Tribune: Lettre ouverte à Hollande et à Obama (Première partie)
Le 13 juin 2012 par Correspondance particulière - L’arrestation de Laurent Gbagbo n’est que l’achèvement du coup d’Etat commencé le 19 septembre 2002 par la mafieuse Cosa nostra venue de Ouagadougou.
Le 13 juin 2012 par Correspondance particulière - L’arrestation de Laurent Gbagbo n’est que l’achèvement du coup d’Etat commencé le 19 septembre 2002 par la mafieuse Cosa nostra venue de Ouagadougou.
Messieurs les présidents François Hollande et Barack Obama, depuis le déclenchement des graves événements qui déchirent encore la Côte d’Ivoire après l’élection présidentielle de 2010, les multiples officines qui servent de caisses de résonnance à la politique des Etats-Unis d’Amérique, de la France et de leurs alliés s’évertuent à faire croire au monde que la crise ivoirienne a commencé le 28 novembre 2010, date du second tour de cette consultation électorale. A écouter les théories bricolées par de pseudos spécialistes de la Côte d’Ivoire, la crise ivoirienne serait née, ex nihilo ou presque, le 28 novembre 2010. L’avant 28 novembre 2010 serait une nuit noire, un vide insondable.
Ainsi, cette date a constitué la borne intangible à partir de laquelle s’est bâtie une vision manichéenne de la Côte d’Ivoire avec, d’un côté, Laurent Gbagbo et ses partisans accusés de tous les maux de la terre, traqués, contraints à l’exil, embastillés à la Cour pénale internationale (Cpi) ou dans les goulags du pays et, de l’autre, Alassane Dramane Ouattara et son clan lavés plus blancs que blanc par leurs maîtres. Cette démarche intellectuelle et ses méthodes relèvent de la pure métaphysique.
Messieurs les présidents, les événements survenus après le 28 novembre 2010 ne peuvent être mécaniquement coupés de l’histoire de la Côte d’Ivoire, en général, et de celle de la première décennie du XXIème siècle, en particulier. Par exemple, l’attaque de la Côte d’Ivoire par une rébellion le 19 septembre 2002 ne peut être effacée d’un coup de baguette magique et jetée aux oubliettes, si l’on veut comprendre la crise qui frappe le pays.
Entre autres documents, un article publié par le quotidien français Le Monde, le 11 octobre 2002, jette une lumière crue sur cette rébellion. L’article écrit à Ouagadougou porte la signature de Stephen Smith, Damien Glez et Vincent Rigoulet. Il s’intitule : « Côte d'Ivoire : le visage de la rébellion ». Je ne m’attarde ni sur les passages qui concernent les rapports conflictuels entre Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié, Alassane Dramane Ouattara et le général Robert Guéï, ni sur les contradictions entre ce dernier et les « sous-offs… qui l’ont hissé sur le pavois », lors du coup d’Etat de 1999, etc. Je ne retiens ici que les extraits de l’article du Monde qui se rapportent directement à la rébellion.
« Qui sont ces hommes qui, dans la nuit du 19 septembre, ont fait basculer tout le nord du pays dans le but de prendre le pouvoir ? Ils appartiennent à la Cosa nostra que dirige le sergent-chef « IB », installé à Ouagadougou, écrivent les journalistes français.
SOMGANDÉ est un vieux quartier de Ouagadougou, dans le nord de la capitale du Burkina Faso, sur la route qui mène à Ziniaré, le village du président Blaise Compaoré. Entre une zone industrielle et une forêt classée, une cité pavillonnaire y a été implantée dans les années 1980, à l'époque où le « pays des hommes intègres » se disait révolutionnaire. Dans ces villas à l'identique, un peu personnalisées au fil du temps, des « policiers ivoiriens » logeaient encore il y a trois semaines. Leurs voisins les appelaient ainsi parce qu'ils les apercevaient, le soir, assis sur leur terrasse, en uniforme, armés. En revanche, les mêmes étaient en civil quand ils sillonnaient la ville à bord de 4 × 4 rutilants, quand ils écumaient le Jimmy's ou le Papa Gayo, leurs boîtes de nuit préférées.
