Marie-Louise ETEKI-OTABELA, femme politique camerounaise: «Laurent Gbagbo mérite d’être déclaré premier président des États-Unis d’ Afrique»

Par Eburnienews.net - Marie-Louise ETEKI-OTABELA «Laurent Gbagbo mérite d’être déclaré premier président des États-Unis d’ Afrique».

Marie-Louise ETEKI-OTABELA, femme politique camerounaise.

Formée à la foie chrétienne, beaucoup la voyaient emprunter un chemin bien plus simple où elle pourrait se consacrer à une activité qui l’emmènerait à aider les plus nécessiteux, histoire de se préparer à la récompense divine dans l’au-delà. Marie louise ETEKI-OTABELA a choisi une voie bien différente où les coup bas sont la norme. Fille d’un père lui-même très engagé, cette femme formidable, au parcours universitaire extraordinaire, est entrée dans cette arène brutale qu’est la politique pour le seul but d’aider, rassure-t-elle, à «promouvoir un projet féministe de société pour un Cameroun féminin-pluriel». Nous avons décidé de donner la parole à Marie louise ETEKI-OTABELA afin qu’elle explique le sens de son engagement. Lisez plutôt.

Eburnienews : Bonjour Madame Etéki Otebela Marie-Louise.

Etéki Otebela Marie-Louise : Bonjour Monsieur…

EN : Voulez-vous vous présenter à nos lecteurs s’il vous plait?

MLE : Je vais vous joindre mon CV qui fait au moins 15 pages et puis vos lecteurs peuvent trouver des portraits de Mme Eteki sur Internet, Youtube, etc. Mais pour résumer disons que :
Je suis Madame Eteki née Nga-Otabela Marie louise (mle pour ceux qui me connaissent un peu)
Née le 13 avril 1947 à Ebanga (Okola) dans la Lékié au Cameroun
Mon feu père, Otabela Hubert, nous a envoyé en France, à Aix en Provence plus exactement- j’avais plus de 12 ans (en décembre 1959)- avec ma sœur cadette parce qu’il estimait que la meilleure éducation pour ses filles devait se faire chez les religieuses …lui même étant passé par le Séminaire.
Donc j’y ai fait mes études secondaires, sanctionnées par la suite par un Bac Philo toujours chez les Sœurs de Saint Thomas de Villeneuve à Chaville dans la banlieue Parisienne en 1967
C’est aussi en France que j’ai obtenu une Licence puis une Maîtrise en sociologie (option Développement…). En même temps je suis passée par la rue Saint Guillaume (comme Biya !) à Paris: l’Institut Supérieure des Sciences Politiques…
Enfin j’ai obtenu un PH.D. en Science Politique à l’UQAM au Canada en 1996 !
Rentrée une première fois au Cameroun en 1969…pour intégrer les masses c’était le mot d’ordre de l’UPC* clandestine qui a contribué à la formation de la conscience politique de la plupart des gens de notre génération. Nous étions les militants de l’UNEK syndicat des étudiants camerounais en France et en même temps membres de la FEANF avec d’autres Africains révolutionnaires…
Une fois au Cameroun avec mon époux René Eteki qui lui a fait ses études dans le réseau Jésuite depuis Liberman au Cameroun jusqu’à la Catho (rue d’ Assas à Paris) en passant par l’ Institut Sainte Geneviève ( Ginette) à Versailles et nos trois enfants, nous sommes passés par la Coopération (privée) française : nous avons géré pendant 5 ans une Convention Franco-Camerounaise dans le domaine de la promotion des PME/PMI. Ce qui nous a permis réellement de connaître et de comprendre le fonctionnement de notre pays…et par la suite dès 1975 à entreprendre nos propres activités.
De 1975 notre deuxième retour au Cameroun, nous avons eu des entreprises dans un grand nombres de secteurs camerounais dont la plus importantes a été la SCATRA dans le secteur Bâtiment et travaux publics de 1979 à 1989, date de notre exil au Canada. En même temps, j’ai travaillé à la MAETUR de 79 à 89 comme sociologue et enfin comme Directeur adjoint- de l’ Agence (ARYNO) chargé de la restructuration de des quartiers du Nord-Ouest de Yaoundé…
De retour du Canada en 1996, nous avons repris des activités privées, puis créé dès 1997, un restaurant célèbre au Cameroun « Le Dernier Comptoir Colonial » au bord de l’eau à Douala, et surtout notre Parti Politique la Coordination des Forces Alternatives ( la CFA) jusqu’à ce jour sans compter notre implication dans divers mouvements sociopolitiques et …économiques de notre pays. Femmes, villages, etc…

