OUVERTURE DU PROCÈS DE GBAGBO HIER A LA CPI: GBAGBO DES GRANDS JOURS. SES AVOCATS COMBATIFS. FATOU BENSOUDA TITUBE

Le 20 février 2013 par IVOIREBUSINESS - L'ACTE D'ACCUSATION DE BENSOUDA.

Affaire Laurent Gbagbo : Déclaration d'ouverture du Procureur de la CPI
DÉCLARATION d’ouverture de Mme Fatou Bensouda, Procureur de la CPI, audience de confirmation des charges dans l’affaire CPI-ICC contre Laurent Gbagbo.

Bureau du Procureur
Office of the Prosecutor
Statement: 19.02.2013
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OPENING STATEMENT
Madame la Présidente, Honorables juges
L’affaire que nous vous présentons aujourd’hui concerne M. Laurent Gbagbo, un Président qui
a renoncé au processus politique, électoral, démocratique, préférant recourir à la violence et au
crime pour se maintenir au pouvoir. En décembre 2010, au travers d’élections pacifiques, le
peuple ivoirien avait l’occasion de se rassembler et de choisir la personnalité qu’il voulait voir à
la tête du pays. Mais il a été privé de cette possibilité par, entre autres, M. Gbagbo, qui a eu
recours à la violence contre des civils pour rester au pouvoir.
En l’espace de seulement quelques jours, la Côte d’Ivoire est passé d’un pays où des citoyens
ordinaires respectueux des lois se présentaient massivement aux urnes pour élire leur président,
à un théâtre de violences extrêmes qui ont plongé une nouvelle fois le pays dans le chaos et
divisé ses citoyens. En un rien de temps, des centaines d’Ivoiriens sont passés du statut
d’électeur à celui de victime. La République de Côte d’Ivoire a ensuite sombré dans cinq mois
de violence.
Je sais que de nombreux Ivoiriens ayant subi de plein fouet cette tragédie suivront
attentivement cette audience. J’aimerais que tout le monde comprenne que dans cette affaire, il
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ne s’agit pas de déterminer qui a gagné ou perdu les élections. Il n’est en aucune manière ici
question de politique. Si nous sommes présents aujourd’hui, c’est parce que des atrocités ont été
commises à grande échelle contre la population ivoirienne après les élections. Nous sommes là
pour envoyer un message fort à ceux qui prévoient, essaient d’accéder au pouvoir ou de s’y
maintenir en ayant recours à la violence et à la brutalité : ils devront dorénavant répondre de
leurs actes.
Madame President, Your Honours, with your leave I will now continue in English.
Today, my Office is here to demonstrate that Mr Laurent Gbagbo bears the greatest
responsibility for some of the worst crimes committed in Côte d’Ivoire during the post‐election
crisis of 2010 ‐ 2011.
What should have been a moment of national unity, the first presidential elections in 10 years in
Côte d’Ivoire, descended into chaos and unspeakable violence.
The Prosecution’s evidence will show that, Mr. Gbagbo and members of his inner circle adopted
a Policy and Common Plan with the objective of maintaining Mr Gbagbo as President of Côte
d’Ivoire by any means, including by lethal force.
We will show that Mr Gbagbo and forces under his control are responsible for the death, rapes,
serious injuries to, and arbitrary detention of countless law abiding citizens, civilians who were
perceived to support Mr Ouattara.
For these brutal, revolting acts, the Prosecution charges Mr Gbagbo with crimes against
humanity and we will request the Chamber to commit Mr Gbagbo to trial for these crimes.
The first round of the presidential elections took place on 31 October 2010. The second round
was organised between 28 November and 1 December 2010.
On 2 December, the Chair of the Independent Electoral Commission announced the provisional
results, declaring victory for Mr Ouattara. The next day, the President of the Constitutional
Council, overturned that decision and declared Mr Gbagbo the winner. The two candidates
simultaneously declared themselves President of Côte d’Ivoire.
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This resulted in the Republic of Côte d’Ivoire being engulfed in a violent post‐election crisis,
until May 2011 that shocked the world.
