Tentative d’assassinat d’exilés ivoiriens: Le Ghana accuse le régime Ouattara
Par Le Nouveau Courrier - Le Ghana accuse le régime Ouattara tentative d’assassinat d’exilés ivoiriens.
Photo: Jusqu’à quand John Dramani Mahama gardera-t-il son flegme face aux intrusions des « barbouzes » ouattaristes dans son pays ?
Un rapport de l’ONU sur le Liberia parle incidemment de la Côte d’Ivoire. Et nous apprend que, selon les autorités ghanéennes, le régime Ouattara a plusieurs fois tenté de tuer ou d’enlever des exilés pro-Gbagbo. Par ailleurs, les hommes du pouvoir d’Abidjan ont pénétré illégalement le territoire libérien, et financent des hommes considérés comme des « mercenaires libériens ». Inquiétant.
C’est une véritable bombe qui vient d’être dégoupillée par les experts onusiens en charge de la surveillance de l’embargo sur les armes non pas en Côte d’Ivoire, mais au Liberia. Dans leur dernier rapport, daté du 25 novembre dernier, et que Le Nouveau Courrier a pu lire, ils disent très clairement que, si l’on s’en tient à des informations apportées par les autorités d’Accra, le régime Ouattara a envoyé des agents de ses «services spéciaux» au Ghana dans l’objectif de tuer ou d’enlever des opposants en exil dans ce pays voisin.
«Le gouvernement du Ghana a informé le Panel qu’il demeure inquiet des intentions et des actions du gouvernement de Côte d’Ivoire au sujet du traitement des anciens officiels du régime Gbagbo qui résident au Ghana. Le panel a voyagé au Ghana du 7 au 12 juillet 2013 pour enquêter sur le financement des violations de l’embargo sur les armes commis au Liberia par des mercenaires libériens et des miliciens ivoiriens, et sur le statut des réseaux pro-Gbagbo opérant dans ce pays. Les autorités gouvernementales ghanéennes, lors d’une réunion organisée par le Conseil national de sécurité ghanéen le 10 juillet 2013, ont expliqué au panel que le gouvernement de Côte d’Ivoire a aggravé la situation des réfugiés pro-Gbagbo résidant au Ghana en envoyant des agents ivoiriens dans l’intention d’assassiner ou de kidnapper des militants pro-Gbagbo réfugiés. Les autorités ghanéennes ont affirmé avoir fait échouer au moins deux missions de ce type en début 2013 et ont affirmé au panel qu’au moins un ancien supporter de Gbagbo qui était retourné en Côte d’Ivoire avait été enlevé et avait disparu. Le panel est incapable de vérifier cette information de manière indépendante. Le panel a rencontré plusieurs anciens ministres du régime Gbagbo au Ghana Refugee Board à Accra le 11 juillet 2013. Tous ont indiqué qu’ils voulaient rentrer en Côte d’Ivoire mais qu’ils avaient peur d’être tués s’ils y parvenaient. La majorité des anciens ministres ont été inculpés en Côte d’Ivoire de plusieurs chefs d’accusation, incluant des crimes économiques, et ont indiqué au panel que leurs maisons et leurs biens avaient été confisqués par des éléments soutenant le gouvernement de Côte d’Ivoire», peut-on lire dans le rapport.
La Côte d’Ivoire, un Etat-voyou ?
Ce sont des informations graves, et qui donnent objectivement de la Côte d’Ivoire l’image d’un Etat voyou, qui infiltre le territoire des pays voisins pour aller commettre des assassinats politiques ciblés. Ces informations confirment en tout cas les témoignages d’un certain nombre d’exilés sur de tels phénomènes. Elles posent à nouveau la question de la mort dans des conditions absolument mystérieuses, dans un camp de réfugiés, de notre informateur « Gorge profonde », brûlé vif dans la nuit, après qu’il se soit mis en contact avec le juge Patrick Ramaël pour donner un témoignage accusant clairement des réseaux ouattaristes d’avoir assassiné, en se servant de lui et d’autres éléments de la rébellion pro-Ouattara, le journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer.