EN :A quand remonte votre engagement politique?

MLE : Alors vous voyez vous-même que mon engagement politique (formel) remonte à mon entrée à l’Université en 1967. Mais je dis toujours que je fais la politique depuis l’âge de 7 ans … Et je donne comme exemple de mon engagement politique trois faits :
- le refus de l’oppression… car petite, j’étais capable de pleurer toute la nuit quand ma mère me faisait des tresses au fil trop serrées jusqu’à ce que ma grand-mère coupe les fils avec une lame de rasoir…et dans l’obscurité (pour ne pas réveiller ma mère). C’est dire que dès l’âge de raison j’étais capable de prendre un risque total contre l’oppression…des femmes : ce refus sera explicité ensuite dans toutes mes organisations et activités politiques féministes !
- Le refus du tribalisme : c’est aussi probablement à cet âge que j’ai décidé que je n’épouserai pas quelqu’un de ma tribu : je suis beti (la tribu de Biya), les gens de la forêt et mon mari est Sawa, les gens de la Côte, on dit le Littoral au Cameroun
- Et fondamentalement parce que les gens de ma tribu ont refusé de voter pour mon père…socialiste africain avant « l’indépendance » je crois bien que j’ai été traumatisée par cette ingratitude…jusqu’à sa mort. Alors que lui m’expliquera plus tard que c’est en réalité parce qu’il avait refusé de rentrer dans le réseau de l’homosexualité (du Dr. Aujoulat) institutionnalisée en politique dès cette époque au Cameroun…

EN :Tout comme vous, plusieurs femmes connues d’origine camerounaise, sont très engagées en politique et surtout à gauche, ce qui est une exception en Afrique.
- Comment expliquez-vous le gout prononcé des femmes camerounaises pour la politique?
- Le Cameroun a-t-il un laboratoire spécifique de formation politique qui permette cela ou est-ce tout simplement un fait persistant des valeurs culturelles de votre pays?

