Microfinance/Anyama : LES SOUSCRIPTEURS DE CEP- CECREV ATTENDENT…LEURS 600 MILLIONS D'ECONOMIES

Le 09 novembre 2010 par Fraternité Matin - Plus de 10.000 épargnants, hommes, femmes, jeunes, de toute catégorie socioprofessionnelle, du Compte d’épargne et de prêt rural, Compte d’épargne et de crédit urbain (CEP-CECREV), ont placé leurs économies

Le 09 novembre 2010 par Fraternité Matin - Plus de 10.000 épargnants, hommes, femmes, jeunes, de toute catégorie socioprofessionnelle, du Compte d’épargne et de prêt rural, Compte d’épargne et de crédit urbain (CEP-CECREV), ont placé leurs économies

dans cette structure, dans l’espoir de se voir octroyés des prêts pour réaliser des petits projets leur permettant de se prendre en charge. Ils avaient fait entièrement confiance à cette « banque des pauvres ». Malheureusement pour eux, aujourd’hui, cette micro finance est en faillite. Et ils attendent toujours depuis 5 d’être remboursés. Retour sur un projet qui avait pourtant suscité un réel engouement dans la cité de la cola.

«Aujourd’hui, j’ai un réel besoin d’argent. J’ai des difficultés mais je n’ai plus d’accès au crédit. Pour agrandir mes activités, j’ai réaménagé un local. Mais, malheureusement, il n’y a plus de structure pour m’aider depuis la faillite de cette structure. Toute mon épargne est bloquée par cette caisse». C’est le cri de cœur de M. Diarra Bangali, la cinquantaine révolue, revendeur de pièces détachées de véhicules au quartier Schneider d’Anyama.
Ce souscripteur cette microfinance traduit éloquemment l’état d’âmes de milliers d’épargnants; qui ont fait confiance à cette banque rurale. Bangali est détenteur d’un compte ouvert le 30 août 1999. Son carnet d’épargne est même créditeur d’un montant de plus de 210.000 F depuis la date du 27 octobre 2005.
«Sur conseil de l’ancien directeur général, M. Olivier Bouaffon j’épargnais régulièrement. Ce qui m’a permis d’avoir 2 prêts, que j’ai remboursés. Par la suite, les difficultés ont commencé. Dans le dernier trimestre de 2005, quand tu allais à l’agence, on ne pouvait plus te payer. Et les autres épargnants avaient commencé à retirer leur argent, sans faire de dépôt. La situation s’est davantage dégradée jusqu’aujourd’hui», révèle le commerçant.
Sur le même alignement de son échoppe, à 10m se trouve celui de M. Congo Souleymane, ferronnier de son état, également épargnant dans cette même structure. Lui, son compte est ouvert depuis le 28 janvier 2004 ; avec un solde de 77.500 F à la date du 21 septembre 2005. «Aujourd’hui, il est difficile d’avoir des prêts avec une tierce personne. La micro finance nous aidait beaucoup. Avec la chute de cette structure, nous n’avons plus le courage d’aller déposer de l’argent dans les autres maisons de micro crédit» explique ce ferronnier très déçu.
Tout comme Sian Kito, artisan, autre souscripteur de cette caisse d’épargne détenteur du compte numéro 2230. Cette structure, qui est aussi une mutuelle d’épargne lui doit à ce jour, 65.000 F. «Un jour je suis aller faire un retrait de 30.000 F. La maison était fermée. Nous attendons tous les jours, dans l’espoir qu’une solution soit trouvée à ce problème. Il y a une administration provisoire qui a été installée en novembre 2005. Mais c’est le statut quo» Ajoute-t-il.
L’histoire de cette structure de micro finance ressemble, trait pour trait, à celle de nombreuses maisons de placement. Qui, l’année dernière, ont donné beaucoup d’espoir aux Abidjanais. Qui se sont vite rendus compte que c’était de l’illusion. Et dire que tout était bien parti pour cette structure qui venait d’ouvrir ses portes à Anyama !
En effet, le Compte d’épargne et de crédit urbain était jusqu’à la mi 2005 un modèle de réussite dans le milieu des affaires à Anyama. C’est la première caisse d’épargne à ouvrir un siège et une agence dans cette localité. L’assemblée générale constitutive a eu lieu le 13 octobre 1995 à Azaguié-Blida. Par arrêté numéro 630/MEF/DGTCP du 5 août 1997, la banque a été agréée comme institution de micro finance par le ministère de l’Economie et des finances sous le numéro A-1.1 11/97.
Avec 102 adhérents au départ, cette structure comptait 5000 membres en 2005 pour la seule agence d’Anyama. Auréolée par ce succès, la direction a ouvert d’autres agences à Azaguié, Yopougon, Koumassi, Loviguié, N’Zianouan et Akoupé en 2004. Les sociétaires de toutes ces agences sont au total 10.022. Mieux, cette caisse a eu la confiance des bailleurs de fonds. Notamment, le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et la coopération belge. Ces 2 institutions ont subventionné respectivement le CEP-CECREV à hauteur de 90 millions de FCFA le 7 mars 2002 et 50 millions le 31 décembre 2003.
Cette enveloppe a permis à la mutuelle de financer plusieurs projets parmi lesquels l’huilerie des femmes d’Attinguié (30 millions), le projet de production d’Attiéké des femmes d’Ahouabo (7 millions), la mutuelle des retraités d’Anyama (15 millions)… Dans le domaine du secteur informel, les artisans ont bénéficié de prêts évalués à hauteur de 100 millions de francs CFA.
La période du 10 mai au 10 septembre 2004 a certainement été l’apogée de la mutuelle d’épargne et de crédit. Elle a organisé pendant 5 mois une promotion pour davantage faire connaître ses produits et surtout attirer le maximum de sociétaires. «L’engouement et le succès de notre structure étaient tels que nous avons pensé que les banques classiques n’allaient pas résister à cette concurrence» reconnaît M. N’Guessan Kouassi Denis, PCA du CEP-CECREV.