Maintenant, sauf pour l'un d'entre eux, tous sont partis faire le coup de feu en Côte d'Ivoire. Qui sont-ils ? Quel est l'itinéraire qui les a faits « rebelles » ? Pour comprendre, il faut revenir douze ans en arrière...(…)
En octobre 2000, empêchant à son tour Alassane Ouattara de se présenter, le général Gueï tente de se faire élire président. Mais son seul rival resté en lice, avec lequel il croyait s'être entendu, le « roule dans la farine », comme il dira plus tard : Laurent Gbagbo, opposant de longue date à Houphouët-Boigny, ne se résigne pas à servir de caution au plébiscite du général, en échange d'un poste au gouvernement. Il mène campagne et, en l'absence d'autres concurrents, gagne. (…)
Le 4 décembre 2000, un quotidien du RDR, Le Patriote, publie à la « une » la carte du pays coupé en deux : les treize départements du Nord y sont arrachés au Sud, la déchirure s'opérant à la hauteur de Bouaké, la ville carrefour au cœur de la Côte d'Ivoire. En fait, cette fracture épouse l'actuelle ligne de front, celle qui sépare les insurgés du 19 septembre et les forces loyales au président Gbagbo. (…)
Homme-clé du putsch de Noël 1999, puis garde du corps d'Alassane Ouattara, avant de fuir le pays pour échapper à la vindicte du général Gueï, le sergent-chef Ibrahim Coulibaly, dit « IB », tente depuis deux ans de rectifier l'histoire de la Côte d'Ivoire à la pointe du fusil. D'abord éloigné du pays comme attaché militaire de l'ambassade ivoirienne au Canada, il s'est ensuite installé à Ouagadougou, au quartier Somgandé. (…)
Les 7 et 8 janvier 2001, « IB » est impliqué dans « le coup de la Mercedes noire », la limousine escortée d'un convoi de 4 × 4 qui, venant du Nord, fait route vers Bouaké, en même temps que des éléments armés à Abidjan, 450 km plus au sud, attaquent la résidence du président Gbagbo. Cette tentative de prise de pouvoir tourne court. Rétrospectivement, elle apparaît comme la répétition générale de la mutinerie à Abidjan d'un bataillon appelé à être démobilisé et qui, dans la nuit du 19 septembre, s'est muée en insurrection et a fait basculer tout le Nord.
Depuis, cette rébellion cache son visage politique. Elle veut renverser le pouvoir en place, mais fait accroire qu'elle n'a pas de chef, seulement des « porte-parole ». Le plus connu d'entre eux est le sergent-chef Tuho Fozié. Agé de 38 ans, Mandingue d'Odiénné, dans l'extrême nord-ouest de la Côte d'Ivoire, il était du putsch de Noël, puis dans la garde rapprochée du général Gueï. L'été 2000, lors de la grande scission entre frères d'armes, il échappe à l'arrestation et fuit à l'étranger. Il ne revient que pour participer au « coup de la Mercedes noire », ce qui lui vaut une condamnation par contumace à vingt ans de prison pour « abandon de poste, violation de consigne, atteinte à la sûreté de l'Etat, assassinat, tentative d'assassinat ». Le 1er octobre, onze jours après le début du soulèvement, c'est lui qui révèle le nom que finissent par se donner les rebelles : Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire. C'est au nom du MPCI qu'il négocie avec les médiateurs ouest-africains. Mais il n'est qu'un porte-parole parmi d'autres. Qu'a-t-il en commun avec son alter ego à Korhogo, l'adjudant-chef Massamba Koné, ou avec le caporal Omar Diarrasouba, dit « Zaga-Zaga », les sergents-chefs Iréné Kablan et Souleymane Diomandé, surnommé « la Grenade » ? Il fait partie du premier cercle autour d'« IB », le chef de tous ces sous-officiers déserteurs au sein d'une organisation clandestine, la Cosa nostra. Celle-ci, basée à Ouagadougou, fournit le noyau organisationnel à l'insurrection.
Grâce à un généreux bailleur de fonds, elle a recruté à tour de bras, d'abord dans les pays voisins, ensuite en Côte d'Ivoire. Elle a acheté des uniformes et des pataugas neufs, des armes en grande quantité. Elle a pourvu en numéraire des combattants payant cash, et s'abstenant de piller, pour gagner la bataille des cœurs et des esprits. Leur opération, d'une si grande envergure, a-t-elle pu se monter à l'insu des autorités burkinabés ? Seul « IB », le sergent-chef Ibrahim Coulibaly, est resté à Ouagadougou. Tous ses camarades ont quitté leurs maisons de Somgandé pour faire la guerre en Côte d'Ivoire. Il y a trois semaines, le sergent-chef Fozié occupait encore la villa 1023, au portail blanc. Maintenant, lui et les autres forment l'épine dorsale de la rébellion.