MLE : C’est exacte. Et je dis toujours que personnellement, mon engagement politique féministe n’est pas que le fruit de la culture féministe française (d’Olympes de Gouges à Ségolène Royale en passant par Simone de Beauvoir et autres) du Mouvement des femmes en France mais
- d’abord de ma grand-mère qui a osé interpeller les Nationalistes de l’UPC publiquement dans les années 50 pour défendre son fils…dans notre village ! Récemment j’ai travaillé sur un texte**, un (bref) historique du mouvement des femmes pionnières au Cameroun : eh bien des années 40 à nos jours il y a des femmes extraordinaires dans tous les domaines d’activités au Cameroun ; ce que l’on a appelé les femmes émancipées…bien avant nos mères, nos grand-mères ont organisées des rébellions de femmes contre l’ordre social patriarcal*. Elles ont organisé une marche à Douala pour exiger la libération de leurs époux, emprisonnés (pour non-paiement des impôts) par les administrateurs Coloniaux en 1946 bien avant les luttes de libération nationale dans les années 50. Vous savez qu’au Cameroun ça a été une vraie guerre avec des camps de concentration à l’appui… Par conséquent, c’est probablement un trait caractéristique de la culture de ce pays.
- Ensuite avec l’avènement de nos Etats, même si quelques femmes ont été cooptées dans nos institutions depuis 50 ans, le Bilan de la « promotion » des femmes est aussi dérisoire que dans les autres pays du Continent…car paradoxalement en même temps les femmes Camerounaises ont été les plus instruites en même temps la culture traditionnelle reste un des carcans de notre domination : savez-vous que dans la plupart de nos langues maternelles, la femme se dit « la chose » de quelqu’un ? Sans compter que la guerre d’indépendance a été un vrai génocide dans notre pays et dans certaines (régions, comme dans le cas du Rwanda…) les femmes ont dû assurer à tout point de vue en l’absence des hommes…souvent parti ou tués dans les « maquis »…
- Enfin de nos jours, c’est peut-être tout cela qui explique …le goût des femmes camerounaises pour la politique. Mais comme c’est déjà la guerre au couteau entre les hommes dans l’arène politique en Afrique car dans un pays de 20 millions de citoyens si un seul a réellement le droit d’apparaître, vous pensez bien qu’ils ne sont pas prêts à laisser les femmes occuper la scène politique : la preuve, s’ils n’avaient pas paniqué à la déclaration de ma candidature en 2004, j’aurai été la première femme présidente d’un pays africain, bien avant Hélène Sirleave et vous voyez bien qu’en 2011, quand ils ont enfin laissé deux femmes candidates à l’élection présidentielle, c’était pour tourner le « phénomène » en ridicule…mais je dis toujours qu’on ne fait pas la politique pour…être président de la république !

EN :Vous dirigez un parti politique dont l’un des objectifs principaux est de faire la promotion de la femme. Mieux vous aller jusqu’à affirmer que les femmes africaines ont la solution d’un programme de développement alternatif. Pourquoi ne pas avoir créé un parti politique tout court? Que peut apporter un parti féminin, le troisième du genre dans votre pays, au développement économique et social des camerounais?

MLE : Voilà la question de fond ! Il faut d’abord dire comment ce parti a été créé. C’est le seul parti politique créé par une femme au Cameroun (il en existe plus de 250 maintenant –depuis les années 90) les deux ou trois autres sont des partis créés par des hommes dont ces femmes ont soit hérités soit qu’elles ont succédé à un homme soit comme récemment, qu’elle ont fait une OPA dessus pour des raisons électoralistes…Je veux présenter ma candidature mais je ne suis ni militante d’un parti ni présidente d’un parti ( et au Cameroun il n’ y a pas encore de candidature indépendante…) donc je négocie avec un petit parti… avec les avantages et les inconvénients que ce genre d’alliance comporte…
La CFA a été légalisée au Cameroun en 1997, après que certaines d’entre ses fondateures aient fait le tour des partis existants alors et vu que la question de la libération des femmes n’étaient nulle part une préoccupation centrale pas plus dans le parti au pouvoir. Depuis 1985/6 ce parti a cependant sorti ses militantes de l’apolitisme qui faisait de son organisation des femmes (comme pour les jeunes d’ailleurs sauf que eux, un jour deviennent des militants à part entière) une organisation chargée de placer les cartes, de faire la cuisine et de se masser le long des rues à chaque sortie de leur président !!! Dans les autres partis, c’était la banalisation classique en attendant le « Grand Soir » pour nos camarades nationalistes…depuis 1948 ! Alors nous avons décidé, une dizaine de féministes, de présenter un dossier pour la création d’un parti politique féministe…sans trop d’illusions, comme toujours. D’ailleurs à cette réunion, nous étions deux à prendre le pari : Endale Esther et moi ! Et à ma grande surprise 15 jours après, on m’a appelé du Minat (notre ministère de l’Intérieur…) pour aller chercher le récépissé ! Je n’en croyais pas mes yeux. C’est bien après et tout à fait par hasard, que j’ai appris (par une femme qui travaillait alors au Ministère) qu’il y avait eu un vrai débat à propos de ce dossier…pour ou contre la légalisation d’un parti politique féministe…A toute chose malheur est bon : les femmes camerounaises doivent cette décision –d’autorité…_ au ministre feu Anzé Tchoungui…que l’on ne pouvait pas soupçonner d’être féministe !
L’objectif de la Coordination est la libération du peuple camerounais. Il s’agit de créer les conditions d’une réelle alternative politique, économique et sociale au Cameroun. A cet effet, la CFA propose la libération de l’État camerounais du totalitarisme, la libération de l’économie camerounaise de l’impérialisme, la libération des femmes camerounaises du patriarcat donc on est loin de la « promotion » des femmes. Il s’agit plutôt de promouvoir un projet féministe de société pour un Cameroun féminin-pluriel (dans cette nouvelle société camerounaise, le féminin n’exclut pas le masculin !). Qu’entendons-nous par ” une alternative politique réelle “ ?
Il n’y a pas une seule femme Camerounaise qui pense sincèrement aujourd’hui que le Pouvoir mis en place au Cameroun depuis 1960 par les colonisateurs peut sortir notre pays de l’Impasse politique, de la ruine économique et de la misère qui en a résulté pour la majorité des femmes camerounaises.

