Reportage/Marché Gouro d’Adjamé : Ces hommes, vendeurs de manioc de foutou

Par Fratmat.info- Reportage/Marché Gouro d’Adjamé. Ces hommes, vendeurs de manioc de foutou.

Les vendeurs de manioc au marché Gouro..

Marie Chantal Konan, habite le quartier chic de la Riviera Attoban. Mais, c'est au marché Gouro d'Adjamé qu'elle se rend une fois tous les mois pour faire ses emplettes. Ce samedi 20 mai 2023, elle se dirige tout droit vers un étal tenu par un homme. Et commence un marchandage avec Seibou Aladji, détaillant de manioc. « Je veux manioc de foutou. Bon, bon là », dit-elle. Dans un français approximatif, Seibou lui répond : « Madame, c’est du bon manioc, qualité bonoua ». Il s’ensuit un échange. Marie Chantal demande le prix de la denrée alimentaire : « C’est combien le tas de manioc ». « Madame, vous voulez pour combien. Il y a pour 500 F, 1000 F et 2000 FCFA », précise-t-il. Après quelques minutes d’échanges, Marie Chantal et Seibou s’accordent. L’habitante de la Riviera Attoban parvient à acheter du manioc pour 1000 FCFA. Trois tubercules de manioc bien frais. À la question de savoir pourquoi, elle préfère acheter le manioc avec les hommes ? . Sa réponse est sans ambages. « Ils vendent de très bons produits. Leur manioc me permet de faire du bon foutou. Cela fait plus de cinq ans que j’achète du manioc avec les hommes et je n'ai jamais été déçue », révèle-t-elle.
Situé en plein cœur de la commune d'Adjamé, le marché Gouro est réputé pour la variété des denrées alimentaires qu'on y trouve et les coûts abordables des marchandises. Dans l'ambiance de fourmilière qui règne quotidiennement dans cet endroit, des hommes se sont spécialisés dans la vente en gros et en détail de manioc. Ils exercent ce métier depuis des décennies. À côté des vendeuses d'épices, de légumes et autres produits comestibles, ces marchands ont réussi à se forger une bonne réputation et faire des produits qu'ils vendent, un label de qualité apprécié par les femmes qui viennent de toute les communes d'Abidjan pour se les procurer.

La marchandise exposée à même le sol

À côté de l’étal de Seibou Aladji, Aya Konan venu de Cocody centre est en pleine tractation avec Ali Garba, un autre vendeur de manioc au détail. La dame veut acheter du manioc pour sa cuisine. « Mon mari aime le foutou. Tous les dimanches, je fais ce met pour lui. Je ne veux en aucun cas rater ce plat. C’est pourquoi je préfère acheter du manioc chez les hommes. Le manioc qu'ils vendent est de très bonne qualité », explique-t-elle.

Heureuse d’avoir fait une bonne affaire, Aya Konan poursuit son chemin et se faufile parmi les femmes présentes dans le marché. Non loin d’Ali Garba, des voix qui émergent du brouhaha ambiant se font entendre. « Ya manioc. Du bon manioc pour faire du foutou. Venez acheter. Le manioc est bien frais », s’écrit Abdoulaye Diallo. Lui, il est également détaillant de manioc. Il expose sa marchandise à même le sol. Il a pris le soin de mettre ses maniocs sur un vieux sac. Et lui-même assit sur un tabouret de fortune.

Vêtu d’un pantalon noir défraîchi et un tee-shirt qui l'est tout aussi, Abdoulaye est vendeur de manioc depuis l’âge de 15 ans. Depuis son arrivée à Abidjan en provenance du Niger sa terre natale, il y'a 10 ans, c'est cette activité qu'il pratique. « Je vends manioc au marché Gouro d’Adjamé depuis depuis que je suis arrivé en Côte d'Ivoire, il y'a 10 ans. Mes clientes viennent principalement de la commune de Cocody. C’est une activité que j’exerce avec plaisir. Tous les jours, je suis présent », nous dit-il. Ils sont nombreux ces vendeurs de manioc au marché Gouro d’Adjamé.

Assis sous de grands parapluies pour certains ou debout pour d’autres sous le soleil, ils tiennent dans les mains les tubercules qu'ils brandissent pour mieux appâter les chalandes. La vente de manioc n’a plus de secret pour ses hommes qui détonnent dans un marché ou la majorité des commerçants sont de la gente féminine. Crâne rasé et moustache bien tenue, Oumarou T. Agé de 45 ans est un homme épanoui qui affiche une certaine aisance financière. « Je commercialise les maniocs au marché ici. Je suis à l’aise. Je gagne bien ma vie. Les femmes apprécient bien nos produits », affirme-t-il. Et de dire que la vente de manioc est rentable. « Nos fournisseurs sont dans le marché », affirme Oumarou. Et de montrer lesdits fournisseurs.

Dix camionnettes déchargent des maniocs tous les jours

Tous les vendeurs de manioc rencontrés sont originaires du même pays : le Niger. Ils sont grossistes ou détaillants. À l'endroit où une dizaine de camionnettes dont la partie arrière est recouverte d'une bâche amovible communément appelée bâchées déchargent tous les jours au marché leurs produits, avec la présence des grossistes.

Affable, l'un d'eux qui se nomme Hama Amadou se réjouit de la présence de l'équipe de reportage. «Combien coûte une bâchée de manioc ? ». Hama expose : « Le contenu d'une bâchée de manioc coute 260 000 FCFA. Vous savez qu’il y a plusieurs variétés de manioc dont les plus courantes sont le Bonoua (doux), le IAC (appelé Yacé), le Yavo, le Kaman (surtout en pays baoulé) et le Bocou 1 et 2 (peu cultivé). Nous vendons en gros le manioc Bonoua et le yacé », explique-t-il. Et de fait savoir que les prix varient en fonction des saisons : « En saison sèche, le manioc est cher. Actuellement, nous achetons la bâchée de bonoua à 350 000FCFA. On a des clients qui les prennent dans les sacs. Nous faisons un sac de 5O kilogrammes à 8000FCFA».

Présent en Côte d’Ivoire depuis 1985, Hama Amadou a fait du commerce de manioc son activité principale. Il passe le clair de son temps dans le marché Gouro d’Adjamé. Avec ses fournisseurs qui se trouvent dans les villes d'Aboisso, Bonoua, Adiaké et Grand-Bassam, Il a des échanges téléphoniques quasi quotidiens pour passer des commandes, s'enquérir de la disponibilité de la marchandise, mais également pour s'informer de la fluctuation des coûts. « Mes fournisseurs sont dans les villes du Sud Comoé. Souvent, je me rends directement dans les plantations pour acheter du manioc », indique-t-il. De son côté Harouna Koita, grossiste est dans le négoce de manioc depuis deux décennies. « Depuis mon arrivée en Côte d’Ivoire en 1990, je vends du manioc dans ce marché. Nous avons des clients qui viennent des communes d’Abobo pour acheter de la marchandise avec nous. Nous livrons aussi le manioc au détaillant », raconte-t-il. Dans cet environnement dominé par les femmes, les vendeurs de manioc ont une cohabitation et une collaboration franche et cordiale avec leurs consœurs.

Au moment où s'achève le reportage dans le marché, un soleil radieux illumine cet espace place à la grande la joie des vendeurs. La pluie étant l’ennemie des vendeurs à la criée.

Par Patrick N'Guessan