Scandale: Israël lâche un millier de clandestins africains dans le désert

Par Lepoint.fr - Scandale. Israël lâche un millier de clandestins africains dans le désert.

Un migrant quittant le camp de Holot, israël, mardi 25 août 2015.

Israël a relâché mardi des centaines de clandestins africains, en vertu d'un jugement qui leur rend la liberté. Il s'agit du troisième coup porté en deux ans à la politique des gouvernements successifs de droite de Benjamin Netanyahu qui cherche à limiter l'arrivée de migrants, majoritairement originaires d'Érythrée et du Soudan.

Mais le gouvernement laisse les libérés désemparés devant cette question : où aller ? "Il n' y a rien à fêter ! On ne sait pas où aller, où on va dormir ce soir", dit Salah, un Soudanais de 33 ans devant le centre de rétention de Holot, le plus important du pays, situé dans le désert du Néguev (sud). Comme des centaines d'autres (750, selon l'autorité pénitentiaire), Salah, arrivé en Israël il y a 9 ans, a été libéré après une décision de la Cour suprême qui a ordonné le 11 août que les demandeurs d'asile détenus depuis plus d'un an soient relâchés sous deux semaines. Au total, 1 178 personnes doivent être libérées mardi et mercredi. Après ces départs, il devrait rester 550 personnes dans le centre de Holot.

Devant un paysage de barbelés et de baraquements avec le désert à l'horizon, la liberté a pris un goût d'incertain pour tous ceux qui sont sortis en tirant de grosses valises, une couverture sous le bras. Une fois sortis, certains rejoignent des abribus, montent dans un car, peu importe sa direction. Fissel Sidig Adam, un Soudanais du Darfour âgé de 28 ans, arrivé en Israël il y a 8 ans, est reconnaissant envers la Cour suprême. Mais il attendait "plus", "une vraie solution de l'État, de l'aide, pas les 64 shekels (16 dollars) et le sandwich qu'on (leur) a donnés".

Tel-Aviv, zone interdite

Holot est un centre ouvert où les détenus, libres la journée, doivent venir émarger à 22 heures, explique la porte-parole de l'autorité pénitentiaire. Ils ont droit à un pécule mensuel de 600 shekels par mois s'ils ont fait acte de présence tous les soirs, moins dans le cas contraire. Ceux qui sont libérés partent après un petit déjeuner, avec leur allocation, éventuellement des ordonnances s'ils ont besoin de soins, mais aussi avec un document restreignant leurs déplacements. "On nous a donné un papier avec marqué interdit d'aller à Eilat ou Tel-Aviv, or c'est là qu'on connaît des gens. Je n'ai pas d'argent pour louer un appartement. Où je vais maintenant ?" s'inquiète Salah. Tel-Aviv et Eilat accueillent de fortes concentrations de clandestins africains. Leur présence suscite des tensions avec la population. Mais, en interdisant ces villes aux détenus de Holot, les autorités les privent d'un point de chute où retrouver des proches, ou un travail au noir peut-être.

Le débat autour de la question de l'immigration est loin d'être apaisé. Récemment, la ministre de la Justice, Ayelet Shaked, a posté une vidéo montrant l'agression d'une passante par un homme de couleur noire avec la mention "la vie insupportable des habitants du sud de Tel-Aviv". La vidéo avait en fait été filmée en Turquie.

Statuts de réfugié au compte-gouttes

Pour ces immigrants, Israël représente, à défaut de pouvoir rallier l'Europe, le plus proche espoir d'une vie meilleure accessible à pied. Selon l'ONU, le pays abrite 53 000 réfugiés et demandeurs d'asile, la plupart entrés illégalement via le Sinaï égyptien. Parmi eux, 36 000 sont venus d'Érythrée, 14 000 du Soudan. Israël ne leur accorde le statut de réfugié qu'au compte-gouttes, laissant l'immense majorité à la marge. Cette immigration date de plusieurs années : à la différence de l'Europe et compte tenu de sa situation géopolitique, Israël n'est pas confronté à de nouvelles vagues en provenance de Libye ou de Syrie, pourtant toute proche. Les détenus relâchés de Holot ne devraient pas grossir les flux à destination de l'Europe tant sortir d'Israël serait une gageure.

Sur le parking de Holot transformé par la sortie des prisonniers en un marché où des marchands vendent de la nourriture et où l'on fume la pipe à eau, des conciliabules se forment. Les hommes sortent leur portable pour improviser des plans d'urgence. Personne ne croit vraiment qu'ils ne finiront pas par gagner Tel-Aviv ou Eilat.

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