EN : Quels commentaires faites-vous de l’actualité politique et sociale dans votre pays, le Cameroun?

MLE : Actuellement la principale préoccupation des Camerounais sur le plan politique c’est la question du Code électoral qui vient d’être ratifié par le président de la République !
-D’abord nous réclamons un nouveau Code électorale depuis les années 90 au moins et tous les partis politiques y ont été de leur formulation, en fait, des conditions qu’il fallait pour que nous ayons enfin des véritables élections au Cameroun. Ces conditions se résumant généralement à une dizaine d’exigences. Au lieu de cela, voilà qu’après avoir modifié la Constitution pour rester président à vie contre la volonté et de la majorité des Camerounais, de la classe politique et même la communauté internationale, Biya nous sort un Code électoral à la veille des élections législatives juste pour institutionnaliser une « Assemblée nationale » à vie… et fait du Code électoral juste une question technique : un Code comprenant des centaines d’article soumis à la dernière minute à des députés illettrés pour la plupart et donc ce Code passe en force sans débat politique, l’affaire se transforme en « bio métrisation », avec un marché de 8 Milliards qui d’ailleurs est passé à une entreprise allemande ( !) alors que nous réclamons l‘informatisation du processus électoral depuis au moins 10 ans et que des Camerounais compétents pouvaient le faire, on préfère encore détourner ces milliards comme on a détourné 6milliards en 2002 toujours pour la même informatisation du fichier électoral… Le ministre (d’Etat) concerné vient d’être mis en prison mais pour tout autre détournement…
- c’est donc comme si nous repassons sous colonisation et tutelle allemandes…Or il faut relire Kuma Ndumbé pour se souvenir du rôle qui était assigné au continent africain dans l’idéologie nazie : permettre le développement de l’Europe et faire stagner le Continent africain aussi longtemps que possible
Enfin je crois que les Camerounais espéraient encore que Biya ferait un geste au moins, par exemple redemander une seconde lecture de ce Code… histoire de dire, je vous ai entendu. Le fait qu’il ait ratifié ce Texte purement et simplement montre à qui en doutait encore que la question de la passation de pouvoir ne peut pas trouver de solution démocratique (ni pacifique) dans le cadre institutionnel de ce régime politique. C’est pourquoi 94% de jeunes Camerounais veulent en sortir aujourd’hui : toute la question est maintenant de savoir comment sort-on d’un régime totalitaire, et comment vont-ils s’y prendre ?

EN : Quelles solutions concrètes proposez-vous apporter pour résoudre les défis quotidiens des camerounais?