Cependant, les ponts n'ont pas été coupés entre le front et la base arrière : quand un journaliste de l'AFP, Christophe Koffi, soupçonné d'être un espion, a été détenu par la rébellion dans le nord de la Côte d'Ivoire, il a été emmené une nuit dans un convoi, ficelé sur le plateau d'un pick-up, jusqu'à la frontière burkinabé. Là, un homme en civil a traversé la rivière frontalière, la Lerada, sur une petite embarcation, pour s'entretenir, pendant des heures, avec ses compagnons d'armes. Pour Christophe Koffi, ce mystérieux chef rebelle a pris une décision heureuse : le journaliste a été libéré le lendemain. Sollicité par Le Monde, « IB » n'a pas voulu dire si l'on pouvait le remercier pour cette preuve de mansuétude. Peut-être n'avait-il pas envie, surtout, de répondre à la question de savoir s'il se battait pour son propre compte ou pour celui d'un Etat voisin et d'un homme politique ivoirien... »
Messieurs les présidents Hollande et Obama, ainsi parla Le Monde, un quotidien français qui ne peut être soupçonné de sympathie pour le président Laurent Gbagbo et son régime. La vérité historique qui ressort des écrits du quotidien ne fait l’ombre d’aucun doute. Le Burkina Faso (« l’Etat voisin ») de Blaise Compaoré, tête de pont de l’impérialisme français, a servi de base arrière à la rébellion qui a attaqué la Côte d’Ivoire le 19 septembre 2002 pour renverser le régime constitutionnellement établi du président Laurent Gbagbo. L’objectif des rebelles logés, nourris et blanchis dans les villas luxueuses de Somgandé, à Ouagadougou, est de s’emparer du pouvoir d’Etat au profit de d’Alassane Dramane Ouattara, l’« homme politique ivoirien » dont parlent les journalistes français. Il n’est point besoin d’être grand clerc pour le comprendre.
Au moment où paraissait l’article de Stephen Smith, Damien Glez et Vincent Rigoulet, l’appui logistique et opérationnel des gouvernements français de Jacques Chirac et burkinabé de Blaise Compaoré à la rébellion qui semait la mort en Côte d’Ivoire n’était déjà plus qu’un secret de Polichinelle. Messieurs les présidents Hollande et Obama, est-il encore besoin de dire que la crise qui secoue la Côte d’Ivoire n’a pas commencé le 28 novembre 2010 ?
Qu’est-ce que la Cosa nostra ? Quel est l’itinéraire des organisations - Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (Mpci), Mouvement patriotique pour le grand ouest (Mpigo), Mouvement pour la justice et la paix (Mjp), Forces nouvelles (Fn), Forces armées des forces nouvelles (Fafn), etc. - qui en sont issues ? Quelle est, aujourd’hui, l’emprise de la Cosa nostra et de ses démembrements sur la Côte d’Ivoire ? Quelles places occupent leurs hommes dans les hautes sphères de l’Etat ? Et que dire de Luis Moreno Ocampo, le procureur à la fois charlatan et prédateur de la Cpi !
Je suspends ici ma plume, messieurs les présidents. Je reviendrai. Sine die. (A suivre).
Deuxer Céï Angela. L’œil du juste.
Lettre ouverte à Hollande et à Obama (Suite et fin)
Sous Ouattara, la Côte d’Ivoire entre les mains d’une véritable mafia
Messieurs les présidents François Hollande et Barack Obama, j’avais suspendu ma plume sine die. Je la reprends hic et nunc pour dévoiler un autre aspect du sinistre tableau de la crise qui continue de déchirer la Côte d’Ivoire, sous le régime d’Alassane Dramane Ouattara.
Dans la première partie de ma missive, j’ai humblement rappelé deux questions essentielles sur lesquelles l’Histoire a déjà rendu son verdict.
