Plus d’un an après la crise post-électorale: La réconciliation droit dans le mur

Le 25 juin 2012 par L'INTER - « Seul Dieu peut faire la réconciliation en Côte d’Ivoire ! », s’exclamait hier dimanche 24 juin, un observateur de la politique

ivoirienne, en guise de conclusion d’une analyse des derniers événements qui ont marqué l’actualité politique.

Sans tomber dans un pessimisme extrême comme cet observateur, il faut cependant reconnaître que des faits inclinent à croire que la réconciliation nationale va droit dans le mur.

Charles Konan Banny.

Le 25 juin 2012 par L'INTER - « Seul Dieu peut faire la réconciliation en Côte d’Ivoire ! », s’exclamait hier dimanche 24 juin, un observateur de la politique

ivoirienne, en guise de conclusion d’une analyse des derniers événements qui ont marqué l’actualité politique.

Sans tomber dans un pessimisme extrême comme cet observateur, il faut cependant reconnaître que des faits inclinent à croire que la réconciliation nationale va droit dans le mur.

Il est en effet de notoriété publique que le processus de réconciliation des Ivoiriens bute contre divers obstacles, financiers avec le manque de ressources financières pour faire bouger la commission de réconciliation, politiques avec le choc des intérêts politiciens, judiciaires avec la difficile union entre la volonté de justice des autorités et celle de réconcilier les Ivoiriens. Pour ne citer que ces éléments. Des obstacles qui crèvent les yeux, mais que tout le monde feint de ne pas voir, comme s’il y avait une volonté de compromettre la réconciliation.

A la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation (CDVR), on a joué la carte du silence face aux difficultés rencontrées, jusqu’à un moment. Mais cela devenant agaçant, il fallait alerter l’opinion, la prendre à témoin sur les entraves qui sont dressées sur leur chemin.

En tout cas, le conseiller du président de la Cdvr chargé de la jeunesse, Karim Ouattara, ne s’est pas embarrassé de fioritures pour tonner contre les croque-en-jambes qui leur sont faits. D’abord au cours d’une conférence de presse animée le mercredi 20 juin dernier, ensuite sur les ondes de Radio France Internationale (RFI), vendredi 22 juin 2012. « Je ne peux pas comprendre que pendant qu’il y a une Commission dialogue, vérité et réconciliation qui travaille à ramener la confiance entre les uns et les autres, on ait l’impression qu’il y a un bulldozer derrière nous qui efface les traces », a lancé M. Ouattara. « C’est très difficile d'accepter cela (…) On ne peut pas nous demander d’œuvrer à ce que tous les Ivoiriens qui sont en exil puissent rentrer en Côte d’Ivoire, et lorsque nous, on parle à ces personnes-là, elles nous disent : ‘’ Mais on a l’impression que vous, au sein de la Commission dialogue, vérité et réconciliation, vous êtes là juste pour nous appeler vers le pays pour qu’on nous incarcère !" », a pesté le conseiller de Banny.

Cette sortie de Karim Ouattara, il faut le dire, n’est pas un fait du hasard. Elle traduit sans nul doute les griefs enfouis dans les cœurs des responsables de la Cdvr, et aussi de nombreux Ivoiriens. Analysée à froid, cette sortie pose surtout la problématique de la réconciliation nationale, qui peine à donner des signes de succès et commence par ailleurs à avoir plusieurs visages.

On en est en effet à se demander, en Côte d’Ivoire, qui a véritablement à charge la réconciliation nationale et qu’est ce qui est fait de façon concrète pour donner à ce processus toutes les chances de réussite. On le sait, dès la fin de la crise post-électorale, le président de la République, Alassane Ouattara avait confié cette tâche à l’ancien gouverneur de la Bceao, Charles Konan Banny. Une commission (Cdvr) a été mise sur pied pour conduire la mission.

Elle a défini son plan de travail et mène ses activités, tant bien que mal. Même si à tort ou à raison les pas posés par Banny et son équipe ne semblent pas encore satisfaire les Ivoiriens, il faut rappeler que la mission qui leur a été confiée a une durée de deux ans (13 juillet 2011 au 13 juillet 2013).

Dialogue républicain ou échec de Banny

Donc leur mandat court encore. Mais alors que Banny et son équipe sont en plein dans l'exécution de cette mission commandée par le chef de l’Etat, un autre cadre de réconciliation va se créer, celle-là sous la houlette du Premier ministre Jeannot Ahoussou Kouadio (JAK). Un engagement fort du gouvernement dans le processus de réconciliation nationale à travers ce qui a été appelé « le dialogue républicain » et qui a été initié les 27 et 28 avril dernier à Bassam.

Mais il faut le dire, ce canevas parallèle à la CDVR, vient comme un aveu d’échec de la mission de Banny. Tout semble en effet dire qu’on veut lui reprendre avec la main gauche, ce qu’on lui a donné avec la main droite. Certes, on ne saurait reprocher au gouvernement de s’impliquer dans la réconciliation ou encore de contrôler ce processus. Mais celui qui a été mandaté de conduire cette mission est Charles Konan Banny. Et c’est de façon ouverte et publique que le chef de l’Etat, le président Alassane Ouattara, l’a désigné comme président de la commission de réconciliation, et signé son décret de nomination. Il est donc en mission officielle pour l’Etat de Côte d’Ivoire. Le gouvernement devrait par conséquent baisser la garde pour le laisser poursuivre sa mission.

A tout le moins, qu’il cherche les moyens et les mette à la disposition de la CDVR pour conduire sa mission. Mais la montée en force du Premier ministre Ahoussou et son équipe, qui ont mis en place un cadre permanent de dialogue (CPD), risque de créer un conflit de compétences de nature à plomber le processus.

L’exemple éloquent en la matière est celui du désarmement, la démobilisation et la réinsertion (DDR) des ex-combattants. Un processus dont la multiplicité des structures qui y intervenaient, n’a pas favorisé le succès. La réconciliation nationale pourrait connaître le même sort que le désarmement, si les choses restent en l’état. Et même pire, car comme le disent les experts en réconciliation, il y a deux chances sur trois que le processus échoue et conduise à la reprise de la guerre. Les autorités, voire les Ivoiriens, sont prévenus.

Hamadou ZIAO