Tribune: L'Affaire Cahuzac vue de la Côte d'Ivoire et du Sénégal
Par Correspondance particulière - L'Affaire Cahuzac vue de la Côte d'Ivoire et du Sénégal.
L'affaire Cahuzac ébranle le milieu politique français et lève, paradoxalement,
le voile sur la politique de Sarkosy en France et en Afrique. La première question qui
nous vient, en effet, à l'esprit est de savoir si le président Hollande s'est montré naïf,
quant au choix de ses ministres. Sa réponse et celle de son ministre Valls sont assez
explicites, et confirment surtout leur ligne politique, quant au respect de la séparation
des pouvoirs, contrairement à Sarkosy, trahi par les propos du ministre Guéant qui
affirme que sous son mandat présidentiel, ce principe républicain n'a pas été observé,
puisque Sarkosy contrôlait tout. La magistrature, la police, le parlement, la presse ne
sont véritablement libres et indépendants que s'ils ne subissent aucune pression de
l'exécutif. L'affaire Cahuzac met plutôt en évidence la fragilité, et le caractère partial
de l'appareil de l'État français qui, au cours des années, s'est habitué aux mauvaises
pratiques des hommes politiques de la droite, en provenance de leurs colonies
africaines, avec des mallettes non déclarées au fisc français. La droite, restée
longtemps au pouvoir a, de manière délibérée, fermé toujours l'oeil sur
l'enrichissement illicite de personnalités politiques françaises, amis des présidents
africains qu'ils ont toujours maintenu au pouvoir, de gré ou de force. Sarkosy, censé
savoir tout, était, par exemple, informé, durant son mandat, de la fortune colossale du
fils de son ami Wade, le président sortant du Sénégal. Il n'entreprit rien pour mettre
fin à cette injustice dont était victime le peuple sénégalais, parce que dans ces nations
africaines gérées encore comme des colonies françaises, tout président installé par la
droite peut même s'accorder la liberté de violer les droits de l'homme, sans être
inquiétés par les Institutions internationales, tant qu'ils enrichissent leur protecteur et
concèdent d'importants marchés à leurs multinationales. Les réflexes coloniaux à
l'origine de la politique africaine de la France sont devenus aujourd'hui, pour cette
grande nation, des germes de sa propre corruption. Le président Sarkosy refuse, par
exemple, de recompter les voies en Côte d'Ivoire pour résoudre un contentieux
électoral, l'UMP de Copé adopte la même attitude face à Fillon. En France: le juge
Gentil, pour avoir mis en examen le président Sarkosy est menacé de mort par des
individus, vilipendés par des membres influents de l'UMP. De telles attitudes
installent un climat de terreur, et empêchent les hautes autorités de l'appareil de l'État
français, et les magistrats africains, d'agir en toute liberté et impartialité. Pour avoir
invité les riches français à aider leur nation à sortir de la crise, à vivre la fraternité, en
payant des taxes un peu élevées, Hollande est combattu par bon nombre de ces
bourgeois devenus des fugitifs, et Sarkosy, en visite en Belgique, parlait, de manière
cynique, de la "pluie" qui tombe sur la France qu'il dit aimer, parce qu'il sera
certainement ce soleil dont les rayons resplendiront sur cette nation, après la tempête.
Rendre leur pays ingouvernable afin que le peuple les accueille comme des sauveurs
semble être la philosophie politique de Sarkosy et de son protégé Alassane Ouattara.
Pour ce faire, ils font de leurs adversaires politiques des fruits pourris, afin qu'ils
tombent seuls. Ce constat amer nous amène à nous poser la question suivante:
"Cahuzac serait-il un germe (ou une taupe) conscient ou inconscient chargé de faire
du président Hollande et du PS des fruits pourris"; terme utilisé par Alassane Ouattara
à l'Hôtel du Golf, quand il parlait de la chute évidente du président Laurent Gbagbo.
Cette question mérite d'être posée, lorsque nous découvrons que les personnes qui ont
aidé Cahuzac à ouvrir son compte bancaire à l'étranger sont des adversaires politiques
du PS. Un jour ou l'autre ce compte aurait été découvert. Ce scandale est justement
ébruité à un moment où la France bat de l'aile, pour pousser le gouvernement à la
démission. Si Cahuzac s'obstine à siéger au Parlement, tout porte à croire qu'il n'a
aucun remords, et pourrait légitimement être suspecté d'être une taupe chargée de
fragiliser le gouvernement du président Hollande. Qui a en effet intérêt à pousser à la
démission le gouvernement de Hollande? Ce sont tous les hommes politiques qui ont
beaucoup à perdre, si Hollande enclenche véritablement le processus qui doit aboutir
à une véritable moralisation de la vie politique française (et africaine); il s'agit de tous
ceux qui ont des comptes fictifs dans les paradis fiscaux. Ces personnes sont aussi
celles qui refusent que soient jetées les bases d'une véritable démocratie en Côte
d'Ivoire, selon le voeu du président Laurent Gbagbo, puisque l'indépendance,
l'autonomie des institutions, la moralisation de la vie politique s'opposent à tout
enrichissement illicite, à toute évasion fiscale, dont ne peuvent, malheureusement, se
passer les hommes politiques de la droite française en Afrique. Malgré un dossier
d'accusation assez léger du ministère public ivoirien contre le président Laurent
Gbagbo, la CPI refuse, paradoxalement, de le libérer, de mettre en fait la Loi au
service de l'homme, de l'unité de la nation ivoirienne. Elle préfère que l'homme soit
un sujet de la Loi, pis la Loi (la justice) devient une autre forme d'aliénation des
peuples africains. L'affaire Cahuzac démontre que la politique africaine de la France
contient les germes de sa propre destruction. Que l'UMP qui pratique encore en
Afrique, précisément en Côte d'Ivoire, une politique coloniale, cesse donc d'acculer le
PS de Hollande qui exprime au moins sa volonté politique de nettoyer au moyen de la
pluie bénéfique, féconde, le milieu politique français corrompu, afin que cette nation
ne soit pas une nation à deux vitesses: la France des riches qui peuvent tout se
permettre parce qu'au-dessus de la Loi, et celle des pauvres.
Les magistrats se doivent de garantir l'égalité de tous les citoyens devant la loi:
riches comme pauvres, présidents comme domestiques, invités, par exemple, dans
l'affaire Bettencourt à s'expliquer, afin de protéger les plus faibles (Mme
Bettencourt). L'affaire Cahuzac, le chômage, la crise économique doivent être perçus
comme une pluie bénéfique et non dévastatrice pour le peuple français et pour les
africains, comme l'a relevé le président Hollande qui répondait indirectement à
Sarkosy dont la perception de la "pluie" qui s'abat sur la France semblerait négative.
La France de l'égalité, de la fraternité, et de la liberté ne sortira véritablement de la
crise économique, politique et sociale, lorsque ces valeurs républicaines seront
respectées, et les fortunes des riches dans les paradis fiscaux seront rapatriées. Nos
voeux accompagnent la politique courageuse du président Hollande, car en Côte
d'Ivoire nous avons aussi besoin d'une véritable démocratie, de l'indépendance, de
l'autonomie de nos institutions républicaines.
Une contribution par Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)