-La rébellion qui attaqué la Côte d’Ivoire pour renverser le régime du président Laurent Gbagbo le 19 septembre 2002 est venue de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, où elle a été logée, nourrie, blanchie, entraînée et équipée. Qu’il me suffise de citer à nouveau un extrait de l’article des journalistes français Stephen Smith, Damien Glez et Vincent Rigoulet qui s’intitule : « Côte d'Ivoire : le visage de la rébellion ». Ils écrivent : « Qui sont ces hommes qui, dans la nuit du 19 septembre, ont fait basculer tout le nord du pays dans le but de prendre le pouvoir ? Ils appartiennent à la Cosa nostra que dirige le sergent-chef « IB », installé à Ouagadougou. » (Le Monde, 11 octobre 2002).
-Les rebelles de la « Cosa nostra » ont bénéficié de l’appui logistique et opérationnel des gouvernements français de Jacques Chirac et burkinabé de Blaise Compaoré. Je verse au dossier une nouvelle pièce tirée d’un article du célèbre journaliste Claude Angeli publié par l’hebdomadaire français Le Canard enchaîné du 30 octobre 2002. Pour étayer la thèse de l’implication de la France dans le pronunciamiento dont la Cosa nostra est l’exécutant, Angeli écrit : « …A plusieurs reprises, et notamment en septembre 2001, à Paris, un proche collaborateur de Compaoré, colonel de son état, accompagnait, lors de ses divers contacts politiques, le fameux « IB » (Ibrahim Coulibaly), l’un des chefs des mutins ivoiriens. L’actuel cessez-le-feu, avec des unités françaises en « force tampon », sanctionne de fait la partition d’un pays instable qui a, depuis plusieurs années, vécu le pire : mutineries à répétition, complots, coups d’Etat, émeutes ethniques, tueries, etc. Puis le meilleur : un président élu normalement (Gbagbo) qui ne truque pas les élections législatives et municipales. Et qui les perd… » (Le Canard enchaîné, 30 octobre 2002).
Messieurs les présidents Hollande et Obama, il convient, à présent, de souligner une autre caractéristique de la rébellion venue de Ouagadougou et sur laquelle les analystes se sont très peu attardés jusqu’à ce jour. Il s’agit de la dénomination « Cosa nostra » tirée de la mafia que la rébellion s’est donnée comme nom de baptême.
La mafia est une organisation criminelle. Avec la Ndrangheta, la Sacra Corona Unita, la Cammora, la Stidda, la Cosa Nostra (Notre chose) fait partie des cinq organisations basées en Italie qui répondent au nom de mafia.
Dans la réalisation de coup de force, les rebelles n’ont assurément pas choisi leur nom de baptême par hasard. Le choix de l’appellation « Cosa nostra » pour désigner « l’organisation clandestine » de son entreprise subversive traduit une identification de la rébellion à ses théories et à ses pratiques. Ainsi, à l’image de la Cosa nostra italienne, le mode opératoire de la rébellion s’est fondé sur la création de réseaux de trafics illicites, l’infiltration et le noyautage des institutions de l’Etat et leur mise sous l’éteignoir.
Sous ce rapport, la théorie et la pratique de la « Cosa nostra » née au Burkina Faso sont devenues un cas d’école. « Le noyau organisationnel » s’est rapidement démultiplié en Côte d’Ivoire, à la manière des poupées gigognes. Ainsi, le Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (Mpci), le Mouvement patriotique ivoirien pour le grand ouest (Mpigo) et le Mouvement pour la justice et la paix (Mjp) ont vu le jour. Pour compléter cette mosaïque de réseaux et de démembrements, il faut y ajouter les « bandes armées informelles, telles que les brigades rouges, les « zinzins » ou les bahéfoué (sorciers)… qui avaient racketté et terrorisé la population» (Le Monde, 11 octobre 2002), la coalition hétéroclite des mercenaires de tout acabit, avec Sam Bokari, le « Pol Pot » du Front révolutionnaire unie (Ruf) de Sierra-Leone, etc.
Dans Le Canard enchaîné, Claude Angeli a fort adroitement dépeint cette coalition. « Moralité : il risque d’y avoir encore de la besogne en Côte d’Ivoire et ailleurs pour la « main-d’œuvre armée ». A savoir ces groupes de mercenaires ou de va-nu-pieds libériens, sierra-léonais, burkinabés, congolais, maliens et « apatrides » qui parcourent l’Afrique à la recherche d’un emploi et de la solde qu’ils méritent », écrit le journaliste français.
