Nouvelles révélations de Charles Onana: Comment la France a couvert les crimes de la rébellion
Par Notre Voie - Nouvelles révélations de Charles Onana: Comment la France a couvert les crimes de la rébellion.
Dans la deuxième partie de son intervention que nous vous proposons ci-dessous, le journaliste d’investigation et écrivain français d’origine camerounaise, Charles Onana évoque la façon dont les puissances occidentales soutiennent les rébellions armées contre les gouvernements qu’elles veulent renverser. Il commence par établir un parallèle entre la crise ivoirienne et celle des Grands Lacs.
Il y a deux types de comparaisons qu’on peut faire entre le dossier des Grands Lacs et le dossier de la Côte d’Ivoire. La première comparaison, c’est que dans le dossier des Grands Lacs, par exemple le Rwanda, le président Juvenal Habyarimana qui était au pouvoir depuis 1973 jusqu’en 1994 a eu à faire, face lors de la période des années 90, à une rébellion armée qui était soutenue par les Américains, la Grande Bretagne et d’autres pays occidentaux. A l’époque, la France était le seul pays qui soutenait le président Habyarimana. La France a été accusée dans ce dossier, à tort à mon avis, puisque à ce moment- là la France soutenait la légalité au pouvoir c’est-à-dire le président en exercice. On avait de- mandé que le président Habyarimana fasse des efforts pour démocratiser le pays. Et il a fait ces efforts. On a demandé à la rébellion de négocier avec le pouvoir pour aller ensemble vers les élections. La rébellion n’a jamais déposé les armes et la communauté internationale ne s’est jamais indignée sur le fait que la rébellion ne dépose pas les armes. On a eu le même scénario en Côte d’Ivoire, mais cette fois, la France était non pas du côté du respect des institutions, mais elle s’est retrouvée en train de défendre la rébellion. Et contrairement à ce que les gens peuvent imaginer, la Côte d’Ivoire s’est retrouvée également dans une situation où le président Gbagbo était le président qui était sévèrement critiqué par l’ensemble de la communauté internationale comme M. Habyarimana était sévèrement critiqué en 1994. On avait demandé que la rébellion ivoirienne dépose les armes, arrête de faire la guerre contre les institutions de l’Etat, contre la république. La communauté internationale, à aucun moment, ne s’est indignée du fait que les attaques rebelles se poursuivaient. Mais on a fait mieux que ça.
Les rebelles ont assassiné deux soldats français
En 2003, avant que les rebelles ne viennent s’asseoir à la table de négociation à Linas-Marcoussis, ils ont assassiné deux militaires français. Et la France n’a jamais cherché à diligenter une enquête approfondie pour savoir pourquoi des rebelles ivoiriens ont assassiné des mili- taires français. J’ai trouvé que tout cela était un comportement inacceptable. Quand on arrive à Marcoussis, le président Jacques Chirac, lui-même, avec l’orchestration du ministre des affaires étrangères de l’époque, M. Dominique De Villepin, impose la rébellion au pouvoir. Le président Gbagbo est obligé par la suite de gouverner avec Guillaume Soro, chef de la rébellion, c’est-à-dire des gens qui ont assassiné des Français et de milliers d’Ivoiriens. Comment expliquer aux Ivoiriens que les gens qui ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité vont désormais partager le pouvour avec le président Gbagbo qui a été démocratiquement élu ? Voilà une situation à laquelle la communauté internationale devait faire face. Ou on défend la démocratie et on demande aux gens de venir au pouvoir par la voie des élections libres et plu- ralistes, ou alors on défend des coups d’Etat et des rébellions et alors on fait la promotion de ces rébellions comme on l’a fait au Rwanda, en RDC et en Côte d’Ivoire. Dans ce cas-là, ce n’est plus nécessaire de convaincre les Africains que les élections sont importantes, que le président de la république élu au suffrage universel, c’est im- portant, il faut dire à tout le monde, même si vous gagnez les élections, la meilleure voie d’accéder au pouvoir en Afrique, aujourd’hui, c’est de prendre les armes, menacer les institutions qui sont en place. C’est à ce moment-là que j’ai compris que la communauté internationale ne défendait pas ces principes. Défendre les principes de la démocratie, c’est défendre le pluralisme des élections et la transparence. Mais vous ne pouvez pas de- mander à un président comme on avait demandé à Habyarimana en 1994 d’organiser des élections ; au moment où le président François Mittérand convainc Habyarimana de préparer les élections, les Américains et la communauté internationale dans son ensemble valident la prise de pouvoir par la force et l’assassinat du président Habyarimana. Alors, je considère qu’il y a une incohérence dans la pratique de l’action démocratique sur le continent africain vu de l’Occident et de l’Union Européenne.