MLE : Franchement, je pense qu’on ne peut apporter aucune solution réelle aux défis quotidiens des Camerounais dans le cadre de ce régime politique. C’est un régime qui a été mise en place pour détruire les Camerounais : détruire nos capacités d’agir, détruire nos droits et même détruire l’identité personnelle des gens. J’ai démontré comment se passe cet anéantissement –réel et symbolique dans une thèse (PH.D.depuis 1996 ! et cette thèse a été publié chez l’ Harmattan en 2001…) Ce qui fait qu’en 50 ans, nous n’avons plus aucun sens moral, c’est-à-dire la capacité de distinguer le bien du mal…Au Cameroun aujourd’hui, c’est une jungle : la loi du plus fort…nous n’avons pas pu instituer un Etat de droit ce qui fait qu’il n’y a pas de justice (même l’appareil judiciaire est au service du régime !)et cela se voit car même notre qualité humaine s’est dégradée. Souvent j’ai personnellement l’impression qu’on ne peut plus mesurer notre résistance à ce régime qu’à travers nos innombrables tourments à travers nos efforts désespérés de survie ! Les gens du Pouvoir prennent pour « des solutions concrètes » ce que j’appelle des listes d’épicerie qui leur tiennent lieu de réalisations… Mais en 15 ans d’existence la CFA a contribué tout de même à donner aux Camerounais une conscience plus claire de nos intérêts par certains résultats qu’il faudrait présenter mais pas dans le cadre limité d’une interview.
Pour nous, tenir une Assemblée des peuples camerounais, une sorte de Constituante serait un début de solution car on pourrait enfin renégocier notre Souveraineté nationale, instituer un Etat de droit et par exemple régler la question de passation de pouvoir de façon démocratique et enfin commencer à réorganiser notre Société sur la base des nouvelles forces sociales d’aujourd’hui …non plus sur les tribus- ces races au rabais ! – mais aussi sur la base des valeurs des femmes : le Bonheur, le Courage, la Beauté !

EN : Madame Otabela Marie-Louise avez-vous déjà rencontré le président Laurent Gbagbo?

MLE : Oui, j’ai rencontré Monsieur Laurent Gbagbo à Paris en juillet 1989, il n’était pas encore président. C’était au cours d’une Conférence au Cercle d’ Etudes Africaines qu’organisait alors Abel Eyinga, il venait présenter son nouveau livre et préparait son retour en Côte d’Ivoire…Mon étonnement (question) de voir son refus de qualifier le régime d’ Houphouet de « régime totalitaire » m’a valu cette dédicace de Histoire d’un Retour, son livre :
« Pour Marie Louise Eteki En espérant que ce petit travail pourra servir à notre lutte commune contre les totalitarismes africains» c’est signé : Laurent Gbagbo, 22/7/89
Avoir montré cette dédicace aux Camerounais à la télé et leur avoir expliqué qui était Laurent Gbagbo en réalité, a contribué, je pense à les mobiliser pour soutenir le peuple Ivoirien. Car pour beaucoup de gens qui ne sont pas souvent sortis du pays c’est difficile de donner un contenu réel à la solidarité entre nos peuples. Alors ils subissent le lavage de cerveau des Occidentaux contre les patriotes africains. Au départ, quand tout cela a commencé, beaucoup pensaient : voilà encore un qui s’accroche au Pouvoir…et puis il y a eu ce fameux face-à-face avec Ouatara qui a redonné un peu de fierté…à tous les Africains.

EN : Comment avez-vous ressenti d’abord son arrestation le 11 avril 2011, puis son transfèrement à La Haye le 29 novembre 2011?

