POUR LA LIBERATION DE GBAGBO: Des milliers de patriotes ivoiriens prennent d’assaut la CPI
Le 13 décembre 2011 par Autre presse - «Madame, je ne regrette pas d’être là. Je suis là, on va aller jusqu’au bout». Ces propos sont du président Laurent Gbgabo. Il s’adressait ainsi à la juge
Le 13 décembre 2011 par Autre presse - «Madame, je ne regrette pas d’être là. Je suis là, on va aller jusqu’au bout». Ces propos sont du président Laurent Gbgabo. Il s’adressait ainsi à la juge
Silvia Fernandez De Gurmendi, présidente de la Chambre préliminaire III de la Cour pénale internationale (CPI). C’était le 5 décembre dernier, lors de sa première audience publique préliminaire devant cette Cour. Ces propos étaient soutenus par une sérénité et une certaine assurance. Ils montrent bien la détermination du digne fils de Mama, de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique. Une détermination à mener le combat juridique jusqu'à son terme. Un combat engagé contre lui par les auteurs du putsch du 11 avril 2011. Leur sérénité continue, malgré tout, d’être troublée par un Laurent Gbagbo incarcéré dans le quartier pénitentiaire de la CPI, situé dans une prison néerlandaise à Scheveningen, à La Haye. Car il est vrai qu'«un lion dans la cage reste un lion». Mais Laurent Gbagbo n’est pas seul dans cette détermination à mener jusqu'au bout la bataille juridique. Ses partisans et plusieurs autres personnes sont avec lui. Ils se disent indignés et révoltés par l’injustice qu’il subit. Leur indignation et leur révolte, ils ont tenu encore une fois à le manifester bruyamment. Nombreux sont donc ceux d’entre eux qui n’ont pas voulu lui apporter un simple soutien de salon. Ils ont décidé de le soutenir activement, par un grand sit-in. Ce week-end du 10 décembre, devant la CPI, ils étaient nombreux ces patriotes ivoiriens et amis de la Côte d’Ivoire. Une mobilisation exceptionnelle due à leur détermination. Une mobilisation aussi due à l’émotion. Les effets positifs de cette émotion continuent de se faire sentir depuis le 29 novembre dernier, jour du transfèrement de Laurent Gbagbo à la CPI. Les différents mouvements de la résistance de la diaspora ont pu saisir l'occasion de cette émotion quasi-générale pour mobiliser les participants. Il s'agit notamment du COPACI, du Cri panafricain, du CRD, des Femmes patriotes, de 3000 Femmes pour la Côte d'Ivoire, etc... C’est de partout qu’ils sont venus prendre part à ce sit-in historique. Il sont venus de la France, de la Belgique, de la Suisse, du Royaume-Uni, de l’Italie, de l’Allemagne, etc, Ils ont rejoint leurs compatriotes d’Hollande pour dénoncer la partialité et l’instrumentalisation politique de la CPI. Il était surtout question pour les manifestants d’exiger la libération hic et nunc et sans condition du président Gbagbo. Ils ont encore une fois crié «Libérez Gbagbo sans condition!», «Non à une justice sélective!». Ils étaient plus 2000 manifestants, venus pour la plupart de la France. Les différents leaders des mouvements présents ont encore trouvé dans ce sit-in l'occasion d'exposer de façon à peine voilée leurs querelles d'égo. C'est avec peine que les organisateurs ont pu laisser s'exprimer certains leaders. C'est bien dommage pour ceux qui veulent réussir le tour magique de se désunir pour mener un même (?) combat et le gagner. C'est bien régretable pour ceux qui n'ont pas compris que «quand des frères se battent, l’étranger vient les dévorer».
Rappel historique. A l’origine des manifestations devant la CPI était le COPACI. Parti politique présidé par Blaise Pascal Logbo. Ce parti avait très tôt compris qu’une partie du film politico-tragique débuté le 19 septembre 2002 à Abidjan allait se dérouler à la CPI. En 2008, ce parti décide de se mettre en action pour la fin de l’impunité en Côte d’Ivoire. Une impunité jugée inadmissible, suite aux graves violations des droits de l'homme ayant cours depuis le 19 septembre 2002. Il fallait absolument punir de façon exemplaire les bourreaux des ivoiriens. C’est alors qu’en octobre 2008 le COPACI opère la saisine du procureur Ocampo, en vertu de l’article 15 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. En réponse, le Bureau du procureur lui adresse un courrier le 9 décembre 2008, lui signifiant d’avoir pris bonne note de sa saisine et de le tenir informer de la décision qui aura été prise à ce sujet. Le 16 septembre 2009, il s’ensuit, une seconde saisine du procureur par le COPACI. Cette seconde saisine est accompagnée d’un sit-in fait à deux. Mais ce parti décide de ne pas rester à cette étape de son combat. Un second sit-in est donc organisé 11 juin 2010, avec la participation de cinq manifestants, militants du COPACI. Puis survint la guerre postélectorale marquée par le coup d’État du 11 avril 2011. Dans la vision de ce qui allait arriver, suite à ces évènements tragiques, Blaise Pascal adresse deux courriers à la CPI. C’était le 31 mai dernier. Les deux courriers sont personnellement destinés au procureur et au président de la CPI. Il y était question de la nécessité pour la CPI de faire montre de son indépendance et de son impartialité dans le cadre d’un éventuel traitement du dossier ivoirien. Après ces correspondances, le COPACI décide de passer à une autre étape de son combat auprès de la CPI. Il organise donc une grande manifestation devant la CPI le 14 juillet 2011, avec des centaines de manifestants. Il réitère la même action le 17 septembre de la même année. Par ces dernières actions, le président du COPACI espérait, selon lui, empêcher que d’innocentes personnes soient injustement transférées devant la CPI pour y être condamnées.
