Plan Orsec/Kili Fiacre(Directeur général de l’Onpc) : “ IL FAUT QUE CHAQUE ACTEUR JOUE PLEINEMENT SON ROLE ”
Le 30 juin 2011 par Fraternité matin - Le directeur général de l’Office national de la protection civile situe les missions de sa structure et apporte des précisions dans la
Le 30 juin 2011 par Fraternité matin - Le directeur général de l’Office national de la protection civile situe les missions de sa structure et apporte des précisions dans la
mise en œuvre du plan de secours aux populations. M. Le directeur général, quelles sont les prérogatives de l’Onpc ?
L’Office national de la protection civile a un rôle de conseil pour rendre agréable le cadre de vie de la population. Nous sommes en quelque sorte un mémoire conseil. Cependant, il faut préciser que l’œuvre de protection civile de la population concerne plusieurs acteurs. Nous sommes une structure interministérielle et pluridisciplinaire. Chaque structure à son rôle à jouer. Autant le Groupement des sapeurs-pompiers militaires (Gspm) est un de nos démembrements, autant nous travaillons avec l’Institut national d’hygiène publique (Inhp) ; le Centre ivoirien anti-pollution ( Ciapol) ; le Samu ; l’Office de la sécurité routière (Oser) ; l’ordre des architectes ; la Compagnie ivoirienne d’électricité ; l’ association des ingénieurs en bâtiment ; les assureurs ; les ministères de la Construction, de l’Assainis-sement et de l’Urbanisme ; de l’Environnement et du Dévelop-pement durable ; des Infrastruc-tures économiques et de l’Economie et des Finances. Dans nos visites, nous allons avec une commission de sécurité qui comprend des représentants de toutes ces structures sus citées. A la fin, nous établissons toujours un procès-verbal (Pv) pour donner un avis favorable ou défavorable que nous transmettons à notre ministre de tutelle et à la structure compétente. Et là s’arrête notre mission. Le domaine d’actions étant très vaste, chacun a son rôle et chacun doit jouer pleinement son rôle. De ce fait, nous estimons qu’en ce qui concerne le dossier sur l’application du plan Orsec publié dans Fraternité Matin du 28 juin, le contenu s’adresse plutôt au ministère de la Construction et de l’Urbanisme.
Vous ne faites rien d’autre en dehors de ce travail d’alerte ?
Nous le disons encore une fois, nous avons un rôle de conseil. Toutefois, quelle est la finalité de tous ces conseils que nous donnons ici et là ? C’est la protection des civils. Le Gspm qui est le «bras» de l’Onpc est toujours sur le terrain pour apporter secours aux populations. D’ailleurs, pour rapprocher les structures de protection civile des populations, nous avons trois casernes en construction. Notamment à San Pedro, Gagnoa et Daloa. C’est vrai qu’on ne nous voit pas sur le terrain, mais nous sommes présents et actifs par d’autres voies. A preuve, lorsqu’il y a eu l’accident des déchets toxiques, l’Onpc était en première ligne.
Afin d’éclairer notre lanterne, dites nous ce qu’est le plan de secours Orsec ?
Premièrement, le plan Orsec en Côte d’Ivoire est institué par décret n° 79643 du 8 août 1979 portant organisation du plan de secours à l’échelon national en cas de catastrophe. C’est ce qu’on appelle communément le Plan Orsec. L’article premier de ce décret indique que le ministre de l’Intérieur est responsable de l’organisation des secours en cas de catastrophe en temps de paix. Il assure l’initiative de déclencher « le Plan Orsec » à l’échelon national. Et pour plus d’éclairage, l’article 2 de ce même décret définit une catastrophe comme un évènement soudain entraînant la mise en danger de nombreuses vies humaines ou de nombreux biens importants et qui nécessite l’intervention de moyens extraordinaires supplémentaires à ceux des services publics permanents de secours et des unités volontaires. Par ailleurs, il est indiqué à l’article 4 que la commission chargée de mettre en œuvre le plan de secours à l’échelon national comprend, entre autres, le directeur de la protection civile ou son suppléant, le coordonnateur des actions de secours représentant de ministre de l’Intérieur, président.
En clair …
Ce plan relève du ministre de l’Intérieur. Il s’agit de porter assistance aux personnes qui sont victimes des effets néfastes de la saison des pluies. Et nous disons que, dans ce domaine, nous jouons pleinement notre rôle. Nous les conseillons et nous leur apportons assistance au nom de l’Etat. Samedi dernier, nous étions dans la commune d’Attécoubé avec le préfet d’Abidjan, au nom du ministre de l’Intérieur, pour soulager les populations sans abri qui ont été recensées. Nous leur avons offert 5 millions Fcfa. Et il ne faut qu’il y ait de confusion. Le plan Orsec n’est pas responsable des plans d’urbanisation, d’assainissement et de construction de la ville d’Abidjan.
