TRIBUNE: POLITIQUE SOCIALE EN COTE D’IVOIRE. Attention aux mauvais choix !

Le 11 décembre 2012 par Correspondance particulière - Avec la judicieuse et salutaire décision de rendre les soins de santé temporairement gratuits après la violente crise post électorale, avec le

Donatien Robé Président de l’ONG orphelins secours.

Le 11 décembre 2012 par Correspondance particulière - Avec la judicieuse et salutaire décision de rendre les soins de santé temporairement gratuits après la violente crise post électorale, avec le

regroupement de l’emploi et le social dans un même ministère, le président Ouattara avait donné la nette impression qu’il s’engageait dans une politique sociale moderne avec pour seul but, le progrès social.
Malheureusement, après deux années de gouvernance, les innovations modernes semblent marquer le pas. Ceci à travers des choix très discutables.
D’abord, en lieu et place de l’assurance maladie par le biais de la couverture médicale universelle(CMU) promise aux populations, le président Ouattara a préféré poursuivre la politique de gratuité des soins malgré son inefficacité et son impopularité. Madame N’dri Yoman qui gérait le département de la santé semble d’ailleurs avoir payé pour cet échec malgré son enthousiasme et sa bonne volonté de réussir. Or c’est la politique, elle-même, qu’il aurait fallu changer.
Ensuite, la supposée réforme de la MUGEF-CI est une méconnaissance absolue des nouvelles orientations dans la mutualité sociale. Il était légitime de réduire le train de vie du conseil d’administration de cette mutuelle qui n’avait plus de limites en matière de dépenses. Cependant, supprimer les quotas imposés aux pharmacies et peut- être remettre en cause l’existence de l’hôpital des fonctionnaires, sans solutions alternatives, est une erreur stratégique dans la lutte farouche contre la hausse des dépenses de santé et de la fraude. Partout dans le monde, face à la montée inquiétante des dépenses de santé, des politiques de restriction, de contingentement et de plafonnement voient le jour : En France les mutuelles sociales innovent avec les réseaux de soins mutualistes pour encadrer, contrôler les prescriptions et donc les dépenses. Toujours dans ce même pays, l’assurance maladie de base, par le déremboursement de certains médicaments, l’instauration de franchises médicales et le parcours de soins coordonné, contrôle et encadre les soins. Aux États-unis, la sécurité sociale privée à travers les fameux HMO (Health Maintenance Organizations) n’est pas en reste. L’Allemagne et l’Angleterre, par la responsabilisation de l’assuré pour l’une, la mise en concurrence des hôpitaux publics pour l’autre, compriment les dépenses. Il est vrai que ces politiques limitent l’accès aux soins, mais il vaut mieux avoir une politique de financement de la santé contraignante mais pérenne en lieu et place d’une politique généreuse mais dont la mort est programmée.
Enfin, l’autre mauvais choix est lié à la politique de l’emploi. Il est de plus en plus question de créations d’emplois nouveaux. Ce qui est souhaitable en soi. Mais si la croissance est de 8% comme annoncé, est-il besoin de déployer autant d’énergies et d’imaginations pour cette question ? La croissance crée les emplois, surtout quand l’environnement sécuritaire est excellent comme le fait savoir le gouvernement. Ce qu’il y a plutôt d’urgent, et d’essentiel, c’est la sécurisation et la consolidation des emplois précaires actuels afin qu’ils contribuent au financement de la protection sociale de ceux qui les occupent, tout en faisant reculer l’économie informelle, véritable fléau dans un pays qui se veut « émergent en 2020 ». Et cela passe inexorablement par le renforcement et l’application du droit du travail dans le but d’une véritable protection de l’employé, la valorisation de ces petits emplois et surtout par des dispositions incitatives dans le sens de l’allègement des charges sociales obligatoires des entreprises. En Côte d’Ivoire, l’agent de sécurité, la serveuse de bar, l’ouvrier de la zone industrielle ou le chauffeur de taxi doit pouvoir considérer qu’il travaille, lui aussi, parce qu’il bénéficie des avantages sociaux liés à son emploi, à savoir la sécurité sociale et les revenus de remplacement en cas de chômage. Cela est possible à condition que la volonté et l’engagement politiques soient forts. Le pays émergent que sera la Côte d’Ivoire à l’horizon 2020 doit pouvoir offrir à ses enfants cette protection sociale de base. Car un pays émergent s’évalue aussi à travers ces acquis sociaux élémentaires.

Une contribution de Donatien Robé
Président de l’ONG orphelins secours
Spécialiste de la protection sociale.