Tribune: La sarabande du pardon. Pamphlet estival, pour servir qui de droit. Par Alain Cappeau, Conseiller Spécial du Président Laurent Gbagbo

Par correspondance particulière - La sarabande du pardon, Par Alain Cappeau.

La petite musique de nuit que nous servent d’une manière séquentielle des détenteurs officieux du pouvoir totalitaire en Côte d’Ivoire, qui est de claironner l’appel à demander pardon pour tout et pour rien, pour la poule stérile comme pour le bélier en rut, sonne comme un aveu d’incompétence à gouverner, même dans le non droit et l’arbitraire, un pays plongé dans les miasmes du terrorisme des mots et des actes.
Pardon par-ci, pardon par-là, on n’en fini jamais de se provoquer ou de se rabibocher avec des demandes de pardon qui ne sont que des demandes en remariage qui se terminent inévitablement par des confrontations en disgrâce. Mais le pardon n’oublie pas plus qu’il ne condamne le passé.
Le grand pardon n’existe pas, il est une vue de l’esprit, un mécanisme de la sémantique pour distraire les indigents et retourner une situation en sa faveur, il est le vice du démagogue en canotier qui a perdu toute notion de discernement, car demander de demander pardon pour des faits imaginaires, c’est jeter des pierres à l’arbre chargé de fruits.
Il apparait naturel pour tout individu de raison de ne pas demander pardon pour quelque chose qu’il n’a pas commis, « l’âme supérieure –disait Chateaubriand dans ses mémoires d’outre-tombe- n’est pas celle qui pardonne, c’est celle qui n’a pas besoin de pardon ». Pardonnez ! Vous les dévots proches de vos lieux de culte et loin de votre Dieu, pardonnez ce que vous pensez être des méfaits et qui ne sont en réalité que des faits de sociétés dont vous êtes aux origines, car il est dit que le pardon est la forme la plus raffinées de la vengeance, alors vengez-vous dans ce sens ! Vengez-vous dans la magnanimité plus que dans l’invitation à l’offense, vengez-vous dans l’acte de contrition plutôt que dans la honte ! Vengez-vous en levant les écrous des miséreux qui n’ont eu d’autre honte que d’aduler celui dont l’Afrique baisera demain les pieds, vengez-vous de ceux-là qui n’ont pas à échanger, en demandant un pardon chimérique, leur honneur contre les honneurs qui les mettent aux fers. Le pardon n’efface rien, il ne supprime rien, il stocke de l’amertume, il ne fait que mettre sous l’étouffoir les haines et les rancoeurs qui ressortiront plus vivaces lors d’un changement de raison. Car il n’est point de pardon que le temps ne récuse parce que demain est un autre jour.
Un chef d’Etat demande le pardon, un homme d’Etat pardonne, un psychopathe ordonne et exige, mais qui est donc qui dans notre vaudeville ! Etre chef d’Etat est à la portée de tous, être un homme d’Etat relève de l’impossible horizon de celui qui aboie à la lune en essayant de faire d’une buse un épervier. Nous avons enfin compris qu’obliger les ingrats c’était acheter la haine, or la haine étant la douloureuse colère des faibles, nous ne voulons pas vous obliger au pardon qui vous est contre nature. Si l’on méprise ceux qu’on aime et qu’on admire secrètement, à l’évidence nous ne vous méprisons pas !
Le pardon est une idée abstraite que seuls les utopistes réclament, il est l’instinct de défense des faibles qui construisent artificiellement leur pouvoir sur les autres, cependant, il est une forme de repentance, on pourrait dire de purification de l’âme dont on trouve trace dans les livres saints. Ainsi le verset 7 de la sourate 40 du Coran, intitulée GAFIR (le Pardonneur) stipule « Seigneur ! Tu étends sur toute chose Ta miséricorde et Ta science. Pardonne donc à ceux qui se repentent et suivent Ton chemin et protèges-les du châtiment de l’enfer ». Certes la repentance, dont seuls les mortels peuvent encore se saisir, relève d’une forme de masochisme, d’une tristesse constructive, « que nos fautes nous causent » disait Bossuet, alors ! Messieurs saisissez-vous prestement de ce dont la nature vous offre avant qu’il ne soit trop tard, avant que le pardon ne vous soit refusé pour l’éternité !
Voyez-vous messieurs le pardon se conjugue comme l’on veut, suivant son humeur, son niveau de piété ou de dévoiement, c’est selon ! Suivant son coefficient d’altruisme ! Déjà Soro, qui a momentanément disparu des écrans radars ne disait-il pas, en son temps lors d’une session parlementaire que : « la réconciliation (devait) se fonder sur le pardon, sur l’humilité, la repentance et l’acceptation des uns et des autres. Reconnaitre une faute (n’était) pas un aveu de faiblesse et demander pardon (était) plutôt une qualité » (sic). A l’évidence il aura été frappé à cette époque par une grâce divine qui aura tôt fait de le répudier. A chacun sa ritournelle, à chacun sa sarabande et les oies seront bien gardées. Ce leitmotiv maladif qui revient d’une manière chronique dans la bouche des saltimbanques de la machette n’est qu’un chant des sirènes qu’il conviendrait de revisiter de temps à autre afin de ne pas trop paraître stupide et sans étoffe, mais… ça c’est une autre histoire !
En politique le pardon libère du pouvoir de la peur, pour se défaire d’un traumatisme passé, c’est donc à dessein que Messieurs Ouattara et Soro, l’un de son fief steppique l’autre, à l’affût, de son poste d’observation implorent dans une rhétorique complexe du pardon, la mansuétude de celui qui de derrière ses barreaux les toise d’une patiente sagesse. Absit reverentia vero, ne craignons pas de dire la vérité.

Par Alain Cappeau, Conseiller Spécial du Président Laurent Gbagbo