Transfert de Gbagbo à la Cpi: Comme un deuil national
Le 01 novembre 2011 par Notre voie - A l’annonce du transfert du président Laurent Gbagbo à la Cour Pénale Internationale (CPI), les populations de Yopougon, Bingerville,
Le 01 novembre 2011 par Notre voie - A l’annonce du transfert du président Laurent Gbagbo à la Cour Pénale Internationale (CPI), les populations de Yopougon, Bingerville,
Koumassi, Port-Bouet et de l’intérieur du pays, étaient désemparées et les rues étaient presque vides. Un silence plat régnait dans la plus grande commune d’Abidjan.
Mardi 29 novembre 2011. Les habitants de Yopougon, comme d’ordinaire, vaquaient tranquillement à leurs occupations. Tous les journaux ayant donné l’information relative à l’audition du président Laurent Gbagbo la veille, personne ne songeait à son transfèrement à la Cour Pénale Internationale (CPI) ce même jour. Même si une rumeur persistante relayée par Notre Voie le donnait partant au plus tard mercredi pour la CPI. A partir de 17h 30 mn, ‘’France 24’’, une chaîne de télévision française, annonce sur sa bande roulante, le mandat international contre le président Gbagbo renversé le 11 avril dernier. La nouvelle se répand comme une traînée de poudre dans la plus grande commune de Côte d’Ivoire. Certains commerçants arrêtent de vendre et se rendent devant le petit écran pour s’assurer de la véracité de la nouvelle. A 18h50 mn, dans les bars et maquis, certains clients demandent au gérant d’arrêter la musique pour mettre la télévision en marche afin de s’assurer de l’arrestation de leur leader. Dans le quartier Selmer et précisément à quelques encablures de la mairie, une dame qui répond au nom de F. L. Félicité fond en larme. «Les hommes sont méchants. Qu’est-ce que Gbagbo a fait pour mériter ce sort ? Les gens sont ingrats. Par exemple, quand Bédié avait lancé un mandat d’arrêt international contre Ouattara, il s’était exilé en France. C’est Gbagbo qui, dès qu’il a accédé au pouvoir, a permis qu’il rentre au pays. Aujourd’hui, grâce à la France, il est parvenu au pouvoir et pour remercier le président Gbagbo, il le transfère à la CPI. Dieu seul est notre témoin. A lui le jugement dernier. Je sais que Gbagbo n’a rien fait. Il est victime de l’injustice de la communauté internationale», se lamente-t-elle. A partir de 21 h, certaines rues qui grouillaient d’habitude de monde, ne sont plus fréquentées. «Depuis qu’ils ont annoncé que Gbagbo est arrêté par les Blancs, tout le monde est rentré chez lui. Certains sont fâchés. D’autres craignent des affrontements entre les partisans d’ADO et ceux de Gbagbo. Ils ont alors préféré rentrer chez eux», explique un boutiquier à Niangon sud à gauche. A Niangon nord, une vendeuse de Placali ne tient plus sur ses jambes. ‘’Maman Gbagbo’’ ainsi qu’on l’appelle affectueusement dans le quartier, tremble de tout son corps. Pour elle, «c’est pour tuer Gbagbo que les Blancs l’ont arrêté». Elle renonce à la vente de sa marchandise cette nuit-là et décide d’aller veiller à l’église pour confier le sort de Gbagbo à Dieu. «Les Blancs ne font rien au hasard. Comme ils savent que c’est Gbagbo qui a gagné les élections et que sa présence en Côte d’Ivoire est gênante, il faut alors l’éliminer. Ces Blancs peuvent le tuer et mettre cela au compte d’une quelconque maladie. Puisque personne n’est avec eux là-bas, les enquêtes qu’ils mèneront eux-mêmes, n’auront jamais de résultat. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de confier notre frère Gbagbo à Dieu», propose-t-elle. Le mercredi 30 novembre, dans un kiosque à café, le gérant n’a pas caché sa stupéfaction de voir que les boutiques aient mis la clé sous le paillasson plutôt que prévu la veille. «Hier, aux environs de 21h 30 mn, lorsque je suis allé acheter des boîtes de lait, j’ai constaté que presque toutes les boutiques avaient fermé leurs portes. C’est ce matin (hier : ndlr) qu’un ami m’a annoncé que c’est parce qu’ils ont arrêté Gbagbo. En tout cas, quand j’ai fait ce constat, par mesure de prudence, j’ai aussi fermé mon kiosque», révèle-t-il. Quoi qu’on puisse dire, c’est que Yopougon pleure l’arrestation de son leader charismatique.
Mais comme il fallait s’y attendre, Yopougon n’est pas le seul quartier qui ait pleuré à l’annonce du transfèrement de Laurent Gbagbo. Selon nos correspondants à l’intérieur du pays, c’est la consternation partout. Pour éviter des représailles de la part de la milice (dozos) de Ouattara, de nombreux habitants ont choisi de rentrer chez eux précipitamment, de s’enfermer dans leurs maisons avant de pleurer. Si à Bingerville, à Port-Bouet, à Koumassi etc. des femmes qui venaient d’apprendre la nouvelle le matin devant les kiosques à journaux, ce n’est pas le cas partout. On a vu de petits groupes d’hommes et de femmes formés ici et là, les visages fermés, discutant du sujet Gbagbo. La situation est grave. Il ne faut pas s’exposer. Il faut faire dans la discrétion.
Mais le constat est clair que hier, lendemain du transfèrement du président Gbagbo, Abidjan était triste, trop triste. Des Ivoiriens qui ne sont pas forcément des partisans de Laurent Gbagbo sont consternés et profondément déçus par l’attitude des autorités ivoiriennes qui ont vendu le président Gbagbo à la CPI. Ils espéraient qu’à la dernière minute, elles feraient comme les nouvelles autorités libyennes qui se sont opposées au transfèrement d’un fils du pays à la CPI, celui du guide libyen Mouammar Kadhafi. Des femmes ont voulu se donner la mort. Des hommes ont été sauvés in extrémis d’un suicide. On aurait dit que la Côte d’Ivoire vivait hier, un deuil national. C’est sans doute la preuve tangible que Laurent Gbagbo et son peuple c’est comme l’arbre et l’écorce. Attention donc à vos doigts !
Une correspondance d’Emile Kian et Zabril Koukougnon