. Mais =a BCEAO essaie de ramener à 50%. Mais, en tout état de =ause, ces réserves financent l'Etat français et l'Etat =rançais paie un intérêt au taux marginal de la Banque centrale =uropéenne", note Babissakana.
En 1994, dans un contexte d'ajustements structurels vécus par les pays =fricains en pleine crise économique comme une pilule amère de =a part du FMI et de la Banque mondiale quelques années plus =ôt, le franc CFA a subi une dévaluation de 50% de sa valeur =ar rapport à la parité avec le franc français, une =ituation venue accentuer la paupérisation des populations =fricaines. De fait, aux yeux de Boniface Tchuenkam, la zone franc =ous contrôle français apparaît comme "un des =E9léments de la pauvreté qui est entretenue ici en Afrique francophone".
"Il faut profiter de ces 40 ans =our dissoudre cette histoire- là et qu'on prenne nos responsabilités pour récupérer notre argent et =e gérer nous-mêmes".
A ceux qui affirment que ='attelage monétaire commun a assuré aux pays africains une =tabilité macroéconomique, il soutient qu'il est impossible de =arler de gain. "Ce que nous perdons est plus grand que ce que =ous gagnons. Tout à l'avantage de la France. C'est avec =e contrôle de cette zone qu'elle nous =ient".
ACCELERER LA CREATION D'UNE MONNAIE COMMUNE =FRICAINE
C'est un avis partagé par Babissakana qui milite de son =ôté pour que les pays d'Afrique francophone s'associent =éritablement aux pays Etats du continent pour accélérer le =rocessus de création d'une monnaie commune africaine, =E9lément clé pour la réussite de la renaissance africaine et de ='intégration économique tant proclamées sous forme de slogans =ors des sommets de l'Union africaine (UA).
Il suggère =ne réforme de la politique de pilotage et de =upervision du système de la micro-finance qui, à son avis, porte =es stigmates des fameux accords de coopération =onétaire décriés. Même proposition pour le système qui impose la =résence d'administrateurs et de censeurs dans les trois =anques centrales africaines de la zone : la Banque des Etats =e l'Afrique centrale (BEAC), la Banque centrale des =tats de l'Afrique de l'Ouest ( BCEAO) et le Banque centrale =es Comores.
Au Cameroun par exemple, près de 400 = établissements de micro- finance sont recensés, =mais ces institutions sont exclues services publics de la =anque centrale, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas accès =E0 la centrale des risques, la même chose pour les incidents de =aiement". Comble, la Commission bancaire d'Afrique centrale =COBAC) ne dispose pas de moyens pour venir superviser un =ystème pourtant essentiel pour le fonctionnement de ='économie, déplore l'ingénieur =inancier.
Caricaturée par le fameux concept de "Françafrique" qui a fait =E9merger un florilège de réseaux mafieux et de chantage =olitique à l'égard de l'élite gouvernante en Afrique, la =elation franco- africaine est ponctuée de coups d'Etat et ='interventions musclées opérées depuis Paris pour mettre au pas =u faire disparaître des dirigeants rebelles à la =rotection des intérêts français dans leurs pays.
"La =rance, avance Babissakana, n'a pas intérêt à avoir des pays =émocratiques en face, parce que si vous mettez en place des =nstitutions démocratiques, des présidents élus =émocratiquement, la question monétaire va être absolument tranchée. =arce que des Etats normaux, avec une gouvernance normale, avec des =euples qui veillent à ce que les institutions fonctionnent =ans leur intérêt, la première des choses, ça sera de =ettre fin à ces accords monétaires".
"La montée d'autres =uissances, notamment la Chine, l'Inde, a fait que ces dernières =nnées le centre de gravité de l'économie mondiale s'est =éplacé de l'Occident vers l'Orient, et la structure des =E9changes a été modifiée de façon importante, de sorte que pour ='avenir, nous on n'a aucun intérêt à rester enfermés dans =es accords de coopération totalement dépassés qu'on avec la =rance", conclut-il.
Par Raphaël MVOGO =
© Copyright Xinhuanet
(Xinhuanet 02/10/2012)