TRIBUNE: Le Paris-Nice du PND
Le 11 décembre 2012 par Correspondance particulière - Dans la presse du week-end, il nous est dit que le grand Ouattara vient d'enchaîner en France une série de consultations, pardon d'audiences. Les
Le 11 décembre 2012 par Correspondance particulière - Dans la presse du week-end, il nous est dit que le grand Ouattara vient d'enchaîner en France une série de consultations, pardon d'audiences. Les
sites Koaci et Abidjandirect nous présentent ainsi un président de la Côte d’Ivoire détendu, en pleine forme, recevant des gens très importants, à l'instar du milliardaire et soudanais Mohamed Ibrahim – « Mo » pour les intimes –. Or le compte-rendu de cette entrevue dans les médias nous ferait plutôt penser à un schéma inversé : le malade Ouattara aurait profité de son passage à Cannes en ce 8 décembre 2012 pour consulter le docteur Mo Ibrahim, peut-être l'un des derniers capables, à l'heure qu'il est, de lui ôter “l’épine du pied” –comme on le dit en France–, “l’os de la gorge”–comme on le dit en Côte d’Ivoire–, , bref : le soulager, lui rendre le sommeil, et enfin l’aider à fabriquer une météo favorable, qui à défaut d’averses, la bonne saison étant passée, provoquera la chute de quelques gouttes de ces milliards tant attendus
Dame Ouattara, en costume noir, presque sobre, très classique, et l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en France ont assisté à l’entrevue, probablement pour encourager Ouattara dans son rôle de quémandeur : en effet, quel médecin recevrait, pour une consultation confidentielle, un patient accompagné de son épouse frivole et de l'un de ses compères de la première heure, venus pour encourager le malade ? Curieux tête à tête donc.
Le “Prix Ibrahim” – du nom de son initiateur Mo Ibrahim –, créé en 2007 pour distinguer les “leaderships d’excellence” en Afrique, est décerné, nous dit-on, à un ancien Chef d’État ou de gouvernement ayant, par son action, transformé son pays et la vie de ses citoyens au cours de son mandat. D’emblée, cette définition évoque en nous la personne du président Gbagbo dont la “Communauté internationale” a fauché l’élan à coup de bombes, avant de l’envoyer croupir voici plus d'un an dans sa “Cayenne” du Nord. Ouattara envisagerait-il de réclamer cette prestigieuse distinction pour son talentueux prédécesseur ? Serait-ce cela, le spectaculaire cadeau de Noël de la réconciliation qu’on nous promet depuis plusieurs semaines ? Le “Banco” nous apprend même que Jean-Marc Simon, ancien ambassadeur barbouze, aujourd’hui à la retraite, aurait été mis à contribution via son cabinet Eurafrique-Stratégie, pour trouver le moyen d'arracher LG aux griffes de la CPI. Si tel est le cas, quel beau geste, quelle abnégation hors du commun ! Mais non ! le poulain de la France n’a jamais voulu l’emprisonnement de son prédécesseur ! il a été entraîné malgré lui dans cette course vers l’abîme...
Oui, la cuvée du « Ouattara nouveau » est arrivée, à déguster rapidement, et nous invitons tous les ivoiriens en cette fin d’année à se lever pour l'acclamer, et porter un toast à la santé de ce grand démocrate africain de renommée internationale, qui aura su apporter à “son” peuple, outre l'abondance et la croissance – à deux chiffres bientôt ! –, la guérison des cœurs meurtris par dix années de guerre…
Alors qu’il semble très à l’aise lors de ce énième séjour en France, est-il sûr de pouvoir dissimuler sa banqueroute derrière son nouveau style décontracté, inauguré il y a peu de temps, à l'instigation sans doute d'une toute nouvelle équipe de relooking et de coach ? Il affiche en effet la même souriante décontraction dans le beau monde que lors de ses bains de foule pendant sa tournée dans le Zanzan, arborant avec autant de bonheur ses tenues bariolées d’homme du peuple chez lui, et ses costumes impeccables de star people, dans le cadre d’interviews très “cool” avec l’élite déclinante du journalisme français. Tout va pour le mieux pour ce maître de la communication : ses monumentales campagnes de Pub portent leurs fruits. A Abidjan, experts comptables et ambassadeurs étrangers ont été embrigadés pour astiquer les rayons de cette Côte d’Ivoire éclatante! A Paris, ce sont les ambassadeurs africains en poste en France qui ont été recrutés pour homologuer le brevet de cette nouvelle Côte d’Ivoire- Pays de Cocagne !
