Tribune: Ouattara assassine l’économie ivoirienne avec les armes répressives de la fiscalité, par Dr Seraphin Prao
Par Correspondance particulière - Ouattara assassine l’économie ivoirienne avec les armes répressives de la fiscalité.
Arthur Laffer avait dit et la pratique de l’économie lui a donné raison : trop d’impôt tue l’impôt. A partir d’une représentation simple, Laffer échafaude une courbe qui met en relation le taux d’imposition total et le montant des recettes fiscales que l’on peut en attendre. Il s’agit d’une courbe en cloche qui passe par un maximum que son auteur interprète comme le taux de pression fiscale maximum à ne pas dépasser sous peine de décourager le travail, la formation des revenus qui vont avec, et donc de voir les recettes fiscales diminuer. En clair, l’augmentation immodérée de certains taux d’imposition favorise les comportements d’évitement par les contribuables.
Les gouvernements mettant en pratique les préceptes libéraux diminuent la pression fiscale dans l’économie. Or, depuis qu’il est au pouvoir, le « libéral » Ouattara pratique un Keynésianisme insolent et un matraquage fiscal sans précèdent. Cette façon de conduire l’économie décourage l’investissement et donc la croissance tout en érodant le bien-être des populations. Cette réflexion a deux ambitions : éclairer les ivoiriens sur les conséquences de la mauvaise politique économique de Ouattara et attirer l’attention du régime Ouattara sur le risque d’une telle politique.
1. Quelques faits qui donnent raison à Arthur Laffer
Au-delà de la théorie, des vérifications empiriques du principe de Laffer existent. Récemment, le trésor britannique a reconnu que l’augmentation du taux d’imposition marginale sur le revenu à 50% (contre 40 puis 45% à l’époque de Tony Blair) avait diminué les recettes en provenance des contribuables aisés. En France comme ailleurs, l’hyperfiscalité sur les tabacs a favorisé l’explosion de la contrebande de cigarettes, et la puissance publique a dû se résoudre adopter la TVA à taux réduit sur les travaux à domicile pour endiguer le travail clandestin. Et que dire de l’impôt sur la fortune (ISF) ? En 2007, en France, l’institut Montaigne montrait que les fuites de contribuables aisés liées à cet impôt occasionnaient un manque à gagner minimal de 16 milliards d’Euro pour le trésor public, alors qu’il n’en rapportait de 3 milliards. Les riches partis ont très fortement investi ailleurs, et la richesse ainsi délocalisée ne percole plus en France.
Dans le sens inverse, les baisses d’impôts marginaux promues par John F. Kennedy (de 93% à 70% en 1962), puis par Ronald Reagan (de 70 à 28% en 1982) sont célèbres pour avoir augmenté les revenus du gouvernement fédéral. Des régimes qui auraient eu tout pour déplaire, tel que celui mis en place en Russie par Vladimir Poutine au tournant du millénaire, ont trouvé une improbable popularité en instaurant une Flat Tax à 13% se substituant à un impôt progressif au taux marginal de 30%, doublant les recettes de l’impôt sur le revenu en 4 ans, et sécurisant les recettes d’un état auparavant incapable de payer jusqu’aux retraites.
2. Le matraquage fiscal du régime Ouattara depuis 2011
Le tam-tam médiatique du régime Ouattara ne retentit pas lorsqu’il adopte des postures impopulaires. Et pourtant il ne perd pas une seconde pour faire la publicité d’une croissance appauvrissante, oisive et stérile. La rage taxatoire du régime Ouattara ne démord pas. L’Etat a prévu dans le décret n°2013-225 du 22 mars 2013 relatif à la co-propriété une redevance que devront payer les abonnés de la CIE ou SODECI. Selon le ministre de la Construction, de l’Assainissement et de l’Urbanisme, Mamadou Sanogo, «Certaines dispositions du texte sont contraignantes. Ainsi, les Ivoiriens seront obligés de payer à travers leur facture de CIE ou SODECI leur participation aux charges du Syndicat des co-propriétaires». Selon lui, le gouvernement a doté le pays d’un cadre réglementaire plus adapté à la vie dans un habitat collectif.
Tous les secteurs sont concernés par le harcèlement fiscal de Ouattara. Les dispositions fiscales appliquées à la filière hévéas sous le régime sont insupportables. Les planteurs d’hévéa payaient des impôts à raison de 2,5 % prélevés sur leur revenu. Sans oublier que les sociétés agro-industrielles payaient 25 % sur le Bénéfice industriel et comptable (BIC). Depuis l’exercice 2012, le régime Ouattara a imposé de nouvelles taxes sur la production des usiniers. 5 % sur le chiffre d’affaires du caoutchouc granulé. En plus, l’Etat demande de payer la TVA avant d’être remboursé. Mais, au moment de recouvrer cette créance, l’usinier est soumis à d’incessants va-et-vient qui l’amènent à tout abandonner. Ce mode de récupération de la TVA est une arnaque.
Le régime est allé jusqu’à soutirer l’argent de la poche des fonctionnaires. Au niveau de la réforme de la Caisse générale des retraités agents de l’Etat (Cgrae) visant à faire passer l’âge de la retraite de 57 à 60 ans pour les catégories D à A3 et de 60 à 65 ans pour les catégories A4 à A7 , le taux de cotisation passe de 18 à 25% . Dans cette augmentation, la part à supporter par le travailleur est de l’ordre de 2,33% alors que les salaires eux ne bougent pas.