Ouattara en Côte d’Ivoire, c’est comme Kabila au Congo
La deuxième comparaison qu’il y a entre les événements de Côte d’Ivoire et les événements, par exemple du Congo, c’est qu’à la tête de la Côte d’Ivoire, on a ins- tallé quelqu’un qui était d’ori- gine étrangère (…) Dans le cas du Congo, ça a également été la même chose. M. Joseph Kabila, dont on dit qu’il serait le fils de Joseph-Désiré Kabila, on sait très bien qu’il est originaire du Rwanda, qu’il a été formé par l’armée patriotique rwandaise. Et que c’est à la suite de cette formation, qu’il est venu conquérir le pouvoir au Congo contre le Maréchal Mobutu Sessé Séko. Kabila Joseph fait partie des gens qui ont participé, dans l’armée rwandaise, à la chute du Maréchal Mobutu.
Lorsque le président Laurent Désiré Kabila est assassiné en 2001, pendant que les Congolais sont en train de chercher qui, du point de vue de la Constitution et des procédures légales, doit remplacer le président pour cause de vacance de pouvoir, Joseph Kabila effectue immédiatement un voyage à Washington et à Paris. Et c’est Paris et Washington qui valident la mise en place du président Joseph Kabila à la tête du Congo. Et je retrouve dans les archives diplomatiques de l’Union Européenne le fait que les Etats-Unis avaient décidé que Joseph Kabila devait être le nouveau président de la république du Congo. Cela a provo- qué des débats au sein de l’Union Européenne. Et dans les documents confidentiels de l’Union Européenne, je constate également que tout le monde : M. Romano Prodi, M. Ado Ayélo (qui était le représentant spécial de l’U.E dans les grands Lacs)… Tous ces gens-là ont participé, soit par leur silence, soit par leur complaisance, à l’installation de Joseph Kabila à la tête du Congo. En dehors de toutes les procédures démocratiques. Puisque les Congolais sont arrivés à démontrer que non seulement les fraudes électorales étaient massives ; que l’U.E avait financé un processus électoral qui était complète- ment douteux, mais que malgré tout ça, il fallait garder Joseph Kabila au pouvoir. Malgré toutes les protestations des Congolais et malgré les protestations des experts de l’U.E. Les experts ont dit qu’il y avait un énorme problème avec l’élections congolaises. M. Javier Solana, le patron de la diplomatie européenne, M. Ado Ayélo, M. Louis Michel, commissaire de l’U.E, ont validé une élection qu’ils savaient tous fausse, bi- donnée par l’ensemble de la communauté internationale. Face à une telle situation, on se rend compte qu’en Côte d’Ivoire, on a mis au pouvoir quelqu’un qui était d’origine étrangère en ne respectant pas les procédures démocratiques. Au Congo, on a pris quelqu’un qui était d’origine étrangère. On l’a mis à la tête d’un pays très riche. Vous constatez que la Côte d’Ivoire, en Afrique de l’ouest, est un pays riche. Le Congo en Afrique centrale est un pays riche. Alors que ce choix-là de ces deux chefs d’Etat n’est pas du tout ni le choix des Ivoiriens, ni le choix des Congo- lais. Et cela est prouvé à la fois par les documents qui sont les procès-verbaux des élections. Mais cela est également confirmé par un certain nombre de représentants européens et occidentaux qui ont participé à ces processus électoraux. Comment voulez-vous que les gens continuent à croire à la démocratie en Afrique quand leurs souhaits ne sont pas respectés. Quand leurs désirs ne sont pas respectés. Mais mieux que cela quand on bafoue devant leurs yeux le choix qu’ils font des représentants qu’ils sont censés être les leurs. Je crois que le problème, il se trouve à ce ni- veau-là. Et il y a, bien entendu, des Africains qui tirent profit de cela. Mais je crois qu’il faut être honnête quand on parle de ces questions. Si on décide de ne plus valider des dictateurs au pouvoir, si on veut valider des gens qui n’arrivent plus par des voies déloyales, par des méthodes brutales au pouvoir, il faut renforcer le système qui est reconnu universellement comme le système le plus démocratique. C’est-à-dire des élections libres et transparentes. Si on veut mettre quelqu’un au pouvoir par la voie de la rébellion, ce n’est plus la peine qu’on parle de démocratie. Mais si on veut mettre les gens au pouvoir par la voie de la démocratie, ce n’est plus nécessaire qu’on valide des pseudo- élections ou des élections truquées ou même des élections qui sont contestées par les citoyens de ces pays. Or ce qui se passe