This should have been an historic moment ‐ the first presidential elections in Côte d’Ivoire since
2000. Instead, in the span of only 3 days, the country was transformed from an exercise in
democracy, with more than 80% of the registered voters casting their ballot, to a situation of
division and hatred during which hundreds of civilians became victims of mass violence.
The Prosecution is here to give a voice to these victims – to all the victims who have suffered
and those who continue to suffer. The ICC cannot bring back the family members they have lost
or make them forget the pain they have suffered. By charging Mr Gbagbo for the crimes
committed, we aim at bringing justice to these victims.
Madame President, Your Honours,
The Prosecution has selected four incidents that are representative of the crimes committed by
pro‐Gbagbo forces in a sustained series of attacks put into motion by Mr Gbagbo during the
post‐electoral violence.
During the next few days, the Prosecution will summarise its core evidence regarding these
four incidents. It will show that
Mr Gbagbo is responsible for the killings of at least 166 persons, the rapes of at least 34 women
and girls, the infliction of serious bodily injury and suffering on at least 94 persons and for
committing the crime of persecution against at least 294 victims.
Let me emphasise: the charges that will be the focus of these proceedings relate only to the acts
and individual criminal responsibility of Mr Laurent Gbagbo. These charges are not brought
against the people of Côte d’Ivoire, nor against one or other segment of its population. These
charges are not brought against any political, national, ethnic or religious groups within this
country. They are brought against an individual, who, the Prosecution will show, committed
crimes that victimised the entire population of Côte d’Ivoire.
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This Court will guarantee fair proceedings and all the rights of
Mr Gbagbo under the Rome Statute will be fully respected. At the end of the Confirmation
Hearing, it will be for you, the Judges, for this Chamber alone, to decide whether to commit Mr
Gbagbo to trial.
Madame President, your Honours, with your leave I will now ask Mr Eric MacDonald to
summarise the charges and the foundation of the Prosecution’s case against Mr Gbagbo.
Madame la Présidente, Honorables juges,
M. Gbagbo fut Président de la Côte d’Ivoire d’octobre 2000 à décembre 2010. Après avoir exercé
le pouvoir pendant dix ans, il était déterminé à le conserver, quel que soit le résultat de
l’élection de 2010. Il n’a cessé de répéter qu’il ne cèderait pas le pouvoir.
Avant le premier tour des élections, M. Gbagbo et des personnes de son entourage immédiat
ont adopté une politique visant à se maintenir au pouvoir par tous les moyens possibles,
notamment en lançant de violentes attaques meurtrières contre des civils qui, selon eux, étaient
acquis à la cause de leurs opposants.
M. Gbagbo a nommé des personnes qui lui étaient fidèles à des postes clés du Gouvernement et
au sein des Forces de défense et de sécurité ivoiriennes, les FDS. Il cherchait ainsi à consolider le
pouvoir qu’il exerçait sur ces dernières, afin d’être en mesure de les utiliser, si nécessaire, pour
se maintenir à la Présidence.
Il a également renforcé les FDS en recrutant systématiquement de jeunes miliciens et des
mercenaires et en les plaçant au sein de la chaîne de commandement, afin de pouvoir les
contrôler. M. Gbagbo s’est également assuré personnellement que les forces qui lui étaient
fidèles étaient correctement entraînées, financées et armées.
Comme précisé plus tôt par Madame le Procureur, après le second tour des élections,
M. Ouattara et M. Gbagbo se sont tous deux déclarés Président de la Côte d’Ivoire.
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Aussitôt, des milliers de partisans de M. Ouattara se sont rassemblés pour exiger la démission
de M. Gbagbo. La communauté internationale, observateur indépendant, a reconnu
M. Ouattara comme le nouveau Président élu et a exhorté M. GBAGBO à renoncer au pouvoir.
Madame la Présidente, Honorables juges,
Malgré ces demandes répétées pour l’exhorter à se retirer, M. Gbagbo a refusé de céder le
pouvoir et a continué d’exercer de facto ses fonctions de Président de la Côte d’Ivoire et de
commandant en chef des forces armées. Il a mobilisé les forces qui lui étaient subordonnées et
leur a ordonné de mettre en oeuvre la Politique visant à le maintenir au pouvoir par la force.
