Noix de cajou/Touré Abdoulaye :“QUE LA FUITE DU PRODUIT SOIT STOPPÉE”

Le 09 mars 2011 par Fraternité matin - Le président de l’intercajou, Touré Abdoulaye expose ses espoirs pour la filière en se qui concerne le revenu de tous les opérateurs.

Le 09 mars 2011 par Fraternité matin - Le président de l’intercajou, Touré Abdoulaye expose ses espoirs pour la filière en se qui concerne le revenu de tous les opérateurs.

Vous venez de fixer le prix de la campagne 2011, sous quelles auspices placez-vous cette campagne ?
Cette année est particulière et pour la Côte d’Ivoire, et pour notre filière. Parce que vous certainement l’avez remarqué, le prix a été annoncé plus tôt que d’habitude. Car nous voulons sauver les revenus des producteurs et les amener à se considérer comme de véritables opérateurs économiques qui peuvent non seulement avoir de meilleurs revenus, mais également voir leurs conditions et de vie de travail s’améliorer. Cette année, nous plaçons cette campagne sous les auspices d’un développement de proximité en faveur des producteurs d’anacarde de Côte d’Ivoire.
Qu’entendez-vous par développement de proximité?
Nous voulons aussi bien être plus proche d’eux, que tenir compte de leurs préoccupations et faire en sorte qu’à partir de cette année, nous ayons un véritable décollage de la filière anacarde et de ses acteurs. Car il ne s’agit pas seulement des producteurs, mais aussi des exportateurs, des transformateurs et des acheteurs.
D’habitude, les acheteurs n’étaient pas identifiés, cette année pourtant, ils le seront. Traditionnellement, les exportateurs se retrouvaient au bord champ, mélangeant ainsi les jeux de rôles qu’ils avaient à exercer. Parce que cet espace ne leur est pas réservé. C’est celui des producteurs. Cette année, nous voulons que cela soit appliqué scrupuleusement. Nous voulons également voir s’interrompre la fuite des produits vers les frontières, même si le contexte actuel rend cela ardu. Vous savez, avant la création de l’intercajou, il était difficile que les prix puissent chaque fois remonter à la hauteur du marché international. Simplement parce que les actions d’encadrement n’étaient pas assez suffisantes. Depuis 2008 déjà, nous avons engagé un certain nombre d’actions d’encadrement qui ont permis que les prix annoncés soient toujours revus à la hausse. C’est-à-dire que, les prix annoncés finissent toujours à la fin de la campagne par une hausse. En 2008, être majorés de 200 F Cfa, on a terminé à 300 F. En 2009, nous avons démarré avec 150 F à cause du coût du dollar et, vu la crise financière internationale, on a fini à 215F. En 2010, le prix qui a été annoncé était de 170F, nous l’avons remonté, lorsque nous avons réglé les querelles internes, à 225 puis à 500 F le kilogramme. Cette année, nous commençons avec un prix minimum obligatoire de 280F avec les producteurs, ce qui correspond à 330F pour la première fois pour les structures, et à 375f au magasin local et au Port d’Abidjan pour le démarrage de la campagne. Chose qu’on avait jamais pu réaliser ! Mais, pour mieux apprécier, vous comprendrez qu’avant 2008, c’est-à-dire avant la naissance de l’intercajou et à partir de 2005 où on a eu véritablement des statistiques établies, chaque fois que le prix était annoncé, il n’était pas du tout appliqué. Par exemple, en 2006, le prix annoncé était de 150F. Mais, en fin de campagne, on était à 25 F chez les producteurs. En 2007, ce prix était de 130F, mais on avait terminé en fin de campagne avec 25 F. C’est donc pour dire qu’aujourd’hui, le développement de proximité dont il est question, c’est faire en sorte que la noix de cajou puisse être perçue par le producteur comme étant une véritable source de revenus. Et l’encourager aussi à s’investir dans cette spéculation.
Est-ce que cette majoration du prix a un impact positif sur le volume produit actuellement par la Côte d’Ivoire ?
Tout à fait. Vous savez, on était en 1990 à 6 400 tonnes. En 2000, nous étions à 65 000 tonnes et en 2010 à 311 000 tonnes. Vous voyez qu’il y a eu un bond quantitatif, mais aussi qualitatif. Pour la simple raison que les cours de la noix de cajou ont connu, au fur et à mesure, des évolutions positives. Depuis 2008, les producteurs ont commencé de plus en plus à s’y intéresser.