aujourd’hui, depuis à peu près 10 ans ou un peu plus, c’est que l’Union européenne et la communauté internationale ont pris l’habitude de valider des chefs rebelles à la tête des Etats. D’un côté, ça a été le cas en Côte d’Ivoire, ça a été le cas au Congo, ça a été le cas à la tête du Rwanda. Tous ces gens qui sont arrivés au pouvoir sont arrivés par la voie des rébellions. Et, d’un autre côté, on refuse de valider des gens qui arrivent par la voie des élections libres et transparentes parce que ces gens-là, ils ne correspondent pas aux aspirations de la com- munauté internationale. Ou, en tout cas, ces gens-là ne sont pas acceptés par eux. Mais par leurs populations. Parce que si leurs populations veulent un dirigeant, même si vous n’aimez pas ces dirigeants, il faut quand même accepter le choix de ces dirigeants. La preuve, c’est qu’en Occident, les gens ne viennent pas dire aux Occiden- taux que vous avez choisi, en Italie, Berlusconi, nous, on ne peut pas accepter Berlusconi. Ou que vous avez choisi Sarkozy, nous, on n’est pas d’accord avec Sarkozy. Les Français en choisissant Sarkozy, même si Sarkozy s’est révélé être un dirigeant contestable, ils l’ont accepté, ils ont assumé le fait d’avoir choisi Sarkozy.
Le procureur Ocampo était mandaté par les grandes puissances
En Italie, même s’il s’est révélé que M. Berlusconi était l’un des dirigeants italiens qui posait beaucoup de problèmes avec la justice de son pays parce qu’on a dû finir par lui enlever, lui ôter son immunité sénatoriale, mais tout le temps Berlusconi a été au pouvoir, les Italiens ont eu à supporter M. Berlusconi. Je ne comprends pas pourquoi. Il faut laisser les Africains supporter M. Gbagbo pendant 15 ans, 20 ans si eux, ils décident de l’élire pendant 20 ans. Et laisser les Africains supporter M. Habya- rimana plutôt que de l’assassiner. Il faut laisser les gens au Congo choisir M. Tshisekedi ou quelqu’un d’autre plutôt que de les écarter tous. Procéder de cette façon-là fait perdre à l’Occident sa crédibilité sur le discours démocratique. Procéder de cette façon-là fait douter aux Africains de la bonne foi de leurs partenaires occidentaux. Procéder de cette façon fait que les Occidentaux vont, eux- mêmes par leur façon de faire, allumer des foyers partout qui vont systématiquement menacer leurs intérêts. Alors que, dans le même temps, ils ont envie de travailler dans un contexte de paix et de quiétude. Ce n’est pas possible quand vous créez des foyers de tension volontaires ou involontaires, mais quand vous les démultipliez, alors que les aspirations des peuples sont différentes, vous vous mettez dans une situation qui va vous revenir au visage comme un boomerang avec l’immigration et tous les autres dossiers que les Occidentaux contestent. Si vous empêchez que les gens élisent leurs dirigeants, ne soyez pas surpris par la suite que les immigrants fuyant les guerres et fuyant les rebelles qui sont installés au pouvoir avec l’aval de la communauté internationale prennent la mer, fuient je ne sais pas quelle autre voie pour arriver en Occident. Parce qu’ils ne peu- vent pas supporter les chefs rebelles qu’on est en train d’installer au pouvoir dans ces différents pays. A un moment donné, il faut que la rationalité revienne dans la mentalité des Occidentaux et d’un certain nombre de dirigeants africains qui ont choisi la voie de la rébellion plutôt que la voie démocratique pour que les principes qui sont défendus de façon universelle soient partout appliqués, partout respectés conformément au droit constitutionnel de ces pays et conformément au droit international. Pour parler de la Cour pénale internationale, je pense tout simplement, pour avoir enquêté sur son procureur en chef, M. Ocampo Moreno, je me suis simplement rendu compte que lorsque M. Ocampo était jeune avocat en Argentine, il a été l’avocat du célèbre footballeur Diégo Maradona, il a travaillé sur les procédures militaires en Argentine. A l’époque, il avait une fondation. Et cette fondation a été financée par le département d’Etat américain sur les questions de la démocratie de manière générale en Amérique du sud, en Amérique latine. Je me suis rendu compte que quand Ocampo a été désigné comme professeur, il est venu à Havard avec l’aide d’un certain nombre d’enseignants américains qui étaient très liés aux actions de déstabilisation des Etats en Amérique latine. Et j’ai surtout