Tribune: Nelson Mandela et l'Apartheid, Laurent Gbagbo et le droit de vote des africains

Par Correspondance particulière - Parallèlisme entre les combats de NELSON MANDELA et de LAURENT GBAGBO.

Le monde politique est celui des démagogues: les pires ennemis de la démocratie, parce que
leur rôle est de flatter les masses, les populations, pour gagner et exploiter leur «adhésion». Le
mensonge légitime est l'instrument de prédilection de ces derniers dans leur conquête du pouvoir.
Pour combattre les démagogues il nous faut avoir une lecture objective des faits politiques, des
événements qui se déroulent sous nos yeux, dans le but d'être des acteurs éclairés et non aveugles de
notre propre histoire. Nelson Mandela, cet homme vénéré de nos jours par le monde entier, passa 27
années de sa vie dans les geôles d'une prison, à cause d'une minorité blanche favorable au système
politique d'apartheid, à la ségrégation raciale. De 1913 à 1942, des lois interdisaient aux Noirs
(populations autochtones de l'Afrique du Sud) d'être propriétaires de terres en dehors des «réserves»
indigènes qui représentaient 7% de la superficie totale de l'Union sud-africaine. De nombreux
paysans noirs indépendants furent ainsi expropriés. Certaines lois favorisaient la ségrégation
résidentielle: des quartiers réservés aux Noirs dont l'urbanisation était limitée. L'on vit, entre autres
choses, la suppression des Noirs des listes électorales communes de la Province du Cap. Les
mariages mixtes étaient interdits puisque l'appartenance d'un sud-africain à un territoire, à la
nationalité, et à son statut social dépendait de son statut racial: les Noirs autochtones et les Blancs
descendants des colons ne jouissaient pas des mêmes droits, des mêmes avantages. Toutes ces
injustices ne laissèrent pas indifférent Nelson Mandela qui tint face à ses bourreaux des propos qui
résument son combat politique: «Toute ma vie je me suis consacré à la lutte pour le peuple africain.
J'ai combattu contre la domination blanche et j'ai combattu contre la domination noire. J'ai chéri
l'idéal d'une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble en
harmonie et avec les mêmes opportunités. C'est un idéal pour lequel j'espère vivre et agir. Mais, si
besoin est, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir». Élu président de l'ANC du Transvaal, et
vice président national en 1952, Mandela incite, en effet, les populations à la désobéissance civile
contre toutes ces lois sur lesquelles repose le système politique d'apartheid. Le 21 mars 1960 à
Sharpeville, l'ANC organise une manifestation non-violente contre l'extension aux femmes du
passeport intérieur. Tout homme qui n'en possédait pas était arrêté ou déporté. Durant cette
manifestation, des policiers tirèrent sans sommation sur environ cinq mille personnes: soixante neuf
morts, huit femmes, dix enfants et de nombreux blessés. Face à un tel massacre, Nelson Mandela
abandonna la stratégie non-violente et fonda une branche armée de l'ANC dont le but fut de
favoriser le sabotage de lieux symboliques de l'apartheid sans perte en vie humaine. Arrêté le 11
juillet 1963, il fut accusé de trahison, de quatre sabotages, de liens avec le parti communiste sudafricain,
de comploter une invasion de son pays par l'étranger. Consciente de la capacité de ce
leader politique africain de fédérer les peuples d'origines diverses de l'Afrique du Sud, afin de
construire une nation sud-africaine démocratique, indépendante, la minorité blanche s'évertua à
ternir son image, à faire de lui un vulgaire criminel, un ennemi de son peuple. Elle choisit de diviser
les populations en oeuvrant à l'arrivée sur la scène politique de Mangosuthu Butlelezi, un prince
Zoulou, fondateur en 1975 de l'Inkata Freedom Party (IFP), qui fut présenté au monde comme une
alternative crédible à l'ANC, le parti de Nelson Mandela. Buthelezi s'opposa aux sanctions
internationales contre le régime d'apartheid, et fut reçu avec les honneurs à Londres et à
Washington. Il s'efforça d'apparaître, aux yeux de tous, comme la personnalité politique
incontournable, "indéboulonnable", à même d'éviter la guerre civile à toute l'Afrique du Sud. A
partir de 1986 une guerre civile entre partisans de Buthelezi et l'ANC fit, en effet, 10.000 morts.
Buthelezi, favorable à l'apartheid, rejoignit les partisans de ce système politique qui niait à ses frères
leurs droits. Son parti s'allia au Parti conservateur d'Afrique du Sud (celle de la minorité blanche).
En 2002, il fut mis en cause par la Commission de la vérité et de la réconciliation, car il fut auteur
de violations des droits de l'homme sous l'apartheid. De mai 1994 à 2004, les gouvernements de
Nelson Mandela et de Thabo M'Beki dont l'objectif principal est de construire une nation
démocratique unie pour le bien-être de tous les citoyens de la Nation arc-en-ciel firent tout de même
de ce prince zoulou leur ministre des Affaires intérieures. Le parcours de Laurent Gbagbo le
président élu de la Côte d'Ivoire (selon MEDIAPART) emprisonné à la Haye sous le gouvernement
