TRIBUNE: LA CÔTE D'IVOIRE ET LE MALI MENACÉS PAR UN RAPPORT D'EXPERTS INDÉPENDANTS

Le 09 octobre 2012 par Correspondance particulière - Les pro-Gbagbo sont accusés de vouloir déstabiliser la Côte d'Ivoire avec l'aide

Le Président et le Premier ministre maliens Dionconda Traoré et Cheick Modibo Diarra.

Le 09 octobre 2012 par Correspondance particulière - Les pro-Gbagbo sont accusés de vouloir déstabiliser la Côte d'Ivoire avec l'aide

du capitaine Sanogo, chef de la junte militaire malienne et du mouvement AN
SARDINE qui est favorable à l'application de la charia au Nord du Mali. La charia a
été toujours dénoncée par les démocraties occidentales parce qu'elle est favorable à
l'éclosion d'extrémistes religieux. Sylvie Van der, porte-parole des Nations-Unies en
Côte d'Ivoire, lève certaines équivoques relatives à ce rapport, sans le rejeter
véritablement du revers de la main. Elle précise: «Le Conseil de Sécurité et même
l'ONU font appel à des experts indépendants pour leur soumettre des analyses, des
enquêtes ou des rapports sur différents sujets, mais les conclusions n'engagent que les
experts. Cela veut dire que le Conseil de Sécurité ne va pas nécessairement suivre les
conditions de ces experts». Les conclusions de ce rapport semblent impartiales
puisque le gouvernement d'Alassane Ouattara (soutenu par la Communauté
Internationale) est aussi accusé de violer l'embargo sur les armes. Tous ces discours
hermétiques ne lèvent cependant pas le voile sur l'identité des personnes qui ont
diligenté une telle enquête. Ils s'inscrivent plutôt dans la logique de la politique
perçue comme l'art de conserver l'autorité des maîtres sur leurs sujets, de la France
sur les africains, dans une situation ouverte à tous les retournements, à tous les
changements. La politique selon Helmut Plessner se définit, de manière très
machiavélienne, comme «l'art de l'instant favorable, de l'occasion propice». A un
moment où le gouvernement ivoirien est fragilisé par une insécurité croissante, un
rapport, sorti de nulle part, est introduit à l'ONU pour endiguer aussi bien le
mécontentement des populations ivoiriennes qui n'adhèrent pas à cette politique
fondée sur le rattrapage ethnique, que le refus du capitaine Sanogo de voir le Mali
envahi par des armées étrangères. Ce rapport, si nous l'analysons de plus près, devrait
être la dernière pierre qui manque à l'édifice fédéral construit par la droite française
en Afrique francophone. Au-delà de l'incrimination des pro-Gbagbo et de la junte
militaire malienne, les résultats des enquêtes menées par ces experts inscrivent la
Côte d'Ivoire et le Mali sur la liste rouge de l'ONU. Durant la guerre froide, était
éliminé tout leader politique africain taxé de communiste puisque le bloc occidental
était opposé au bloc communiste. C'est dans un tel contexte que fut assassiné Patrice
Lumumba. Aujourd'hui le bloc occidental et le bloc communiste ont pour ennemi
commun les terroristes, et les intégristes religieux, musulmans, en particulier. Établir
un lien entre les pro-Gbagbo, la junte militaire, des africains favorables à la
souveraineté de leur pays, et l'intégrisme religieux, c'est créer, dans un premier temps,
les conditions favorables à la mise sous tutelle de ces deux pays, dans le but de lutter
contre le terrorisme. Au chapitre XII de la Charte des Nations Unies intitulé:
«Régime internationale de tutelle», différents articles stipulent les conditions de la
mise sous tutelle des pays. Dans l'article 77, il est indirectement rappelé que nos pays
africains sont des territoires qui peuvent être mis sous tutelle par les États
responsables de leur administration. L'article 55 de la Constitution française concède
en effet à la France le droit d'administrer la Côte d'Ivoire et le Mali conformément
aux accords secrets signés avec les Chefs d'États de ces pays respectifs. L'insécurité
grandissante dans des zones considérées stratégiques par l'ONU, comme le Sahel,
peuvent enclencher le processus de la mise sous tutelle de ces pays que ce rapport
d'experts ne fait qu'introduire. Le Mali et la Côte d'Ivoire sont en fait deux pays dont
les armées sont fragilisées par des conflits internes. Nous rencontrons en Côte
d'Ivoire des préfets militaires illettrés, toutes ces nominations qui ont reçu
certainement l'aval des véritables adversaires de notre pays ont pour but de démontrer
l'incompétence des armées ivoiriennes, maliennes et la nécessité d'envoi des troupes
de l'ONU soutenir l'armée de la CEDEAO dans le cadre de la lutte contre l'insécurité.
Si la colonisation a été possible grâce aux missionnaires, aux marchands et aux