En janvier 2003, toute cette mosaïque d’organisations et de réseaux a été rebaptisée Forces nouvelles (Fn) à Linas-Marcoussis, en France, avec la bénédiction du gouvernement français de Jacques Chirac et placée sous la direction de Soro Guillaume.
Les contradictions n’ont pas tardé à éclater au grand jour entre les chefs de la rébellion, ce véritable « corps expéditionnaire multinational ». Félix Doh, le chef du Mpigo a été abattu le 28 avril 2003. Soro Kigbafori Guillaume s’est empressé d’accuser, son allié, le mercenaire sierra-léonais Sam Bockari, et a juré de venger Félix Doh. Le mardi 13 mai 2003, Sam Bockari a été assassiné à l’ouest de la Côte d’Ivoire. Sa mère et sa femme ont subi le même sort. Comme dans la mafia, les règlements de compte ont été innombrables et sanglants au sein de la rébellion.
Les Forces nouvelles issues du « noyau » clandestin de la « Cosa nostra » ont étendu leurs tentacules sur toute la partie de la Côte d’Ivoire qu’elles ont occupée, suivant le tracé divisant le pays en deux publié par Le Patriote, un quotidien à la solde de Ouattara, le 04 décembre 2000. Le territoire occupé par la rébellion a été dépecé et des régions entières placées sous le joug des chefs de guerre - les tristement célèbres comzones (commandants de zones) - des Forces armées des Forces nouvelles (Fafn), la branche armée de la rébellion, selon le dispositif ci-après : Bouaké, Chérif Ousmane ; Séguéla, Ouattara Issiaka alias Wattao ; Korhogo, Fofié Kouakou ; Man, Losseni Fofana alias Loss ; Odienné, Ousmane Coulibaly alias Ben Laden ; Bouna, Ouattara Mourou ; Vavoua, Koné Zackaria, etc. L’autorité de l’Etat a été balayée dans ces territoires qui sont devenues des zones de non droit tenues par la main de fer des réseaux des Fn. A la manière de la mafia.
Messieurs les présidents Hollande et Obama, ce n’est pas tout. Après la capture du président Laurent Gbagbo par l’armée française le 11 avril 2011, la ville d’Abidjan a également été mise en coupe réglée, selon la méthode de la pieuvre - c’est l’autre nom de la mafia. Dans un article publié par l’hebdomadaire Jeune Afrique le 22 juillet 2011, Baudelaire Mieu décrit parfaitement la situation d’Abidjan.
« Les ex-chefs rebelles se sont répartis la capitale ivoirienne comme un butin de guerre. Racket, barrages, règlements de comptes… Autant de techniques éprouvées dans le Nord depuis huit ans. La lune de fiel a succédé très vite – en moins de trois mois – à la lune de miel dans les rapports entre la population et les chefs de guerre de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (Fn), aujourd’hui estampillés Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci). Il ne se passe plus un jour sans que la presse locale ne dénonce les méfaits et exactions commis par ces hommes armés qui règnent en maîtres dans le pays. La population est fatiguée. (…) Profitant de l’affaiblissement des ex-Forces de défense et de sécurité (Fds, pro-Gbagbo), ils ont fait de la capitale économique leur butin de guerre. La ville a été « dépecée » en plusieurs zones autonomes ou encore en groupements dits tactiques. Issiaka Ouattara, alias Wattao, ex-chef d’état-major adjoint des Fn, a mis sous sa coupe les très rentables quartiers sud – où sont situés le Port autonome d’Abidjan (PAA) ainsi que de nombreuses entreprises – et a élu domicile en Zone 4. Chérif Ousmane, alias Papa Guépard, commandant de zone à Bouaké (Centre), a quant à lui, pris le contrôle des communes du Plateau et d’Adjamé. Il s’est d’abord installé à l’état-major des armées, au camp Gallieni, où il dormait sur un lit militaire, avant d’emménager chez l’ancien directeur du port, Marcel Gossio. Cinq autres comzones, Morou Ouattara, Koné Zakaria, Hervé Touré, Ousmane Coulibaly et Gaoussou Koné, se partagent les autres quartiers de la ville. » (Jeune Afrique, 22 juillet 2011).