du président français Nicolas Sarkosy n'est pas différent de celui de Nelson Mandela, lorsque nous
nous attelons à analyser, sans préjugés, les faits politiques. Après la traite des Noirs, les
commerçants d'esclaves originaires de la France et du monde occidental, qui avaient une mainmise
sur la politique africaine de la métropole, contraints de mettre fin à cette pratique avilissante,
introduisirent au Maghreb et en Afrique noire le code indigénat. Ce système politique qui se
substitua à la Traite négrière est résumé par cette phrase d'Albert Londres, journaliste au Petit
Parisien, qui fut outré par le nombre effroyable de morts parmi les travailleurs indigènes du Sénégal
au Congo: «Ce sont les nègres des nègres. Les maîtres n'ont plus le droit de les vendre. Il les
échangent. Surtout ils leur font faire des fils. L'esclave ne s'achète plus, il se reproduit. C'est la
couveuse à domicile». La Traite des Noirs ne fit que connaître avec le code indigénat une mutation,
puisque les Africains n'ont pas jusqu'à ce jour le droit de décider de leur destin; ils ne sont que des
bêtes de somme du monde occidental. Après le code indigénat, la métropole adopta l'article 78 de la
Communauté franco-africaine puis stipula l'article 55 de la Constitution française de 1958 qui
permettent à la France d'exploiter à sa guise, jusqu'à ce jour, nos matières premières, et à nous
priver surtout du droit de vote, de manière subtile, en favorisant en Afrique les partis uniques. C'est
dans un tel contexte politique que Laurent Gbagbo, le président élu de la Côte d'Ivoire (selon
MEDIAPART) qui croupit aujourd'hui dans les geôles de la Haye a commencé sa lutte politique
dans le but de bâtir une nation démocratique. Il a accédé au pouvoir, après la mort du président
Houphouët Boigny, par la voie des urnes, et non au moyen des armes. Face à la rébellion armée qui
a entraîné en 2002 un grand nombre de morts, il a accordé aux rebelles l'amnistie, et a choisi
d'assigner à l'armée ivoirienne son rôle régalien. Conscient des ravages de la corruption au sein de
l'administration, de la classe politique, et de l'armée ivoirienne, il s'évertua, tout de même, à former
la conscience de soldats républicains dont le rôle est de protéger la Constitution, les Institutions,
l'intégrité territoriale de leur pays, l'unité de tous les citoyens ivoiriens. Ses détracteurs occidentaux
dont la France se sont efforcés durant tout son parcours politique à le présenter aux yeux du monde
comme un ennemi du peuple ivoirien, des Africains, et de la démocratie. Alassane Ouattara, à
l'instar de Buthelezi, est la figure politique que l'on tient à imposer à la Côte d'Ivoire et au monde,
comme une alternative crédible, incontournable, "indéboulonnable", capable de défendre les intérêts
des descendants des commerçant d'esclaves devenus aujourd'hui propriétaires de grandes
multinationales, qui dictent à la France sa politique africaine. Le régime d'Abidjan, hanté par le
charisme du président Laurent Gbagbo que l'on s'acharne à présenter au monde comme un tyran, un
criminel, fait, par exemple, une confusion monstrueuse entre la lutte contre le racket et les crimes
contre l'humanité dont sont accusés aussi les propres partisans d'Alassane Ouattara, qui ne sont ni
jugés ni condamnés par la justice ivoirienne et la CPI. La lutte contre l'apartheid avait pour objectif
fondamental; la construction d'une Nation sud-africaine libre, indépendante, démocratique, unie, en
vue du bien-être de tous ses citoyens. Laurent Gbagbo, le président élu de la Côte d'Ivoire selon
MEDIAPART s'obstine à demander à ses geôliers de proclamer les vrais résultats des élections
ivoiriennes parce que cet historien est conscient de l'enjeu de son combat politique, que l'on
s'efforce d'étouffer en suscitant des débats stériles, inutiles, dans le but de distraire le peuple ivoirien
et l'opinion publique internationale. Seul le respect du droit de vote des citoyens peut imposer des
limites aux dérives d'un Chef d'État comme en Égypte qui favorisait le rattrapage religieux, ou à
l'usage excessif de la force par l'armée. Seul le respect du Droit de vote peut en Côte d'Ivoire mettre
fin aux crimes contre l'humanité, et susciter la crainte du peuple souverain dans l'esprit des
dirigeants politiques proches d'Alassane Ouattara, qui fondent leur autorité, non sur le respect de
Constitution, des droits des citoyens, ou de la justice pour tous, mais plutôt sur le monopole de la
violence physique, qui ne prône que l'emprisonnement des partisans du président élu Laurent
Gbagbo. Nous oeuvrons aux côtés de Laurent Gbagbo, le président élu de la Côte d'Ivoire, selon
MEDIAPART, pour l'instauration de l'ordre républicain en Côte d'Ivoire qui repose sur la
souveraineté populaire puis nationale. Si un Chef d'État oppose, divise le peuple comme en Égypte,
il n'est plus garant de l'unité nationale, de la Constitution de son pays...

Une contribution par Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)