MLE : c’est difficile après coup de raconter ce que nous avons ressenti : de colère, de tristesse, cette sorte d’impuissance qui vous noue la gorge…mais moi, j’ai l’avantage sur beaucoup que je peux écrire et je crois que j’ai écrit trois belles chroniques* (cf. notre site) à ce sujet, extaits :
Une fois de plus, la France qui se dit la patrie des grandes valeurs républicaines- liberté, égalité, fraternité- qu’elle tente depuis trois siècles de faire adopter comme valeurs universelles, a failli. En s’engageant dans un combat sauvage et criminel contre les peuples africains avec comme prétexte, un mandat d’une organisation qui a été mise sur pied après la deuxième guerre mondiale pour éviter justement de recommencer à tuer.
Une fois de plus, en déclarant la guerre aux peuples de Côte d’ Ivoire, avec l’arrestation humiliante d’un président africain en exercice, la France est incapable de sortir de la logique totalitaire qu’elle a subi elle-même en préparant un nième génocide en Afrique : massacres sur fond de haine raciale (ivoirité ?) préparés dans tous nos pays avec comme prétexte « la guerre civile ». Il ne s’agit ni plus ni moins de la part de la présidence de Nicolas Sarkozy que d’un ACTE GRAVE d’AGRESSION avec la complicité du peuple français au nom de la défense des intérêts français dans ce pays.

EN : Les organisations nationales et internationales de défense des Droits de l’Homme multiplient les accusations de tueries massives, de persécutions et d’emprisonnements des pro-Gbagbo contre le régime Ouattara, mais rien ne change. Quels commentaires faites-vous de cette situation qui visiblement s’apparente à la dictature?

MLE : (Suite de notre déclaration) : Les peuples africains, les nations africaines, la jeunesse de nos pays qui regardent et observent ce nième génocide français en Afrique savent désormais que la France est l’ennemie de l’Afrique Noire. Parce que la France se permet en Afrique Noire, ce qu’elle ne peut plus se permettre ni en Afrique du Nord ni au Moyen Orient… EN Afrique noire, le France peut se permettre de maintenir deux générations d’Hitler au pouvoir depuis 50 ans malgré la résistance héroïque des peuples africains. Ces dictateurs massacrent leurs populations depuis 50 ans au moins, avec l’appui de la France et chaque fois qu’un Laurent Gbagbo se lève pour guider son peuple dans cette résistance, il est assassiné par la France. Vous connaissez la liste de tous nos héros qui sont tombés sur ce champ de bataille continentale !
Depuis cinq décennies, la France pille le Continent africain nous imposant des présidents qui servent plus et d’abord le France plutôt que leurs concitoyens en prétextant que les Africains doivent d’abord se « développer » avant de pouvoir pratiquer la démocratie. Depuis 50 ans, des Etats africains sont maintenus sous la tutelle de la France avec la complicité de l’Organisation des Nations –Unies : en fait, les Noirs africains sont bannis de l’Humanité ! Et voilà que tout d’un coup cette oppression passe à une vitesse supérieure en vue de recolonisation pure et simple de l’Afrique noire avec l’exigence d’une démocratie au bazooka et à coups de mascarades électorales! Ouattara a perdu tout respect et toute dignité aux yeux des Africains : il ne pourra gouverner la Côte d’ Ivoire qu’au prix d’un horrible bain de sang. Aucun Africain digne de ce nom ne reconnaîtra jamais sa légitimité sauf ceux que vous allez payer pour la façade institutionnelle habituelle. Il sera imposé aux Ivoiriens comme tous ceux que vous nous imposez actuellement et qui ne sont que vos « fondés de pouvoir ».

EN : Pensez-vous que le président Laurent Gbagbo a des chances de recouvrer la liberté et si possible retourner aux affaires dans son pays?

MLE : On n’a jamais vu ça en Afrique et sous ces régimes totalitaires mais qui sait ? L’Histoire réserve quelque fois des surprises…avec Hollande aux commandes en France ? On verra !

EN : Pouvez-vous résumer en quelques mots ce que le combat du président Laurent Gbagbo vous inspire? Comment selon vous, ce combat est perçu par les africains en général?