Un peu plus loin dans le temps, il faut se rappeler de la nuit du 18 au 19 septembre 2002. Une nuit pendant laquelle une horde de loups enragés, militaires déserteurs de l’armée ivoirienne soutenus par des mercenaires, a tenté un sanglant coup d’État en Côte d’Ivoire. Suite à l’échec de ce coup d’État, les meneurs de l’offensive se constituent immédiatement en rébellion. Un plan B préconçu ou conçu après coup? Impossible encore de le savoir. Guillaume Soro, quatrième 1 er ministre de Gbagbo et occupant actuellement la même fonction sous Ouattara, revendique cette rébellion. Elle se dénomme MPCI(Mouvement patriotique de Côte d‘Ivoire). Les médias internationaux en font aussitôt l’échos. Soro se présente comme le responsable et le porte-parole de la rébellion. Depuis cette date, le pays fut coupé en deux. C’est aussi le début du règne de la rébellion. Elle règne en maître absolu sur des parties du centre et de l’ouest du pays, ainsi que sur toute sa partie nord. Pour plus d’influence dans les accords politico-militaires, la rébellion crée deux autres démembrements stratégiques. Il s’agit notamment du MPIGO (Mouvement populaire ivoirien du grand ouest) et du MJP (Mouvement pour la justice et la paix). Deux mouvements respectivement dirigés par Félix Doh et Gaspard Déli. Sur tous le territoire de son règne, la rébellion organise une économie parallèle et illicite. Les exploitations des mines d’or et de diamant et d’autres richesses du sol et du sous-sol, les prélèvent de taxes et d’impôts, caractérisent pour l’essentiel cette économie parallèle. Une ligne de démarcation consacre la division du territoire. Une force d’interposition de la CEDEAO est chargée de la surveillance de cette ligne de démarcation et de veiller au cessez-le-feu. Cette responsabilité est par la suite confiée à la MINUCI (Mission des Nations unies en Côte d'Ivoire), transformée plus tard en ONUCI. Depuis l’accord de Linas Marcoussis, signé le 24 janvier 2003, une coalition des rebelles et de certains partis politiques de l’opposition se forme. C’est la coalition MPCI, MPIGO, MJP, RDR, PDCI, UDPCI et MFA. Suite à cet accord, est formé un gouvernement d’union nationale. Toutes les parties signataires de l’accord de Marcoussis y participent à des proportions variées. Ce gouvernement connaît des remaniements dans le temps. Dans les faits, trois gouvernements d’union nationale se succèdent. Ces gouvernements sont successivement dirigés par trois premiers ministres issus de cette coalition politico-rebelle. Ces premiers ministres sont, successivement, Seydou Elimane Diarra, Charles Konan Banny et Guillaume Soro. Entre temps, cette coalition est baptisée RHDP, créé le 18 mai 2005 à Paris (Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix). Officiellement la rébellion ne figure pas dans cette nouvelle organisation. Mais elle n'en demeure pas moins le bras armée, dont elle ne saurait se séparer. Sur le chemin de la paix, plus d’une quarantaine de résolutions onusiennes dictées par la France et plus ou moins corrigées par certains pays membres du Conseil de Sécurité de l’ONU. Mais ces résolutions onusiennes ne suffisent pas pour régler la profonde crise ivoirienne. Des accords politico-militaires sont signés dans différentes capitales africaines. Ces accords sont très souvent obtenus sur la base de compromis et de calculs stratégiques dans l'objectif de la victoire finale, quelle soit électorale ou armée. Il faut citer les accords d’Accra (Accra I, le 29 septembre 2002, Accra II, le 7 mars 2003, et Accra III, les 29 et 30 juillet 2004 ), de Lomé (1 er novembre 2002), de Pretoria (Pretoria I, le 6 avril 2005, et Pretoria II, les 28 et 29 juin 2005 ), et de Ouagadougou (le 4 mars 2007), dont quatre accords complémentaires pour ce dernier.
