Présidentielle au Kenya: Kenyatta élu au premier tour, Odinga conteste
NAIROBI (AFP) - 09.03.2013 09:52 - Kenyatta élu au premier tour.
Uhuru Kenyatta, inculpé de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale (CPI), a été élu président du Kenya dès le premier tour par 50,03 % des votants, selon des résultats provisoires de la Commission électorale et déjà contestés samedi par le camp de son adversaire Raila Odinga.
M. Kenyatta, soupçonné d'avoir joué un rôle dans l'organisation des violences consécutives au précédent scrutin de fin 2007, obtient 4.099 voix de plus que la majorité absolue requise, avec 6.173.433 voix sur un total de 12.338.667 bulletins, selon les résultats portant sur la totalité des 291 circonscriptions, affichés sur les écrans de la Commission électorale.
La Commission électorale n'avait cependant pas annoncé officiellement l'élection de M. Kenyatta samedi à la mi-journée, une communication à la presse prévue pour 11h00 (08h00 GMT) étant toujours attendue plus d'une heure après.
Le Premier ministre sortant, M. Odinga, qui a recueilli 5.340.546 voix, soit 43,28% des votants et quelque 800.000 voix de moins que son rival, "ne reconnaîtra pas le résultat de cette élection, il contestera les résultats devant la Cour suprême", a d'ores et déjà affirmé samedi un de ses plus proches conseillers, Salim Lone.
Celui qui, à 68 ans, enregistre sa troisième et probable ultime défaite présidentielle, estime que l'élection "a été faussée" mais il "appelle néanmoins tous (ses) partisans à rester calme", a ajouté M. Lone.
M. Kenyatta et son colistier William Ruto "sont fiers et honorés de la confiance placée en eux" par le pays, a simplement réagi de son côté leur coalition Jubilee.
MM. Odinga et Kenyatta devaient s'exprimer directement sitôt après l'annonce officielle de la commission électorale.
La précédente défaite de M. Odinga en décembre 2007 avait plongé le pays dans plusieurs semaines de violences sans précédent depuis l'indépendance en 1963, avec plus de 1.000 morts et plus de 600.000 déplacés.
Le président sortant Mwai Kibaki -- qui, à 81 ans, ne se représentait pas cette année -- l'avait emporté de justesse, à l'issue d'un scrutin au dépouillement opaque et contesté.
Uhuru Kenyatta était alors un soutien clé de M. Kibaki, issu comme lui de la communauté kikuyu, la plus importante numériquement - 17% des 41 millions d'habitants - et la plus influente économiquement.
La CPI soupçonne M. Kenyatta d'avoir joué un rôle dans ces violences, notamment en mobilisant le groupe criminel des Mungiki à la rescousse de sa communauté, ce qu'il nie.
A travers le pays, des groupes de partisans de M. Kenyatta fêtaient samedi dans les rues sa victoire, contrastant avec l'abattement des électeurs de M. Odinga.
"Sans Raila, pas de paix"
Une foule nombreuse a envahi les rues de Naivasha, Nakuru et Eldoret, dans la Vallée du Rift qui a voté en masse pour M. Kenyatta.
"La campagne a divisé les Kényans, politiquement et tribalement, nous appelons Uhuru à utiliser ses premiers jours de fonction pour unifier toutes les communautés", expliquait Alice Korir à Naivasha.
Des petits groupes en tee-shirts rouges - couleur de Jubilee - sillonnaient Nairobi aux cris de "Uhuru, Uhuru, Uhuru".
Kisumu (ouest), fief de M. Odinga, oscillait entre abattement et colère froide.
"Il faut qu'on reste calme, mais à ce que je vois, certains ne le resteront pas", s'inquiètait Alphonse Omodi, vigile de 30 ans, qui se dit "en état de choc", alors que près du bidonville de Kondele, des esprits s'échauffent.
"Sans Raila, pas de paix!", ont scandé en fin de matinée des centaines de jeunes, conspuant les policiers déployés, alors que des responsables religieux appelaient au calme.
"On ne peut pas reprendre 10 ans" de pouvoir kikuyu, s'insurgeait David Onyango, Luo comme M. Odinga (11% de la population).
A Kibera, tentaculaire bidonville de Nairobi acquis à M. Odinga, Moses Rachyanyo s'insurge: "S'ils veulent la paix, ils doivent nous donner les vrais résultats!"
John Odhiambo, chauffeur luo de 29 ans, espérait lui que M. Odinga allait "reconnaître sa défaite, afin que nous construisions un Kenya paisible".
Si les résultats provisoires annoncés sont entérinés, M. Kenyatta sera le premier inculpé de la CPI à devenir chef de l'Etat, créant une situation politique et juridique inédite. Aucune réaction de la cour n'avait été enregistrée samedi.
La CPI a déjà inculpé le président soudanais Omar el-Béchir en 2009, mais celui-ci était alors au pouvoir depuis vingt ans.
M. Kenyatta a assuré que, même élu, il assisterait à La Haye à son procès dont l'ouverture est prévue le 9 juillet et qui pourrait durer au moins deux ans.
Aucun mandat d'arrêt ne sera réclamé contre lui tant qu'il collaborera avec la CPI, avait expliqué fin 2012 sa procureure, Fatou Bensouda.
Par Aymeric VINCENOT et Boris BACHORZ