remarqué qu’il était soutenu et financé par d’autres fondations américaines anglo- saxonnes qui agissent dans la déstabilisation du Venezuela, d’autres pays, la Bolivie, etc. Je me suis demandé qui est ce procureur qu’on veut présenter aujourd’hui comme le procureur qui doit être à la tête de la Cour pénale internationale. Est-ce pour avoir un parcours qui est le sien, il peut être un procureur indépendant? Et je me suis rendu compte que, dans le dossier du Darfour, par exemple, M. Ocampo n’était pas du tout indépendant et a appliqué la politique qui était celle des Etats- Unis au Soudan. La politique des Etats-Unis au Soudan, c’est quoi ? La politique des Etats- Unis a mis le président Al-Ba- chir sur la liste des pays qui soutiennent le terrorisme inter- national simplement parce qu’Al-Bachir soutient la cause palestinienne. Le président Al- Bachir a fait la guerre du Kippur en 1973 contre Israël. Le président Al-Bachir a un autre dé- faut. Au moment où son pays est mis sous embargo économique, eh bien, il ne lui reste qu’une seule possibilité. C’est de recourir à la Chine. Alors que les Américains avec l’Italie étaient les pays qui exploitaient le pétrole au Soudan avant. Mais, avec l’embargo, il y a eu un consensus au niveau occidental pour ne surtout pas apporter un soutien économique au Soudan. Le Soudan s’est tourné vers la Chine et a confié l’exploitation des puits pétroliers à la Chine. Quand je suis allé au Soudan, je me suis rendu compte d’un fait. Il n’y a plus de concessionnaire européen au Soudan. L’ensemble des voitures utilisées par les hauts fonctionnaires soudanais sont des voitures asiatiques. Et donc le procureur Luis Moreno- Ocampo décide de traduire le président Al-Bachir devant la Cour pénale internationale (Cpi), alors que le Soudan n’a jamais ratifié le protocole de Rome. Il fait mieux que ça. Il dit : «Lui, il est en train d’organiser un génocide contre le peuple du Darfour ». Sauf que les noirs du Darfour sont une partie d’entre eux des rebelles soutenus par la communauté internationale. Et, dans le camp du Darfour, vous avez vu des acteurs de renom tels George Clooney, le prix Nobel de la paix, des associa- tions pro-israéliennes, une soixantaine mobilisée pour le nord du Darfour. Je me suis de- mandé : «Mais enfin, il y a des Noirs aux Etats-Unis ?» Notamment quand il y a eu la catas- trophe de Katrina où il a été démontré que le gouvernement Bush a été incapable de proté- ger ces populations, mais personne ne s’est mobilisé autant pour défendre ces Noirs. Mais qu’est-ce qu’il y avait chez les Noirs du Darfour de si passionnant, de si attractif pour mobiliser tous ces gens ? Bernard Kouchner, Georges Bush voulaient tous aller sauver les Noirs du Darfour, alors que les Américains Noirs, victimes de discrimination policière, de violence et de choses horribles dans leur pays, ne sont pas soutenus par tous ces gens. Je me suis simplement rendu compte que c’est pour renverser le président Al- Bachir que toute cette affaire a été montée. Puisque je suis allé au Darfour. Il y avait des Noirs au Darfour qui certes avaient des problèmes par rapport à l’équilibre du développement dans le pays. Et ce problème d’équilibre se posait au niveau du Darfour, mais également au sud du Soudan. Mais personne ne voulait qu’on s’y attaque et là le gouvernement de Khartoum a eu tort de ne pas régler ces problèmes-là. Mais ce n’est pas des problèmes qu’on doit régler en traduisant un président de- vant la Cour pénale internationale. Je me suis finalement rendu compte que M. Ocampo est venu à la Cpi pour appliquer la politique des grandes puissances qui l’avaient mandaté, qui l’avaient placé à la tête de cette cour. Et le cas du Darfour était patent. Puisque, dans le rapport des Nations unies publié en 2005, une commission des Nations unies était présidée par un juge sérieux, Antonio Cassese, spécialiste du droit international. Le rapport conclut que ce qui se passe au Darfour n’est pas un génocide. Mais, pour MM. Georges Bush, Clooney, Bernard Kouchner, ce qui se passe est un génocide. Et leur avis est plus important que celui des experts du droit international mandatés par la Mission des Nations unies. En enquêtant, je découvre que l’histoire du Darfour est un montage atroce qui n’avait qu’un seul but, qui est celui de faire déstabiliser le Sou- dan, de faire arrêter le président Béchir dont, je rappelle, le pays n’a