TRIBUNE: SARKOZY ET SA CONCEPTION ERRONÉE DU MOT PUTSCHISTE

Le 21 mars 2013 par Correspondance particulière - LA CONCEPTION DU MOT PUTSCHISTE PAR SARKO.

Nous désirons ardemment la paix en Côte d'Ivoire et en Afrique, cet objectif ne
peut être atteint que si nous, africains, apprenons à nous prendre en charge, évitons
d'importer du monde Occidental, et du reste du monde, des pensées philosophiques,
politiques, économiques, culturelles, religieuses, défavorables à un développement
harmonieux de nos nations. Après le récent voyage de Copé en Côte d'Ivoire, on se
demande quelle expérience démocratique le RDR d'Alassane Ouattara pourrait-il en
effet tirer de l'UMP de Sarkosy; un parti politique incapable de se choisir, de manière
transparente, un président? Les résultats d'une telle coopération politique sont
palpables, puisqu'en Côte d'Ivoire l'avis des institutions politiques importe peu, les
hautes personnalités ivoiriennes n'expriment désormais aucune opinion politique
contradictoire, même si elle pourrait s'avérer constructive pour notre jeune nation. Le
régime d'Abidjan se soucie d'avoir simplement le contrôle du monopole de la
violence physique (l'armée, la gendarmerie, la police) pour gouverner sans partage la
nation, en matant, dans le sang, toute revendication syndicale, au grand dam de
l'opinion publique internationale, de l'ONU et de la CPI. C'est dans un tel climat
politique que Sarkosy, le concepteur et l'artisan de la politique du pouvoir absolu
d'Alassane Ouattara se demande, ironiquement, ce que fait l'armée française au Mali,
car selon des propos rapportés par l'hebdomadaire "Valeurs actuelles", François
Hollande soutient des putschistes dans un pays qui n'a pas de gouvernement. Après
l'élection du Pape François, un événement très médiatisé qui semblait avoir étouffé la
voix de l'ancien président français, il serait opportun, pour nous africains, de réfléchir
sur une déclaration qui met en évidence l'une des questions épineuses de nos jeunes
nations africaines, à savoir le rôle véritable de nos forces armées nationales. Sont
appelées putschistes des personnes qui constituent un groupe politique armé, en vue
de prendre le pouvoir. Nous avons justement observé en Côte d'Ivoire, de 2002 en
2010-2011, la formation d'un groupe politique armé soutenu par la France dont le but
fut d'installé au pouvoir Alassane Ouattara. Du point de vue des sciences politiques,
ce groupe politique est formé de putschistes soutenus par l'armée française de
Sarkosy, voilà pourquoi ces derniers ont, à dessein, ignoré les revendications du
président Laurent Gbagbo désireux de connaître le vainqueur réel des élections
ivoiriennes puisqu'à Bouaké, son adversaire politique Alassane Ouattara avait dans
les urnes 100 mille voies fictives. Ce voeu du président Laurent Gbagbo réitéré devant
les juges de la CPI n'exprime pas sa volonté de s'accrocher au pouvoir, au poste de
président. Cet homme politique soucieux de bâtir une nation ivoirienne démocratique
s'accroche plutôt au pouvoir que confère le peuple à tout gouvernement à travers ses
institutions politiques. Si la démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple,
comme nous venons de le constater avec les Chypriotes et leur Parlement qui se sont
opposés au prélèvement des taxes sur les dépôts bancaires décidé par les autorités
politiques et économiques de l'Union européenne, le président Laurent Gbagbo a
choisi d'emprunter la voie légale, celle des institutions, à savoir le verdict des urnes,
la proclamation des résultats présidentiels par la Cour Constitutionnelle de son pays,
dans le respect du droit de vote de tous les citoyens ivoiriens, c'est à ce prix qu'il tient
à jeter les bases d'une nation ivoirienne démocratique. Que notre Constitution et nos
institutions soient encore fragiles, elles demeurent pour le moment nos seuls arbitres,
et nous ne pouvons les consolider, au cours de notre histoire, qu'au sein de notre