La gestion du pouvoir d’Etat par Alassane Dramane Ouattara accroit la lisibilité et la traçabilité des liens idéologiques entre son régime et la rébellion du 19 septembre 2002. Elle révèle également les liens organisationnels et idéologiques entre les différentes organisations de la rébellion et le Rassemblement des républicains (Rdr), le parti d’Alassane Dramane Ouattara.
En effet, tous les chefs politiques et militaires issus de la « Cosa nostra » ou tous ceux qui ont adhéré à ses démembrements ont été nommés par Alassane Dramane Ouattara à de très hautes fonctions dans l’appareil d’Etat. Soro Kigbafori Guillaume, chef déclaré des Fn, ex-premier ministre et ministre de la Défense, est le président de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire le deuxième personnage de l’Etat ; Koné Mamadou, président de la Cour suprême ; général Soumaïla Bakayoko, chef de l’aile militaire des Fn, chef d’état-major général des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci), créée par Ouattara le 17 mars 2011 ; Moussa Dosso, chef de la Centrale, la caisse noire des Fn, ministre de l’Industrie ; Koné Tiemoko Meyliet, ex- directeur du cabinet de Soro quand il était Premier ministre, gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao), etc. Les agences de la Bceao avaient été cambriolées et pillées par les rebelles à Bouaké, Korhogo et Man en 2003. La vieille dame (la Bceao) a donc été livrée, pieds et poings liés, à ses violeurs, avec l’accord de tous les chefs d’Etats de la sous-région.
Les insatiables pensionnaires de la « cité pavillonnaire » de Somgandé, à Ouagadougou, haut lieu des préparatifs de la rébellion, n’ont pas été oubliés par Alassane Dramane Ouattara dans le partage du gâteau. Le sergent-chef Tuho Fozié, l’occupant de « la villa 1023, au portail blanc » (Le Monde, 11 octobre 2002), a été nommé commandant et installé à la tête de la Brigade de lutte contre le racket (sic). Koné Zackaria, grand chef de la confrérie des dozos, force supplétive illégale et sanguinaire des Frci, a bénéficié du grade de commandant et a été placé à la tête de la police militaire. Chérif Ousmane et Issiaka Ouattara, tous deux également promus commandants, occupent respectivement les postes clés d’adjoints aux chefs du Groupement de la sécurité présidentielle (Gspr) et de la Garde républicaine (Gr), etc. La liste est longue.
Les réseaux et les trafics en tout genre (diamant -« diamant de sang » -, or, café, cacao, bois, etc.) dénoncés par l’Organisation des nations unies (Onu) dans plusieurs rapports prospèrent. Le système d’impôts parallèles en vigueur au nord, au centre et à l’ouest depuis 2002 a été étendu à toute la Côte d’Ivoire par les barons de la rébellion. Un système qui s’apparente à la mafia tient la Côte d’Ivoire entre ses griffes.
Encore un mot sur l’interpénétration entre les structures du Rdr et des Fn de Soro Guillaume. Lors des élections législatives monocolores de décembre 2011, le parti de Ouattara a jeté le masque et ses liens multiformes avec la rébellion venue de Ouagadougou ont été révélés au grand jour. A ces élections législatives, en effet, les candidats issus de la rébellion se sont tous présentés sous la bannière du Rdr. C’est le cas, entre autres, de Soro Guillaume, Konaté Sidiki, Bamba Affoussiata, ex-directrice du cabinet du secrétaire général des Fn (Soro Guillaume) et porte-parole de la rébellion, etc.
Bamba Affoussiata a été élue députée sur la liste du Rdr à Abobo. Son frère Bamba Yacouba est vice-président et porte-parole de la Commission électorale indépendante (Cei), un instrument au service d’Alassane Dramane Ouattara. Quant à leur père, Bamba Moriféré, une girouette politique d’origine malienne, il vient de créer en mars dernier, le Rassemblement du peuple de Côte d’Ivoire (Rpci) pour s’installer dans le rôle commode et lucratif d’opposant officiel de Ouattara, le gourou de ses enfants.
Ainsi s’enchevêtrent au cœur du régime les réseaux familiaux appartenant au clan des nordistes d’Alassane Dramane Ouattara, chef de l’Etat et ministre de la Défense. Bien entendu, la famille de Ouattara trône au sommet de toute cette construction que Machiavel et la mafia n’auraient pas renié.