pas ratifié le statut de Rome. Je remarque qu’une fois le Soudan a été divisé en deux, que le sud a pris son indépendance parce qu’il y a du pétrole, beau- coup de pétrole dans le sud. Eh bien, il n’y a plus de problème du Darfour. Est-ce qu’on a retrouvé les génocidaires du Darfour ? Les a-t-on tous arrêtés ? On ne parle plus du génocide. De la même façon, lorsqu’on a voulu arrêter le président Gbagbo, renverser le président Gbagbo du pouvoir, le moyen qu’on a trouvé, c’était de l’emmener à la Cour pénale internationale. Alors qu’au mois de mars 2011, je découvre l’acte d’accusation préparé contre le président Gbagbo par des avocats parisiens, avant la chute même du président qui va intervenir en avril. Ça m’a été remis par un ami qui est membre de ce cabinet (...) Toujours est-il qu’en construisant cet acte d’accusation, il n’y avait rien dans ce dossier. On parlait des escadrons de la mort. On disait que le président Gbagbo et sa femme avaient décidé de mas- sacrer les populations. Dans le même temps, tout le monde savait que les rebelles ivoiriens avaient tué des milliers et des milliers de personnes, mais leurs crimes ne comptaient pas parce qu’ils étaient soutenus par la communauté internationale. Tout ce que faisait le camp Gbagbo était les seules fautes et les seuls crimes dont on devait parler. Il ne fallait surtout pas parler des crimes ou des amis que nous soutenons. J’ai trouvé cela profondément malhonnête et déséquilibré. J’ai trouvé que ça manquait d’objectivité. C’est pour cela que j’ai trouvé nécessaire d’enquêter. La Cour pénale internationale se trouve aujourd’hui dans une situation embarrassante. Ils n’ont pas de preuves suffisantes, d’après ce que dit la Cour elle-même. En 2011, ce n’est pas ce qu’on nous disait.
Pour le cas Gbagbo, la Cpi se trouve aujourd’hui dans l’embarras
On nous disait qu’il y avait des preuves à profusion. Et des preuves accablantes contre Simone Gbagbo, contre tout l’entourage du président Gbagbo. Quand Alassane Ouattara arrive au pouvoir, c’est parce qu’en été, M. Sarkozy avait décidé d’arracher, d’aller extirper Laurent Gbagbo de la présidence de la République. Donc ils n’ont pas eu le temps de cacher les preuves. Tous les crimes que le président Gbagbo a commis ou que son entourage a commis, pourquoi on ne les a pas versés immédiatement à la Cour, pour faciliter la tâche du procureur ? Pourquoi on n’a pas pu obtenir les témoins, les anciens collaborateurs du président. Puisque j’ai cru comprendre qu’un certain nombre d’anciens collabo- rateurs du président Gbagbo a travaillé avec le régime Ouattara. Pourquoi ces gens qui dé- tiennent des preuves ou qui sont des témoins importants ne sont pas appelés à témoigner à charge devant la Cour pénale internationale. C’est une véritable comédie à laquelle on assiste devant cette cour. C’est lamentable pour la communauté internationale, c’est grave pour les vraies victimes. Parce que les vraies victimes de la crise ivoirienne ne savent rien des suspects de la rébellion. Comment voulez-vous établir la justice et la vérité ? Dans une crise qui concerne deux parties, on ne poursuit qu’une partie. Quand vous travaillez sur ce genre de dossier qui met en évidence les forces occidentales, la censure se fait des deux côtés. Vous avez une censure qui vient d’Afrique et une censure qui vient de l’Occident. La censure qui vient de l’Occident, je peux dire qu’elle est facile à gérer, contrairement à ce que l’on pourrait penser. La censure qui vient de l’Occident a cette faculté de vous permet- tre de pouvoir l’anticiper. Quand vous sortez un dossier, vous savez généralement que les médias ne vont pas en parler. Parce qu’il y a un consensus entre les politiques et les médias. Consensus tacite. On a vu, mais on fait comme on n’a pas vu. De toutes les façons, moins on fait la publicité, moins les gens ont la possibilité de savoir qu’il y a quelque chose. Il y a la censure qui consiste à vous at- taquer en diffamation. Parce qu’on considère que vous portez atteinte à l’honneur de quelqu’un qui n’a pas d’honneur en réalité, puisqu’il est trempé dans un dossier. Vous avez trouvé des preuves qui le com- promettent. Donc vous avez la possibilité à tout point de vue de pouvoir gérer et comprendre comment fonctionne cette censure.
Propos retranscrits par Augustin Kouyo, Benjamin Koré et César Ebrokié
Source: Notre voie N°4602 du vendredi 27 décembre 2013