Parlement, et non au moyen de l'intervention de putschistes soutenus par l'armée
française de Sarkosy et par l'opinion publique internationale. L'armée malienne a tiré
des leçons du contentieux électoral ivoirien, et du putsch qui avait été préparé
d'avance par des acteurs français, africains, maliens qui occupent aujourd'hui des
postes de choix dans le gouvernement du Mali. La jeune armée malienne, à quelques
mois, de la fin du mandat du président de la République de leur pays a pris sur elle de
faire un coup de force, non pour installer un leader politique, mais pour garantir des
élections transparentes au Mali. Ces soldats maliens ne sont donc pas des putschistes,
mais assument le rôle assigné à toute armée nationale dont le but est de défendre,
avant tout, les intérêts nationaux, l'intégrité territoriale, de venir en aide à la garde
républicaine, afin de défendre les institutions politiques, économiques de la nation.
Nous comprenons, dès lors, les propos du président Laurent Gbagbo et du général
Dogbo Blé qui affirment qu'ils n'ont fait que leur travail. Les forces armées nationales
ivoiriennes défendirent les institutions politiques de notre pays et le Chef suprême de
nos armées, le président Laurent Gbagbo, en attendant de trouver une solution
pacifique au contentieux électoral qui l'opposait à Alassane Ouattara, partisan d'une
solution violente. Toutes les armées des nations du monde sont en fait confrontées à
ce dilemme : "Quelle armée ? Pour quelle mission ? " Maurice Najman, dans le
Monde diplomatique, en février 1998, exprime à ce sujet ses appréhensions. Il dit en
substance : « L'utopie d'un "nouvel ordre mondial" s'est transformée en
cauchemar. Le désordre règne partout. La guerre semble reprendre ses droits. Aux
sanglantes montées de fièvre ethniques, religieuses ou nationalistes s'ajoutent des
menaces de types nouveaux, développement de zones "grises" où le droit
international (comme celui des États) n'a plus cours, renforcement des
coopérations entre organisations criminelles transnationales (mafias de la drogue,
criminalité financière...), terrorisme nucléaire, menaces biologiques et chimiques
etc... ». Dans un tel contexte, nos jeunes armées africaines ont pour devoir de définir
elles-aussi leur mission, puisqu'elles ont à faire face à de nouvelles menaces. En Côte
d'Ivoire comme au Mali, nous avons, par exemple, entre autres choses, vu des
étrangers prendre des armes, profiter de crises internes propres à nos pays, de la
naïveté de nos populations pour s'emparer de nos biens, de nos terres, au grand dam
de nos institutions politiques, de nos forces armées républicaines. Tout étranger est le
bienvenu en Côte d'Ivoire, mais quand un étranger prend des armes contre la nation
qui lui ouvre ses portes, il devient un terroriste, un mercenaire. Ce dernier ne combat
pas pour protéger les institutions et le peuple, mais pour s'enrichir, et prendre le large
quand la barque de la nation qui l'accueille commencera à s'enfoncer dans les eaux.
Cette vision de l'étranger, du mercenaire cupide de Machiavel s'observe dans nos
jeunes nations africaines ; on se sert aujourd'hui de ces derniers pour déstabiliser nos
états, pour occuper nos terres, pour brader notre nationalité; c'est l'une des nouvelles
menaces auxquelles doivent faire face les forces armées africaines pour consolider
nos institutions politiques et économiques, pour bâtir de véritables démocraties. Voilà
pourquoi on ne peut que saluer l'intervention de l'armée française de Hollande au
Mali qui aide le capitaine Sanogo et son armée à créer les conditions d'élections
transparentes, libres, contrairement à l'expérience ivoirienne sous la présidence de
Sarkosy qui taxe, paradoxalement, de putschiste une armée malienne qui accomplit la
mission qui lui est assignée par la Constitution de son pays.

Une contribution par Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)