Messieurs les présidents Hollande et Obama, sans doute pour les récompenser pour services rendus à la France, Nicolas Sarkozy a ordonné à l’armée française de former les chefs de guerre de son ami Ouattara. Cette décision a suscité des flots d’indignation. Le quotidien français Libération traduit bien ces indignations dans un article de Thomas Ofnung.
« Pour aider l’armée d’un pays ami convalescent à assurer sa sécurité, faut-il accepter de former des hommes soupçonnés de crimes de guerre, passibles un jour de poursuites devant la Cour pénale internationale ? (…) Les anciens chefs de la rébellion - les redoutés «comzones» (commandants de zones) - ont récemment suivi des cours d’état-major sur la base militaire française de Port-Bouët, à Abidjan, dispensés par l’ex-puissance coloniale. (…)Un vrai défi. Car ces hommes sont, pour l’essentiel, des sous-officiers propulsés à la tête de l’armée ivoirienne par le président Ouattara. Après avoir mis en coupe réglée la moitié nord du pays durant près de dix ans, ils l’ont aidé à s’installer au pouvoir au printemps 2011. (…)
Parmi ces drôles d’élèves figure par exemple Martin Kouakou Fofié, un homme soumis aux sanctions des Nations unies pour ses responsabilités dans le massacre de rebelles dissidents en 2004, à Korhogo (Nord). Des dizaines de partisans d’Ibrahim Coulibaly (dit «IB», tué au lendemain de la victoire de Ouattara) étaient morts étouffés dans des conteneurs entreposés en plein soleil. Kouakou Fofié dirige aujourd’hui les forces armées dans cette même région, proche du Burkina Faso et du Mali.
Autre «élève» aux états de service bien peu recommandables : Losseni Fofana. Chef de la région Ouest, il commandait les forces pro-Ouattara à Duékoué, fin mars 2011, quand plusieurs centaines de personnes y ont été massacrées, selon le Comité international de la Croix-Rouge. Mais on pourrait aussi citer le nom de Chérif Ousmane, dans le viseur de la justice internationale pour le «nettoyage» du quartier de Yopougon, à Abidjan, après la chute de Gbagbo. (…) Autant de postes stratégiques qui requièrent, théoriquement, une forte qualification. (…)Lors d’une réunion organisée il y a quelques années, il se souvient d’avoir vu débarquer l’un de ces chefs rebelles, visiblement analphabète, avec «un scribe qui prenait des notes pour lui». (Libération du 29 mai 2012). Ainsi se présente la crème des Frci, l’armée sortie de la manche de Ouattara, alors qu’il n’avait même pas encore été investi par son Conseil constitutionnel.
Depuis sa création de toutes pièces au Burkina Faso, la rébellion et ses commanditaires n’ont jamais abandonné la logique de prise du pouvoir d’Etat par les armes au profit d’Alassane Dramane Ouattara. Au regard de l’histoire de la Côte d’Ivoire de la première décennie du XXIème siècle, il est indéniable que la mascarade électorale savamment exécutée par l’usurpateur Youssouf Bakayoko, président de la Cei, le 28 novembre 2010 avant de se réfugier en France, les bombardements de la résidence présidentielle par l’armée française, la capture du président Laurent Gbagbo le 11 avril 2011 et sa déportation à la prison de la Cpi, à La Haye, le 29 novembre 2011, etc., sont le prolongement et l’achèvement du coup d’Etat commencé le 19 septembre 2002 par la « Cosa nostra ».
Monsieur le président Obama, voilà le résultat du « job » effectué en Côte d’Ivoire. Voilà le système et les hommes que les Etats-unis soutiennent, avec à la baguette, l’ambassadeur Philip Carter III, un vieux copain de Ouattara.
Vous, Monsieur François Hollande, président de la République française, voilà le système que vos prédécesseurs, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, ont installé en Côte d’Ivoire. C’est un monstre. L’armée française le protège, main dans la main avec les chefs de guerre des Frci et les dozos. Avec vous, les peuples africains pourront-ils en finir avec les miasmes nauséabonds et criminogènes de la « françafrique »? Ils espèrent que, pour eux aussi, le changement se sera maintenant. Hic et nunc. Ici et maintenant.
Très respectueusement.
Deuxer Céï Angela. L’œil du juste.