Quant aux transporteurs, la patente qui coûtait 120580 FCFA revient désormais à 141080 FCFA en tenant compte de l’ITS qui est de 20500 FCFA.
3. Les conséquences d’une telle politique sur l’économie ivoirienne
Le harcèlement fiscal du régime Ouattara impacte négativement l’économie à trois niveaux au moins.
En premier lieu, des secteurs peuvent disparaitre. De l’aveu de M. Eugène Krémien Malan, vice-président de l’Association des professionnels et manufacturiers de caoutchouc (Apromac), « si rien n’est fait par l’Etat et que la loi des finances reconduit les mêmes taxes, la filière sera en faillite en 2014 ». Ils ne comprennent pas ces nouvelles taxes vu que la loi fiscale prescrit que, lorsque 80 % de la production d’une entreprise sont exportés, alors elle est exonérée de TVA. Rappelons que la production est exportée à 100%. Le matraquage fiscal du régime Ouattara va étouffer les entreprises qui sont encore fragiles après des années de souffrance. Cette pression fiscale diminue les profits des entreprises et donc pèse énormément sur les investissements futurs. On ne répétera jamais assez la formule du chancelier Schmidt : les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain.
En second lieu, l’économie souterraine peut se développer. Une société qui connaît des difficultés a plus de chance d’être en infraction. Outre l’exil fiscal, les hausses d’impôts entraînent également une forte hausse de la fraude fiscale du travail au noir. Toutes ces hausses d’impôts finissent donc pas se retourner contre l’Etat, qui perçoit moins, les ivoiriens ayant l’impression que la fraude fiscale devient légitime. Trop d’impôt, parce que favorisant l’évasion et la fraude fiscale, « tue l’impôt » dit la maxime. L’analyse du recouvrement des recettes fiscales au sein de l’UEMOA est très révélatrice même, si dans la plupart des pays elles ont progressé à l’exception de la Côte d’Ivoire, le Bénin, la Guinée Bissau. En effet le taux de réalisation qui instruit sur la performance de l’administration fiscale en matière de recouvrement, se situe dans l’ensemble en dessous de la moyenne c’est à dire 50%. Hormis le Sénégal et le Togo qui affichent respectivement des taux de 51,9% et 52,6%. La Côte d’Ivoire gagnerait à améliorer le taux de recouvrement au lieu d’opprimer les contribuables.
En troisième lieu, l’érosion du bien-être des ivoiriens. En deux ans, le prix de l’hévéa a chuté de 1200 à 395FCFA/Kg. Le sort du paysan ivoirien devient de plus en plus inquiétant. Les producteurs agricoles, en l’occurrence, les planteurs d’hévéa jadis prospères, commencent à broyer du noir. Non seulement le prix a chuté, mais les producteurs payent à l’Etat des taxes qui sont passées de 2,5% à 5%.
Déjà des augmentations sont faites sous la pression du FMI, pour qui « Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour faire face aux pressions exercées par la hausse mondiale des prix de l’énergie notamment sur les mécanismes d’ajustement, de fiscalisation et de subvention des prix des produits pétroliers (…) ».
Dans les prochains jours, les abonnés de la CIE ou SODECI doivent s’attendre à une hausse de leur facture. Et tous les prix vont également augmenté car la formation des prix est un processus. Le harcèlement fiscal du régime Ouattara va bien sûr peser sur le pouvoir d’achat et la consommation. La question est de savoir si l’augmentation des prélèvements a un effet « ricardien » ou pas. En clair, si les ivoiriens, effrayés par la hausse de la dette et de la pression fiscale, vont changer leur comportement et épargner plus. Avec un revenu déjà amaigri, il est certain que la consommation va fortement baisser. Depuis 2011, ce gouvernement est constant dans sa nuisance envers le portefeuille et le bien-être des Ivoiriens. Après les denrées de première nécessité, comme le riz, l’huile, le savon, le pain, les tomates, les oignons, le gaz et de l’essence, c’est maintenant au tour de l’électricité puis bientôt des prix dans le secteur des services.
Conclusion
Les Ivoiriens se souviendront toujours des affiches de campagne qui avaient été placardées dans toute la ville et qui dénonçaient le niveau élevé des prix des produits pétroliers et des produits de grande consommation. De même que la déclaration faite par la présidente de la Commission technique Mines et énergie du RDR, Touré Maférima en 2008 pour dénoncer les prix chers des produits pétroliers. Bien fait pour les ivoiriens qui ont cru aux promesses de Ouattara car ces dernières n’engagent que ceux qui les écoutent. Pourquoi les prix des produits énergétiques augmentent tant ? Le régime répondra : nous avons supprimé la subvention du super sans plomb qui coûtait 40 milliards de FCFA par an à l’Etat et les arriérés des pouvoirs publics relatifs au gaz domestique qui s’élevaient à 25 milliards. Pas du tout convaincant quand on imagine ce que coûte les multiples voyages de M. Ouattara et les détournements d’argent liés à la mauvaise gouvernance du régime.
Une contribution de Dr Prao Yao Séraphin, délégué national chargé des questions monétaires et financières à LIDER