Malgré ces différents accords, la coalition politico-rebelle refuse d’aller à un désarmement véritable et effectif. Un désarmement prévu par les différentes résolutions onusiennes et par les accords. Un désarmement pourtant considéré par tous comme la condition fondamentale pour l’organisation d’élections libres, transparentes et démocratiques. Mais, à contrario du bon sens démocratique, alors que le désarment des rebelles et des milices, n’a pu avoir lieu, sont organisées les élections présidentielles. Les autorités et certains partis politiques ivoiriens sont soutenus et encouragés dans ce sens par l’ONU. Après un premier tour de la présidentielle le 31 octobre 2010, acceptable dans l’ensemble, le second tour a lieu le 28 novembre de la même année. Les conséquences du non désarmement se font sentir négativement sur le scrutin en zone rebelle. Quelques incidents déplorables sont signalés dans la zone gouvernementale. La majorité présidentielle adresse une requête au Conseil constitutionnel. Avant que cette institution, juge souverain des élections en Côte d’Ivoire, ne donne sa décision relative au vainqueur de la présidentielles, le Président de la CEI décide de commettre l’irréparable. Hors délai, et en violation des procédures, Youssouf Bakayoko proclame le candidat Alassane Ouattara vainqueur de la présidentielle. Il fait cette proclamation dans le QG de campagne de Ouattara, à l'Hôtel du Golf, devant les médias internationaux. Le 03 décembre 2010, le Conseil constitutionnel proclame le candidat Laurent Gbagbo vainqueur de la présidentielle, après l’invalidation de certains résultats du scrutin dans la zone rebelle. Débute alors une série de contestations pacifiques puis violentes de la coalition politico-rebelle. C’est le début de la guerre totale en Côte d’Ivoire. Au menu de cette guerre totale, il faut compter les embargos de l’Union européennes sur les importations et les exportations, le gel des avoirs d’entreprises étatiques et de personnalités du régime Gbagbo, l’instrumentalisation de la BCEAO pour bloquer les transactions financières de l’État ivoirien, la création du commando invisible, bandes de criminels, dirigés par IB (Ibrahim Coulibaly) créant le chaos dans la commune d’Abobo. Il faut également compter les populations civiles prises pour cibles, victimes de graves violations des droits de l’homme, marquées par le génocides des Wè de Duékoué. Militairement soutenus par les casque bleus de l’ONUCI et la force française Licorne, disant agir conformément à la résolution 1975 de l’ONU, les rebelles engagent l’offensive depuis la ligne de démarcation et progressent vers le sud. Après 11 jours de guerre à Abidjan, Gbagbo est renversé par un coup d’État le 11 avril 2011. Gbagbo est déporté à Korhogo dans le nord du pays, après un passage d’humiliation à l’Hôtel du Golf. Ils n’est pas seul dans la déportation et l’humiliation. Son épouse Simone et la majorité de ces proches collaborateurs connaissent le même sort. Depuis 2003 des organisations internationales de défense des droits l'homme ont mené des enquêtes en Côte d’Ivoire. Elles évoquent, toutes,la responsabilité des deux camps dans les graves violations des droits de l’homme. Les rapports onusiens ne disent pas le contraire. Le procureur de la CPI après une «enquête» bien ciblée contre Ggogbo, dépose une requête auprès de la Chambre prélimaire III aux fins de lui délivrer un mandat de livraison de Gbagbo. Ce mandat lui est délivré le 23 novembre 2011. Le 29 novembre 2011, Gbagbo, transporté dans un avion de la République de Côte d’Ivoire, est livré à la CPI par les bénéficiaires du putsch du 11 avril. Après la première audience publique du 5 décembre dernier, une autre audience est prévue le 18 juin prochain pour la confirmation ou l’infirmation des charges contre Gbagbo. Il est accusé d’être individuellement responsable de quatre chefs de crimes contre l’humanité, principalement «de meurtres, de viols et d’autres formes de violences sexuelles d'actes de persécution et d'actes inhumains pendant les violences post-électorales». Il est sûr que le 18 juin prochain les patriotes ivoiriens seront encore plus nombreux à la CPI pour demander la libération sans condition du président Gbagbo.
La Côte d’Ivoire n’est pas un État Partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Elle ne l’a pas ratifié. Mais le 3 avril 2003, l’État ivoirien, sous Gbagbo, a reconnu, par une déclaration dûment signée, la compétence de la CPI. Depuis cette date, la CPI est donc compétente pour juger des crimes graves commis en Côte d’Ivoire, conformément au Statut de Rome. Faut-il regretter cette reconnaissance de la compétence de la CPI ou la saluer? Les avis sont partagés, selon le camp où l'on se trouve. Seule la crédibilité ou le manque de crédibilité de la CPI, jugée aposteriori , pourra déterminer une réponse plus objective à cette question.
Une contribution de ZEKA TOGUI (Copaci)