A Paris, puis à Cannes, Ouattara est allé jusqu'à louer des salles de spectacle pour récolter les étrennes de Noël, conviant à son show tous les gentils investisseurs aux dents longues des secteurs public et privé. Ces mécènes sont sollicités pour administrer à sa chère Côte d’Ivoire au travail les derniers lavements et saignées, qui, tels ceux d’un sur-compétent docteur Diafoirus, ne manqueront pas de la remettre rapidement sur pieds, s'ils ne la plongent pas dans le coma ! Rien de tel que la magie des spectacles de lumières, la féerie des cieux irradiés par la lueur de bombardements pyrotechniques pour faire oublier au peuple ivoirien ceux de mars-avril 2011, et la disparition de tous les jeunes patriotes qui se sont offert en boucliers humains pour sauver leur “Dictateur” bien aimé ! Ouattara, lui aura bien mérité le repos de son douillet petit Nice…
A coup sûr, notre Illusionniste, nouveau Magellan des mers d'en haut, va encore nous ensorceler par ses discours à l’étranger et ses actes concrets en terre ivoirienne: les étincelles de lumière, pareilles à des louis d’or virtuels tomberont bientôt en cascades pour inonder les ivoiriens ébahis des prouesses de leur Chef! N’a-t-il pas répété à Cannes, lors de la « World Policy Conference 2012 », qu’« il est nécessaire de renforcer la gouvernance mondiale, qui doit non seulement refléter la réalité du nouveau monde qui se dessine mais aussi répondre aux aspirations des peuples ». Et nous le savons tous, le peuple ivoirien, comme un seul homme, fait chorus avec son “père”, reprenant avec lui le crédo du Nouvel ordre mondial : «que ton règne vienne! , ô profit ! »; le peuple ivoirien, comme un seul homme, confesse avec son “chef” la gracieuse efficience de l’option militaire dans le dénouement la crise postélectorale : oui, les armes et les bombes ont parlé vrai, il n’y a pas eu besoin de recompter les voix lors du deuxième tour des élections. De plus, un miracle a eu lieu, connu des seuls initiés et connaisseurs : depuis le 11 avril 2011, personne n'est mort, qui n'ait été “rassasié de jours”; pas un égorgé, pas un torturé, pas un violé. A propos de cette Côte d’Ivoire, miraculée, l’AFP ne continue-t-elle pas de nous abreuver de communiqués rituellement accompagné du couplet sur les “3000 victimes” ? Victimes symboliques : qu’est ce que 3 mille morts au regard de la démocratie en marche, des libertés retrouvées, du travail à la pelle, d'un système de santé et d'une couverture sociale exemplaires, de l’abnégation des ministres, source inépuisable d'inspiration pour la jeunesse montante ?
Oui, le peuple comme un seul homme se lève devant son président et dit en cœur : Merci, Prési, pour les bienfaits d’un PND gagnant : Père Noël Delayed !
Mais revenons sur terre. Heureusement pour nous, 2012 se termine; il faudra bientôt dresser le bilan de l’année écoulée, les 8,6% de croissance garantis pour les 12 mois de prospérité qui s'achèvent ne vont pas éclore en l'espace d'une quinzaine de jours ouvrables ; la partie de cache-cache est sur le point de se terminer, l’économiste n’aura pas besoin de termes savants sortis de son "panama" de 3è cycle pour expliquer que la Côte d’Ivoire est mal barrée si le peuple ne l’aide pas à rendre son tablier !
Shlomit Abe, 10 décembre 2012