Mais parfois aussi, l’opinion vous voit sur le terrain comme… «le médecin après la mort»
Malheureusement. Cela est peut-être dû au fait que quand des caniveaux sont bouchés, et nous insistons là-dessus, et que nous initions des actions pour les déboucher et permettre à l’eau de ruissellement d’être évacués, c’est en quelque sorte de l’eau que nous apportons au moulin des maires et du ministère des Infrastructures économiques. Mais, ce n’est pas l’activité première du ministère de l’Intérieur que nous représentons. Lorsqu’il y a des maisons qui sont situées sur des périmètres qu’on appelle « des sites à risques », pour détruire ces maisons, nous attirons l’attention du ministère de la Construction et de l’urbanisme pour lui signifier qu’il y a danger. Ce ministère a une brigade qui fait ce travail. Nous initions, mais ce n’est pas le rôle premier de l’Onpc. Quant aux quartiers précaires, nous attirons également l’attention du ministère de la Construction avec lequel nous avons un très bon partenariat, et l’action de destruction leur revient ici aussi.
Nous avons vu, en son temps, le préfet d’Abidjan ordonner la destruction de certains sites à risques. Quels sont les pouvoirs dévolus aux préfets en matière de secours ?
Ces pouvoirs sont contenus dans l’instruction ministérielle du 8 décembre 1993 relative à l’organisation des secours, dans le cadre départemental et à l’échelon national en cas de sinistre important. Cette instruction stipule qu’en cas d’application du plan Orsec au niveau départemental, le commandement sera confié au préfet, autorité indiscutée en mesure de coordonner l’action des groupements d’intervention hétérogènes coopérant à l’action commune. En 2009, la Côte d’Ivoire s’est réveillée dans la nuit du 11 au 12 juin avec 21 morts. Le ministre de l’Intérieur de l’époque a déclenché le plan Orsec qui permettait au gouvernement de dégager des moyens exceptionnels pour faire face à la situation exceptionnelle. A cet effet, plusieurs familles ont été assistées par l’Etat à travers ce ministère. Depuis des années, les nombreuses voies qui ont été endommagées, jusqu’à ce jour, n’ont pas été réhabilitées, ainsi que les édifices publics, les écoles, les cités universitaires. Par contre, de 2009 à 2011, les secours aux personnes victimes des inondations ont eu lieu par l’intermédiaire du ministère de l’Intérieur. Nous avons procédé au recensement des sites à risques ; il y en a environ 106 et les personnes qui y vivent ont été dédommagées. Mais une fois la saison des pluies terminée, nombreux sont ceux qui sont revenus sur ces sites à risque. Comme vous l’avez constaté à Washington et dans d’autres secteurs. Cette année 2011, le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur a mis à la disposition de l’Onpc des moyens financiers pour faire face aux préjudices subis par les personnes victimes de catastrophes et qui doivent être déguerpies.
C’est là notre rôle. Le préfet d’Abidjan est à l’écoute des maires et ces derniers ont exprimé les secours à apporter aux populations. C’est pourquoi aujourd’hui encore le préfet d’Abidjan, dont nous saluons le dynamisme, est celui qui parle le plus du plan Orsec et il a raison puisqu’il apporte assistance aux populations au nom du ministère de l’Intérieur. Cependant, dans le cadre de ce plan, tout le monde est à la tâche. Si vous avez remarqué, le District d’Abidjan a commencé de grands travaux. En un mot, les problèmes d’urbanisation et d’assainissement ne relèvent pas du plan Orsec. Par exemple votre dossier qui parle de « Washington » et de Biabou soulève des questions qui sont traitées par le ministère de la Construction et de l’urbanisme.
M. Le D.g, vous avez mentionné que depuis trois ans, l’Office porte assistance aux personnes sinistrées par les catastrophes. Mais avez aussi souligné que ces mêmes personnes, une fois déguerpies, reviennent à votre insu et se réinstallent à nouveau. Qui doit alors veiller au suivi ?
Le suivi doit être exécuté par le ministère de la Construction. Lequel doit faire en sorte que l’Etat mette à la disposition de ces personnes des terrains viables. Ce ministère a une police. Lorsque dans certains quartiers vous voyez l’inscription A.D suivie d’une croix rouge, ce sont les marques du ministère de la Construction via sa police. Nous avons constaté avec l’ancien préfet Sam Etiassé que le site du lycée technique qui était initialement prévu pour un terrain de basket est occupé de façon illégale par des individus. L’Onpc a tout de suite adressé un courrier au ministère de la Construction pour attirer son attention sur l’installation anarchique dans cette espace.
Vous jetez un pavé dans la mare des autres …
Nullement. Les ministères du Plan et du Développement ; des Infrastructures économiques; de l’Economie et des Finances ; de l’Environnement et du Développement durable ; de la Construction de l’Assainissement et de l’Urbanisme sont nos partenaires. Nous travaillons en bonne intelligence. Mais, il faut que chacun fasse son travail.