N’y a-t-il pas d’autres actions du genre à mener de sorte que la Côte d’Ivoire ne se contente pas d’exporter de la noix brute sur le marché international ?
Nous avons un tonnage important en termes de production. Nous ne pourrons pas transformer ça en une seule année. Mais le temps que nous fassions de la transformation, les conditions de la commercialisation intérieure seront améliorées. Et pour aller à une transformation responsable, à une véritable et dont les producteurs pourront en bénéficier, il faut réunir les conditions afin que, à travers leur revenu amélioré, ils puissent eux-mêmes disposer du capital nécessaire pour s’investir dans la transformation.
La transformation s’impose à la filière cajou, pour deux raisons. La première, c’est que notre production va croître pour la simple raison que celle de l’anacardier va augmenter au fil des années. Le second impératif qui s’impose à nous, c’est qu’en restant collé à la commercialisation des noix brutes, toute la valeur ajoutée s’est exportée vers les pays qui sont nos clients. Notamment l’Inde à presque 60% et le Vietnam à presque 39%. Et d’autres pays sont en train de ce signaler. Par ailleurs, nous savons également que le marché de consommation d’amande est en forte croissance. La Chine vient de s’y intéresser. Ce qui fait qu’un gros marché est en vue, en plus des Occidentaux et même du Moyen-Orient. Ceci dit, nous avons tout intérêt à faire de la transformation de la noix et de la pomme de cajou. Parce que ce qu’on ne vous savez pas, c’est que pour 2010 du moins qui vient de s’écouler, la production de noix de cajou est estimée à 400 000 tonnes. Cela correspond, en ce qui concerne la pomme de cajou, à près de 935 000 tonnes. Qui n’ont été utilisées d’aucune façon au plan commercial. C’est une ressource abandonnée au bord champ ; Or, quand on prend le fruit de l’anacarde, la pomme de cajou représente 70% de la valeur du produit. Vous comprenez que nous ne sommes captés que les 30%. Il s’agit pour nous de changer la donne. Transformer la noix, transformer également la pomme. Et dans ce sens, depuis 2008 et 2009, des projets ont été engagés avec les bailleurs de fonds en vue d’établir pour la Côte d’Ivoire le plan national de transformation de la noix de cajou. Il y a eu un certain nombre de travaux qui ont déjà été réalisés et aujourd’hui, il s’agit de faire en sorte que ces projets qui ont été menés avec le concours des bailleurs de fonds intègrent une politique nationale de transformation de la noix de cajou. La transformation est non seulement une urgence pour nous, mais encore d’un gros intérêt pour notre filière.
En terme de création d’emplois, combien pourrait en générer la transformation ?
Concernant des emplois directs qui peuvent être créés, si nous parvenons à transformer, par exemple, les 400 000 tonnes que nous produisons aujourd’hui en Côte d’Ivoire, ce sont près de 90 000 emplois que nous créons. Près de 90% de ces emplois sont réservés aux femmes. C’est un domaine pourvoyeurs d’emploi. Raison pour laquelle d’ailleurs, en 2008 et 2009, nous avons été sélectionnés dans le cadre de la gestion post-crise, comme une filière à capacité élevée en matière de création d’emplois. En Côte d’Ivoire, deux filières ont été cooptées dont la notre.
Quelle est la contribution annuelle de ce secteur dans l’économie nationale en terme financier ?
Nous n’avons pas fait de bilan en 2010. Mais pour ce qui concerne celui de 2009, nous savons que nous étions dans l’ordre de 189 à 190 milliards de Fcfa qui sont les flux financiers liés à cette spéculation. Vous savez que déjà en 2009, on était à près de 311000 tonnes d’exportation. En 2010, nous étions à plus de 350 000 tonnes en termes d’exportation et les cours ont été les plus élevés par rapport à 2009 qui était une période de crise. Vous comprendrez que les flux financiers pour nous demeuraient encore plus élevés qu’en 2009. En ce qui concerne la contribution directe aux caisses de l’Etat, quand vous prenez les 350 000 tonnes, ce sont près de 3 milliards 500 millions de Fcfa qui sont rentrés directement dans les caisses de l’Etat en termes Droit unique de sortie (Dus). Je rappelle aussi que notre spéculation fait partie de celle qui ne bénéficient, jusqu’à ce jour, d’aucune subvention de l’Etat de quelque nature que ce soit.
Interview réalisée par
Goore Bi Hué et Cissé Mamadou