militaires, nous assistons aujourd'hui en Afrique à une présence passive des
missionnaires africains qui contraste avec un activisme débordant des marchands
français devenus les grandes multinationales, protégées par leurs soldats qui agissent
sous le couvert de l'ONU, dans le but de restaurer les deux grandes fédérations de
l'AEF (Afrique Équatoriale française) et de l'AOF (L'Afrique Occidentale française).
Ce ne sont plus les États mais plutôt les multinationales (les ex-marchands) qui
détiennent, dans ce monde global, le pouvoir de décision, et font pression sur les
gouvernants. Le président Hollande ne semble pas échapper à cette règle. Si le
rapport des experts indépendants n'a pas été diligenté par l'État français, il a été
certainement financé par des multinationales proches de la droite française qui
continuent de gouverner la Côte d'Ivoire, au grand dam de tous, au nom de leurs
investissements dans ce pays. Le rôle de l'homme politique (de la vertu) dit Nicolas
Machiavel est de prévoir les catastrophes, de les prévenir. Pour nous amener à
comprendre que ce rapport des experts n'est que l'application concrète de cette théorie
politique qui consiste à anticiper les événements à venir, suivons attentivement les
différentes étapes de la crise ivoirienne. Après la partition de la Côte d'Ivoire, la
droite française créa les conditions d'une guerre civile que Laurent Gbagbo et ses
partisans surent éviter à notre pays jusqu'au bombardement de sa résidence par
l'armée française, et à son emprisonnement à la Haye. La droite française ne renonça
pas, pour autant, à l'idée d'une guerre civile. Pour inciter des africains à faire à leur
place le sale travail: le génocide planifié des ivoiriens des zones riches, ils
introduisirent, à dessein, après l'emprisonnement de Laurent Gbagbo, d'autres
ingrédients favorables à une guerre fratricide dont la philosophie politique du
rattrapage ethnique, et les tueries massives à l'ouest de la Côte d'Ivoire. Ils espéraient
ainsi assister à un soulèvement populaire face à une armée prête à faire la razzia et
nous amener à tout reconstruire. Après cette étape, l'armée du nord d'Alassane
Ouattara se serait installée. Mais après tous les crimes de guerre commis par ces
derniers, il fallait songer à ce marketing politique destiné à donner à leur leader une
image plus candide. La seule manière pour y arriver consistait à se débarrasser de ses
chefs de guerre. Un rapport de l'ONU semblable à celui de ces experts aurait été alors
déposé sur la table des grands de ce monde pour statuer sur leur sort. Ce qui aurait
justifié l'invasion de la Côte d'Ivoire par des armées étrangères et sa mise sous tutelle
dans le simple but de créer la République Fédérale française selon les termes
employés par l'homme d'État, poète et académicien Senghor. Bien avant ce rapport
qui incrimine aujourd'hui les pro-Gbagbo, il avait été en effet annoncé dans le journal
Africa Mining que deux agents de la CIA avaient été envoyés en Côte d'Ivoire dans le
cadre d'une enquête sur le commerce des diamants extraits dans les sites de
Diarabala, Séguéla, Tortiya et Bobi. Wattao et Touré Hervé dit « Vetcho » étaient
soupçonnés de financer le réseau terrroriste Alqaeda (AQMI). Prévoir les
catastrophes et les anticiper, c'est préparer et introduire au moment opportun un
rapport d'experts à double tranchant susceptible de neutraliser aussi bien les partisans
d'Alassane Ouattara que les pro-Gbagbo. Peu importe la logique, la véracité d'un tel
rapport puisque le mensonge est légitime en politique, elle est une vertu pour les
disciples de Machiavel. Il revient aux mandingues de comprendre que l'esprit de
Modibo Kéïta habite aujourd'hui un ivoirien Laurent Gbagbo et non un fils du
mandingue en qui ils ont mis leur espérance. Soyons lucides, et inspirons-nous des
conséquences de cette politique française fondée sur le mensonge légitime qui
n'accorde du crédit qu'aux partenaires qui renient leur propre identité culturelle, et
bradent les intérêts de leur pays pour la seule gloire de la France. L'Almamy Samory
Touré, Modibo Kéïta furent abandonnés, trahis par les français parce qu'ils refusaient
de penser français. Cessons d'être des éternelles dupes. Le rapport des experts
introduits à l'ONU n'est qu'une épée de Damoclès qui peut se tourner aussi bien
contre les pro-Gbagbo, les pro-Sanogo (au Mali) que les partisans actuels d'Alassane
Ouattara puisque l'intérêt suprême est pour la droite française; la Fédération française
et non celle du Mali.

Une contribution d'Isaac Pierre BANGORET
(Écrivain)