L’euphorie des premiers moments n’a pas permis à la direction de maîtriser les données tant financières qu’humaines de cette structure de micro finance. Si bien que la mauvaise gestion de ces fonds, les crédits difficilement remboursés et le dysfonctionnement des organes de cette mutuelle ont entraîné la faillite de la banque.
Entre temps, accusé d’avoir détourné les fonds, l’ex-directeur général M. Olivier Bouaffon a été écroué à la Maca (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan). Mais l’on n’a pu établir avec exactitude la somme détournée.
Selon Mme Chamberline Longang, expert socio économiste, consultante indépendante en développement et management des entreprises coopératives appelée d’urgence au chevet du CEP-CECREV en novembre 2005, l’état des lieux est le suivant : "Cette caisse d’épargne doit aux souscripteurs et aux fournisseurs respectivement 229.356.000 F et 68.933.000 F. Les créances en souffrance s’élèvent à 154.180.000f. Soit un total de plus de 452 millions de francs CFA. Sans oublier 154.183.000 au titre des créances irrécouvrables".
De fait, face aux multiples difficultés liées à l’absence d’une saine gestion des fonds et le dysfonctionnement des organes de cette structure de micro finance, l’idée est venue de faire nommer une administration provisoire en lieu et place de l’ancienne direction générale. En accord avec la tutelle (le ministère de l’économie et des finances), Mme Longang Chamberline est nommée administrateur provisoire.
Elle prend effectivement fonction le 4 novembre 2005 à la direction générale de cet établissement sise à Anyama. Sa mission était de redonner espoir aux mutualistes à travers le payement des créances pour ceux qui doivent et permettre aux plus sceptiques de continuer à épargner. L’objectif étant de pourvoir cette caisse à court terme et à long terme la reprise totale des activités de toutes les agences.
Mais, la tâche de l’administrateur provisoire ne sera pas du tout aisée. «Avant même ma prise de fonction, il y avait 3 huissiers commis par l’ancienne direction pour recouvrer les crédits. Dès qu’une somme est recouvrée, ces huissiers l’utilisaient pour se payer les frais d’honoraires et la caisse ne percevait rien. Donc j’ai hérité d’une situation très confuse; car on ne pouvait connaître non seulement le nombre de souscripteurs, mais aussi et surtout la somme totale à recouvrer. Dans la mesure où le directeur déchu a bloqué tout le matériel de travail. Voilà le dilemme», révèle Mme Longang Chamberline.
Par ailleurs, elle a fait remarquer que les plus gros débiteurs sont délocalisés où ont tout simplement brouillé toutes informations pouvant permettre de les identifier et de les amener à payer ce qu’ils doivent à la caisse d’épargne. A ce niveau, on dénombre plus de 40% de débiteurs qui sont concernés.
La situation était devenue plus complexe surtout avec l’avènement des maisons de placement l’année dernière. «Ça été encore plus dramatique. Comment convaincre les mutualistes à venir réinvestir dans un contexte où les maisons de placement avaient promis donner aux souscripteurs des intérêts plus avantageux et donc plus attrayant que ce que les banques classiques et les structures de micro finances octroient. Je leur ai dit que s’ils remboursent, nous pouvons avoir un fonds de relance pour reprendre nos activités, car nous allons repartir sur de nouvelles bases», a-t-elle dit.
Mais en 2008, l’administrateur provisoire claque la porte car, le CEP-CECREV ne pouvant plus payer ses honoraires. Laissant du coup les nombreux épargnants à leur sort.
Ces faits sont confirmés par MM. N’Guessan Kouassi Denis et Gossan Claver, respectivement Président du Conseil d’Administration et trésorier général. Selon eux lorsque les souscripteurs viennent s’informer auprès d’eux pour avoir des nouvelles de leur caisse d’épargne, ils leur demandent de s’orienter vers l’administrateur provisoire. « Au départ il était question que nous versions des honoraires de l’administrateur provisoire. Mais aujourd’hui tout est bloqué car nous n’avons pas pu honorer nos engagements. Evidemment, cette dame ne peut plus continuer. Elle est à bout de souffle, » révèlent les 2 élus de cette structure bancaire rurale.

Sur les 7 agences que compte le réseau, seul Azaguié reste ouverte seulement pour permettre de faire les recouvrements. Les agences d’Anyama, Yopougon, Koumassi, … ont été fermées en 2006.
Par ailleurs, du 31 décembre au 30 mai 2007, seulement 10% des créances ont pu être recouvrées. A titre d’exemple, au chapitre de ce que cette entreprise doit aux souscripteurs pour tout le réseau s’élevait au début de la période sus mentionnée à 229.356.000 F. Aujourd’hui, il reste encore, 208.530.000 F. Soit seulement 20 millions de francs recouvrés.
Devant cette impasse évidente, on peut dire que les honnêtes citoyens qui ont consenti tant d’effort pour épargner se sentent de plus aujourd’hui grugés.
Comme il fallait s’y attendre, les déboires de cette caisse d’épargne ont également développé chez les habitants de la "Cité de la cola" un sentiment de réticence vis-à-vis des maisons de micro crédits; qui ont pourtant été accueillis au départ avec enthousiasme dans la ville d’Anyama.

ALFRED KOUAMÉ