Report de l’audience de confirmation des charges: Un mois pour éplucher les onze mille pages de l’accusation

Le 14 juin 2012 par Le Patriote - Le face-à -face du 18 juin entre le procureur Luis Moreno-Ocampo et Me Emmanuel Altit est finalement reporté

au 13 août. L’avocat de Laurent Gbagbo a un délai supplémentaire pour éplucher l’épais dossier de l’accusation.

Me Emmanuel Altit, Conseil de Laurent Gbagbo à la CPI.

Le 14 juin 2012 par Le Patriote - Le face-à -face du 18 juin entre le procureur Luis Moreno-Ocampo et Me Emmanuel Altit est finalement reporté

au 13 août. L’avocat de Laurent Gbagbo a un délai supplémentaire pour éplucher l’épais dossier de l’accusation.

L’avocat de Laurent Gbagbo peut enfin souffler. L’audience de confirmation des charges de son client vient d’être reportée, à une semaine de sa tenue. Pour Me Emmanuel Altit, la nouvelle du report constitue un immense soulagement, sa dernière demande de report en date du 5 juin 2012 ayant été rejetée. Au moment où le rendez-vous du 18 juin retient l’attention en Côte d’Ivoire comme ailleurs dans le monde, on peut s’interroger sur la volte-face de la Cour pénale internationale (CPI). Officiellement, la raison essentielle est de «garantir les droits de la défense à une procédure équitable». En début de semaine dernière, la Cour estimait avoir communiqué dans les délais (un mois avant l’audience de confirmation des charges) à Me Altit les éléments du dossier d’enquête compilé par Luis Moreno-Ocampo. Elle tenait absolument à cette date du 18 juin en raison du calendrier très chargé de la CPI ce mois de juin. Tenir l’audience devrait permettre aux juges de prendre leurs vacances de juillet et fixer enfin un calendrier pour le procès tant attendu.
En réalité, le Tribunal de La Haye souhaite vraisemblablement tenir cette audience de confirmation des charges, très capitale, dans la sérénité. Les accusations de la défense arguant que le procureur et la Cour violait les droits du prévenu n’étaient pas de nature à rasséréner les esprits dans le camp Gbagbo. Sans oublier la forte mobilisation qui se prépare dans les camps LMP et RHDP dont les états-majors européens s’activent pour convoyer des milliers de personnes aux abords de la CPI le jour de l’audience. La présence de Laurent Gbagbo cristallise les passions. Ce que la Cour n’ignore pas, même si elle n’est a priori pas influençable. Mettre les chances des deux côtés et tenir un verdict équitable est déjà un moyen de réduire les suspicions qui ne manquent pas.

Epais dossier à décrypter

Me Altit a récemment pointé l’insuffisance de moyens alloués à son équipe pour mener un procès victorieux. En outre, il n’a eu de cesse de récuser la Cour qu’il estime incompétente à juger l’ancien numéro un ivoirien. L’avocat français a récemment pris conscience que la partie s’annonçait très ardue, en recevant le volumineux dossier du procureur d’environ onze mille pages. Aussitôt, il annonçait que l’équipe réduite à trois personnes, et comprenant Me Agathe Bahi Baroan, Natacha Fauveau Ivanovic et lui-même ne pourrait éplucher cet épais dossier dans le délai. Or l’audience de confirmation des charges est une étape cruciale de la procédure. La perdre, c’est presque anéantir les chances infimes de son client. En obtenant ce report, Me Altit et ses assistants ont un mois pour démonter pièce par pièce les preuves du procureur. L’avocat affirmait d’ailleurs qu’il produira à son tour des documents qui pourraient mettre ceux de l’accusation en difficulté. «Notre rôle est surtout de pointer les insuffisances du procureur, les faiblesses de l’enquête, les éléments documentaires… de façon à souligner que ces accusations elles-mêmes reposent sur du vent», a t-il expliqué dans une intervention vidéo-diffusée. Ce dernier avait tenté, en vain, d’obtenir un report de cette audience de confirmation des charges. Il argue que son client a reçu très peu de moyens pour sa défense.

Quatre charges contre Gbagbo

Selon Gilbert Biti, conseiller juridique principal à la Cour pénale internationale, l’audience de confirmation des charges est la dernière étape de la phase préliminaire de la procédure. Il s’agit d’une audience très courte qui est différente de celle d’un procès. Elle a pour objectif essentiel d’entendre le procureur qui présentera dans les détails ses preuves pour accabler l’accusé.
Selon des informations émanant du bureau du procureur, quatre principales charges ont été retenues contre l’ancien président ivoirien. Elles prennent en compte les événements qui se sont déroulés entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011 en Côte d’Ivoire. Il s’agit de la marche des pro-Ouattara sur le siège de la Télévision ivoirienne du 16 décembre 2010 et sévèrement réprimée. On retrouve également la marche des femmes d’Abobo du 3 mars 2011 et qui aurait occasionné près de 7 morts. Le troisième fait est relatif au bombardement du marché d’Abobo le 17 mars de la même année. Les crimes commis le 12 avril à Yopougon bouclent cette liste. Ces quatre charges sont qualifiées de meurtres, viols et violences sexuelles, actes inhumains et persécutions. Selon des sources autorisées, l’accusation ne prévoit pas la comparution de témoins. Le procureur Ocampo s’appuie pour l’instant sur des preuves documentaires, des déclarations de témoins, des rapports d’ONG, des documents établis par le régime Gbagbo et des documents audio-visuels.

Karim Wally à Paris