Le rapport du panel d’experts indique aussi, et c’est très inquiétant, que des délégations ivoiriennes, appuyées par des éléments de l’ONUCI, ont pénétré le territoire libérien sans avertir les autorités locales. « Un incident impliquant la détention d’officiels du gouvernement de Côte d’Ivoire à Zwedru, dans le comté de Grand Gedeh, en mai 2013, illustre le manque de coordination entre les gouvernements du Liberia et de Côte d’Ivoire au sujet d’opérations d’intelligence du gouvernement ivoirien, en coopération avec des miliciens ivoiriens résidant dans les camps de réfugiés. Une délégation du gouvernement de Côte d’Ivoire est entrée au Liberia le 20 mai 2013 avec deux ex-combattants ivoiriens, dont l’ancien leader de milice Sébastien Koho, et un gendarme ivoirien opérant en civil. La délégation cherchait à susciter l’intérêt parmi les réfugiés ivoiriens sur le programme de l’Autorité pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration (…) Toutefois, le gouvernement de Côte d’Ivoire n’avait pas informé le gouvernement du Liberia sur ce programme de sensibilisation, ce qui a créé de l’inquiétude au sein des agences de sécurité libériennes, de la Mission des Nations unies au Liberia et des réfugiés vivant à Zwedru, sur la nature de la mission et l’identité de ceux qui étaient impliqués, surtout quand l’on considère l’existence de rumeurs de recrutement de mercenaires et de miliciens pour des attaques transfrontalières. La police nationale libérienne a appréhendé les délégués ivoiriens le 23 mai 2013, les a détenus durant la nuit à Zwredu et les a escortés à la frontière le jour suivant. L’officiel de l’ONUCI qui était au sein de la délégation n’a pas été détenu mais escorté ». Extrêmement bizarre…
Une grave menace sur les exilés
D’autant plus bizarre que, selon le même rapport onusien, le régime Ouattara finance désormais un certain nombre de mercenaires libériens supposés – dont Isaac Chegbo « Bob Marley » et Augustine « Bush Dog » Vleyee – qui auraient reçu des sommes allant de 2000 dollars à 8000 dollars. Ils seraient venus à Abidjan pour toucher l’argent de leurs « prestations », dans le cadre d’une opération menée avec un ancien responsable des renseignements sous le régime de Samuel Doe – dont Le Nouveau Courrier a déjà parlé.
Les rapporteurs onusiens veulent croire que ces hommes ont été payés pour empêcher de nouvelles attaques transfrontalières. Mais le fait même qu’Hamed Bakayoko et Compagnie soient en « business » avec ce type d’individus ouvre la porte à plusieurs hypothèses. S’il paie « main à main » des ex-combattants censés être des inconditionnels de Gbagbo, le régime Ouattara peut tout à fait commanditer des simulacres d’attaque ou des attaques – notamment dans le but de faire croire à la communauté internationale que les pro-Gbagbo sont sur le pied de guerre et que la mise en liberté provisoire de leur champion serait de nature à mettre le feu aux poudres.
La présence d’agents du régime dans les camps de réfugiés au Liberia représente aussi une grave menace qui pèse sur ceux des exilés qui en savent beaucoup sur les auteurs directs des massacres voire des actes de génocide commis par les FRCI et associés en mars 2011 à l’Ouest. Le bureau du procureur auprès de la CPI, qui refuse d’inculper et de mettre hors d’état de nuire les tueurs pro-Ouattara, a-t-il conscience de ce risque ? Au regard de la manière dont l’affaire est menée, on peut penser que son incroyable partialité le pousse à se désintéresser totalement du sort d’une catégorie de victimes et de familles des victimes.
Philippe Brou