Concrètement, il a ordonné de faire cesser les manifestations et a fait déployer des militaires
lourdement armés, qui ont eu recours à la force létale contre des manifestants non armés dans la
rue.
Pendant toute la période de violence postélectorale, M. Gbagbo a coordonné la mise en oeuvre
de la Politique. Il a fréquemment tenu des réunions avec les commandants de l’armée et avec
ses alliés politiques. Informé des événements sur le terrain, il a avalisé les activités de ses
subordonnés. M. Gbagbo était au centre des décisions à l’origine des activités criminelles
menées par ses forces contre des civils. Le camp pro‐Gbagbo a fermé les yeux sur les crimes
commis par les forces qui lui étaient fidèles et en a même nié l’existence à plusieurs reprises.
Personne n’a eu à rendre de comptes.
Pendant ce temps, M. Ouattara et des membres de son Gouvernement s’étaient installés l’Hôtel
du Golf, dans le quartier de Cocody, à Abidjan. M. Gbagbo a ordonné à ses forces armées de
mettre en état de siège l’Hôtel du Golf et ses occupants – dont M. Ouattara et des membres de
son Gouvernement. Tout au long de la crise postélectorale, l’armée, des jeunes miliciens et des
mercenaires ont maintenu ce siège en lançant de violentes attaques contre les civils soupçonnés
de soutenir M. Ouattara et ont attaqué l’hôtel en question à l’arme lourde.
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Madame la Présidente, Honorables juges,
Les éléments de preuve de l’Accusation montreront que du 28 novembre 2010, soit le début du
deuxième tour de l’élection présidentielle, au 8 mai 2011, la mise en oeuvre coordonnée du Plan
commun a abouti à des attaques systématiques et généralisées lancées par les forces fidèles à
M. Gbagbo contre des civils pris pour des partisans de M. Ouattara.
Les attaques perpétrées par les forces pro‐Gbagbo suivaient toujours le même modus operandi :
l’usage excessif et brutal de la force contre des civils non armés, notamment à l’arme lourde
dans des quartiers densément peuplés, pour disperser les manifestants acquis à la cause de
M. Ouattara ou encore pour terroriser la population civile soupçonnée de soutenir ce dernier.
Les forces pro‐Gbagbo ont pris pour cible des quartiers résidentiels d’Abidjan et de nombreuses
communautés dans l’ouest de la Côte d’Ivoire considérées comme des bastions de M. Ouattara.
De plus, ces forces s’en sont prises à certains groupes ethniques, religieux ou nationaux en
partant de l’hypothèse que les membres qui les composaient soutenaient la cause de
M. Ouattara. En s’attachant à ces théories de loyauté des groupes, les forces pro‐Gbagbo ont
procédé à des contrôles d’identité à des barrages routiers installés illicitement et ont attaqué des
personnes dont le nom ou d’autres traits distinctifs les rattachaient à ces groupes. Elles ont de
surcroît attaqué des quartiers ou des institutions religieuses considérés comme généralement
fréquentés par les partisans de M. Ouattara.
Dans le contexte de ces attaques, et notamment dans celui des quatre événements sélectionnés
par l’Accusation et que je vais résumer, les forces pro‐Gbagbo ont commis les crimes reprochés,
en l’espèce à M. Gbagbo.
Premièrement, le 16 décembre 2010 à Abidjan, des partisans de M. Ouattara, des civils, ont
marché vers les locaux de la Radiodiffusion‐Télévision Ivoirienne, la RTI, pour introniser le
nouveau directeur général de cette institution. Les forces pro‐Gbagbo ont réprimé cette
manifestation dans la violence alors qu’il n’y avait pas eu de provocation. Durant les jours
suivants, soit jusqu’au 19 décembre 2010, les forces pro‐Gbagbo ont ensuite lancé de violentes
attaques contre des civils dans divers quartiers d’Abidjan. Lorsque cette vague d’attaques a pris
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fin, les forces pro‐Gbagbo avaient tué 54 personnes au moins, en avaient blessé une
cinquantaine au bas mot et avaient violé au moins 17 femmes et jeunes filles. Il s’agissait à
chaque fois de victimes civiles.