En son temps, nous avions écrit au ministère de la Construction et de l’urbanisme pour attirer son attention sur le fait que «Washington est en train de renaître». A Attécoubé où il y a eu des morts à la suite d’inondations et éboulements,s il y a aussi 50 familles de déplacés que le maire de cette commune doit assister. Le ministre de l’Intérieur, au nom du gouvernement, leur a apporté la compassion du gouvernement. Mais, nous leur avons fermement fait comprendre que c’est dans leur propre intérêt de partir maintenant des sites à risque et que cette année, il n’y aura pas de sursis parce qu’ils vont être détruits. Maintenant, en ce qui concerne leur démolition, le maire de la commune doit prendre ses responsabilités. Il nous a promis que cela sera fait dans les meilleurs délais. Et nous allons le vérifier.
Face la situation que nous connaissons depuis 3 ans et vu la modicité des moyens et la fréquence des sinistres, est-ce qu’il ne faut pas plutôt parler maintenant de plan d’urgence ?
Récemment, à la faveur d’un séminaire, dans notre exposé devant M. le ministre de l’Intérieur, nous avons présenté les dispositions prises par l’Onpc contre les effets de la pluie au cours de l’année 2011. A cette occasion, nous avons préconisé, dans le cadre ivoirien, qu’il était beaucoup plus approprié de parler de « Plan bleu ». Ce sont des propositions de spécialistes. Car parler de « Plan Orsec » nécessite des moyens plus importants et touche des domaines plus vastes que la situation de la Côte d’Ivoire ne le permet. Parce qu’il y a aussi un programme d’urgence des grands chantiers mis en place pour s’occuper de ces questions : comme le cas du « carrefour Mel ». Et pour régler le problème de ce carrefour, il faut faire des travaux depuis Agboville. Alors, pour nos partenaires extérieurs, ce qui se passe aujourd’hui ne mérite même pas l’appellation de « plan Orsec » et c’est pourquoi ils ne nous assistent pas. Partant, pour nous, on ne devrait pas parler de plan Orsec. Il nous faut plutôt un « plan bleu ».
Et c’est quoi le plan bleu et quelle est son efficacité ?
C’est un plan de contingence pour faire face aux effets de la saison des pluies. Il concerne essentiellement les victimes de la saison des pluies. C’est un projet des experts de l’Onpc. Toutefois, il n’y a pas d’opposition entre les deux plans. Sauf que l’un apporte les secours aux populations dans leur ensemble et l’autre s’intéresse uniquement aux victimes des inondations. En ce moment, nous sommes dans les préparatifs pour faire face à la saison des pluies.
Parlant toujours des élus locaux, à la salle de conférence, de la décentralisation avec l’ancien préfet Sam Etiassé, vous aviez demandé la collaboration des maires pour détruire les bassins d’orage et sensibiliser les populations afin qu’elles ne s’installent plus sous les lignes de haute tension. Quel est le bilan aujourd’hui ?
La sensibilisation continue, surtout dans les communes d’Abidjan depuis le mois de mai. Le préfet d’Abidjan, en compagnie de l’Onpc, sillonne les communes où des rencontres sont organisées avec l’implication directe des maires. Nous sensibilisons les communautés sur la dangerosité des sites sur lesquels elles résident. Mais, aujourd’hui, tout le monde évoque problème de moyens. Aussi, lorsque l’Onpc lance l’opération de curage des caniveaux qui est initialement une activité des mairies, nous essayons de les aider en leur octroyant un peu de moyens ou en le faisant nous-mêmes. C’est un concours que nous apportons à nos élus locaux pour leur dire : nous commençons le travail mais c’est à vous de l’achever !
M. le directeur général, à côté de l’assistance que vous apportez aux sinistrés des catastrophes, il y a des édifices de l’Etat défectueux et des incendies de marchés. Quel est votre travail à ce niveau ?
A la faveur du séminaire que nous avions organisé en partenariat avec la direction de la décentralisation et du développement local, en septembre 2008, à l’attention des maires, nous avions souligné que des dispositions doivent être prises afin que le cahier des charges qui impose aux constructeurs des normes soit respecté. Parfois, les normes sont respectées au départ, mais, en cours de route, elles sont biaisées. Concernant les édifices de l’Etat, à titre d’exemple pour le cas de l’immeuble la Pyramide, nous avons établi un Pv pour dire qu’il présente un réel danger notamment au niveau des ascenseurs et des problèmes d’étanchéité, et nous avons émis un avis technique défavorable transmis à notre ministre de tutelle et à la structure compétente, en l’espèce, le ministère de la Construction. Nous avons eu des séances de travail avec la Sogepie qui gère le patrimoine de l’Etat. Ce qui veut dire qu’il faut fermer le bâtiment. Malheureusement, y a toujours des commerces, des bureaux, des écoles et des logements en son sein. Parfois, nous émettons un avis favorable mais avec des prescriptions ; ce qui signifie qu’il faut apporter des améliorations. En faisant les Pv, nous faisons des prescriptions, mais leur mise en œuvre ne dépend pas de nous. Par ailleurs, nous avons des incendies qui se déclenchent dans les marchés et la dernière en date est celle du marché de Yamoussoukro. En fait, tous les ingrédients étaient réunis pour que ce sinistre arrive. Ce sont les maires qui ont le pouvoir de police. Pas nous.
Interview réalisée par
Hadja Sidibe et Franck A. Zagbayou