Sénégal : le président Macky Sall visé par une plainte en France pour « crimes contre l’humanité »
Par Le Parisien - Sénégal. Le président Macky Sall visé par une plainte en France pour « crimes contre l’humanité ».
Une demande d’enquête a également été soumise à la Cour pénale internationale (CPI) après les troubles qu’a connu le Sénégal début juin, après la condamnation de l’opposant politique Ousmane Sonko.
Par Le Parisien avec AFP
Début juin au Sénégal, de violents affrontements ont éclaté entre les forces de l’ordre et les sympathisants du principal opposant politique Ousmane Sonko, faisant au moins 16 de morts et des centaines de blessés. Ce sont les pires troubles qu’ait connu le pays depuis des années. Une demande d’enquête soumise à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye contre le président sénégalais Macky Sall pour « crimes contre l’humanité » ainsi qu’une plainte en France ont été déposées.
L’avocat français Juan Branco a présenté lors d’une conférence de presse le contenu des 170 pages de la plainte déposée mercredi soir devant le pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris, ainsi que la demande d’enquête à la CPI. « Cette démarche va entraîner pour les personnes visées des conséquences pour le restant de leurs jours, car les crimes qui ont été commis sont imprescriptibles », a affirmé Juan Branco, qui est l’un des avocats d’Ousmane Sonko.
Ces procédures pour « crimes contre l’humanité » visent également le ministre de l’Intérieur sénégalais Antoine Diome, le général Moussa Fall, commandant de la gendarmerie sénégalaise, ainsi qu’une centaine « d’autres individus », et concernent la période allant « de mars 2021 à juin 2023 ». « C’est juste ridicule », a de son côté commenté à l’AFP le président sénégalais, présent jeudi au sommet pour un nouveau pacte financier mondial organisé à Paris.
« Poursuivre le combat sur le plan international »
La condamnation le 1er juin d’Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme dans une affaire de mœurs a déclenché des heurts qui ont causé au moins 16 morts selon les autorités, 23 selon l’ONG Amnesty International et 30 selon l’opposition. Cette condamnation le rend en l’état actuel inéligible pour la présidentielle de 2024. Personnalité populaire dans la jeunesse et les milieux défavorisés, l’opposant crie au complot et reste bloqué par les forces de sécurité chez lui à Dakar, depuis le 28 mai.
Macky Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, entretient quant à lui le flou sur sa volonté de briguer un troisième mandat en 2024. L’hypothèse d’une candidature rencontre une forte opposition au nom du respect de la Constitution. En mars 2021, des troubles - déjà autour de la personne d’Ousmane Sonko - avaient fait au moins 12 morts au Sénégal.
Depuis ces troubles de 2021, « aucune enquête n’a été diligentée (au Sénégal) et aucune poursuite pénale », a fustigé auprès de l’AFP Alioune Sall, député des Sénégalais de la diaspora et coordonnateur en France du Pastef, le parti d’Ousmane Sonko, présent jeudi à la conférence de presse. « Plus de deux ans après, on a jugé nécessaire, en tant que parti politique et en tant que Sénégalais, de poursuivre le combat sur le plan international, dès lors que l’État sénégalais, qui est censé garantir les droits fondamentaux de ses ressortissants, ne le fait pas », a-t-il dit.
Plus de 4 500 éléments de preuve
Lors des troubles de juin 2023, des vidéos et des témoignages ont fait état d’hommes en civil, armés et à bord de pick-ups, chassant des manifestants. Les pro-Sonko accusent le camp présidentiel d’avoir payé ces « nervis » pour prêter main-forte aux policiers et gendarmes et mater les contestataires. La présence de ces hommes armés, relayée par de nombreux médias locaux et internationaux, a été dénoncée par des défenseurs des droits humains.
Durant la conférence de presse jeudi, des vidéos et photos, dont certaines insoutenables, et présentées par l’avocat comme celles de manifestants tués ou très gravement blessés lors des troubles de juin, ont été diffusées. Selon les procédures engagées mercredi, ces « crimes contre l’humanité » ont été « commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique de la population civile » sénégalaise.
Juan Branco affirme avoir été récipiendaire de « plus de 4 500 éléments de preuve ». L’avocat et son équipe ont sélectionné « 710 éléments de preuve des exactions » du pouvoir sénégalais, pour servir de support à la demande d’enquête à la CPI. Il dit avoir établi « le meurtre de 50 personnes » entre mars 2021 et juin 2023, et plusieurs milliers de détentions arbitraires et d’atteintes à la vie et blessures.
« La présidence de la République, elle-même, en tant qu’institution, a mis en place des commandes d’armes particulièrement massives dont nous avons retracé le cheminement », a-t-il affirmé, citant « la livraison de 104 tonnes d’armes à la présidence au deuxième semestre 2022 ».
Le Parisien avec AFP