Le deuxième événement en cause s’est déroulé le 3 mars 2011. Plus de 3 000 femmes se sont
rassemblées dans le cadre d’une marche pacifique à Abobo – quartier densément peuplé
d’Abidjan – pour demander la démission de M. Gbagbo et manifester contre les violations des
droits de l’homme. Les forces pro‐Gbagbo ont ouvert le feu sans sommation sur les
manifestantes, tuant sept femmes et blessant grièvement de nombreuses autres.
Le troisième événement a eu lieu deux semaines plus tard, le 17 mars 2011. Les forces pro‐
Gbagbo basées au camp Commando, à Abobo, ont tiré au mortier sur une zone civile
densément peuplée où se trouvaient un marché local, une mosquée et des résidences. Au cours
de cette seule attaque, plus de 25 civils ont été tués et plus d’une quarantaine ont été blessés
dans le bombardement du marché et de ses environs.
Nous en arrivons maintenant au quatrième incident. L’arrestation de M Gbagbo le 11 avril 2011
ne signifie pas la fin du plan commun. En fait, quelques jours avant son arrestation, M. Gbagbo,
depuis son bunker et alors que son appréhension physique n’était qu’une question de temps,
comme la suite des évènements le montrera, appelait le peuple à poursuivre la lutte contre M.
Ouattara et ses supporters qu’il associait à des terroristes. Son arrestation n’empêchera pas la
continuation de l’exécution du plan commun.
Le 12 avril de jeunes miliciens pro‐Gbagbo, des éléments de la police et des mercenaires ont
attaqué plusieurs secteurs de Yopougon où ils ont exécuté sommairement ou brûlé vives plus
de 80 personnes. Les auteurs de ces faits ont également violé 17 femmes au moins et, dans
certains cas, exécuté leur mari. Il y a eu plusieurs autres victimes blessées au cours de ces
attaques. Toutes étaient des civils originaires du nord de la Côte d’Ivoire et de pays voisins
d’Afrique de l’Ouest.
Madame la Présidente, Honorables juges,
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En conséquence, M. Gbagbo est accusé, au titre de l’article 25‐3‐a du Statut, en tant que coauteur
indirect, des crimes contre l’humanité suivants ou, subsidiairement, au titre de l’article 25‐3‐d,
d’avoir contribué à la commission de ces crimes, soit : le meurtre d’au moins 166 personnes, le
viol d’au moins 34 femmes et jeunes filles et le fait d’avoir infligé à 94 personnes au moins des
atteintes graves à l’intégrité physique et de grandes souffrances ou, à titre subsidiaire, d’avoir
attenté à leur vie. En outre, M. Gbagbo doit répondre du crime contre l’humanité de persécution
pour des motifs d’ordre politique, national, ethnique et religieux à l’encontre d’au moins
294 victimes.
Madame la Présidente, Honorables juges,
Voici, pour l’essentiel, les accusations et les fondements de la thèse de l’Accusation. Dans les
jours à venir, l’Accusation fournira des preuves à l’appui de ce qu’elle avance en identifiant et
en citant des déclarations de témoin, en renvoyant à des passages qui établissent que les crimes
en cause ont bel et bien été commis et que la responsabilité pénale de M. Gbagbo est à ce titre
engagée. L’Accusation s’appuiera également sur des extraits d’enregistrements vidéo, ainsi que
sur des rapports de l’ONU et d’ONG. Elle se fondera aussi sur des éléments de preuve
documentaires et informatiques qui ont été saisis, y compris des documents retrouvés dans la
résidence présidentielle de M. Gbagbo.
À l’issue de l’audience de confirmation des charges, l’Accusation demandera tout d’abord à la
Chambre de conclure à l’existence de motifs substantiels de croire que les crimes en question
ont été commis. Elle lui demandera ensuite de confirmer que la responsabilité de M. Gbagbo est
engagée et qu’il doit pénalement en répondre et enfin, de renvoyer M Gbagbo à procès afin
d’être jugé sur la base des charges telles qu’exposées dans le Document de notification des
charges.
Madame la Présidente, Honorables juges, ainsi s’achève notre déclaration liminaire. Nous vous
remercions de votre attention.
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Source: Office of the Prosecutor
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