MLE : Aux Autorités françaises qui dirigent le Cameroun (Conformément au décret n° 57-501du 16 avril 1957 portant statut du Cameroun). Il faut aller lire les commentaires de 16 africains à cette Déclaration sur mon site : www.forces-alternatives.com c’est édifiant !
Nous venons ici ce matin vous dire trois mots :
1. La consternation et la déception (une fois de plus) du peuple camerounais dont la réprobation et la détresse tout comme sa résistance, ne peuvent plus se mesurer qu’à ses multiples tourments ;
2. L’indignation et la détermination des peuples africains à combattre jusqu’à leur dernière goutte de sang pour notre souveraineté afin que les mots « liberté, égalité fraternité » puissent un jour avoir un sens pour tous les peuples de la Terre ;
3. Dire à la face du monde notre soutien personnel à Laurent Gbagbo, à sa femme Simone et à ses proches parce que Laurent mérite d’être déclaré premier président des Etats-Unis d’ Afrique. Et quelque soit le sort que la France lui réserve, sachez que pour la jeunesse africaine, son nom restera dans l’Histoire de la lutte de libération de l’Afrique comme un héro national au même titre que tant d’autres espoirs assassinés.

EN : Revenons à l’actualité politique au Cameroun. Un de vos compatriotes, Fame Ndongo, secrétaire national à la communication du RDPC s’est prononcé pour la candidature du président Biya aux présidentielles de 2018. C’est encore loin, mais nous souhaiterions avoir votre commentaire sur cette déclaration assez étonnante?

MLE : Fame Ndongo comme la plupart des …jeunes amis de Biya se laissent aller souvent à parler du président avec un plaisir non feint, une sorte de délectation amoureuse proche de l’extase verbale…ce qui fait qu’ils disent quelque fois des sottises ! Personne ne souhaite la mort du Président Biya au Cameroun : pas plus ses proches collaborateurs que ses adversaires politiques. Ce qui est sûr c’est qu’avec un Gouvernement entier sous les verrous, cela fait pas mal d’ennemis.
Nous, les Forces alternatives nous souhaitons simplement qu’il ait le courage, la force (la vraie !) de se ménager une sortie honorable avant 2017, sans trop de casse. On ne sait pas si on y arrivera. Mais toutes nos stratégies actuelles vont dans ce sens même comme il a déjà mis en prison la plupart des haut fonctionnaires qui lui étaient dévoués corps et âme depuis 30 ans…Beaucoup savent que Biya parti…ils ne seront plus rien que des « veuves » é pleuré-e-s…D’autres n’ont pas le confort intellectuel pour comprendre qu’en régime totalitaire, le véritable pouvoir exécutif c’est la police politique … qui fonctionne comme une organisation secrète : autant dire que Biya a déjà fait sa passation de pouvoir…
Mais comme l’idéologie totalitaire qui leur tient lieu de discours politique n’a pas véritablement de contenu, ce qui compte ici c’est la manière de supprimer, d’anéantir l’Autre, le « Professeur » Fame Ndongo prend ses désirs pour la réalité et par la même occasion croit en disant cela, qu’il se débarrasse de tous les potentiels candidats de 2018. Comme les indéfectibles attachés au président, qui s’identifient en chaine à Biya, Fame Ndongo se voit donc probablement à sa place, une sorte de Macky Sall !

EN : L’actualité en Afrique c’est aussi le départ du Président Abdoulaye Wade du pouvoir, au Sénégal, mais avant, l’on retiendra que monsieur Wade s’est obstiné à briguer un troisième mandat en violation totale de la Constitution du Sénégal :
- Quels commentaires faites-vous de cette situation malheureuse qui a faillit virer au pire ?
- Quelles leçons en tirez-vous pour votre pays le Cameroun d’abord puis pour la démocratie en Afrique en général?

MLE : Tous les Africains ont été heureux et fiers du dénouement de la situation du Sénégal –et personnellement je dis toujours que le Sénégal c’est un peu ma deuxième patrie depuis Cheik Anta Diop (que j’ai connu aussi personnellement) : nous y avons beaucoup d’amis – et donc nous étions fiers de voire que pour la 3è fois, la passation de pouvoir s’y est passée sur un mode moins tragique. Car la règle dans nos pays c’est coups d’Etat, guerre civile et …assassinat ! Mais tous ceux pour qui la question de la Souveraineté est prioritaire savent aussi que le Peuple Sénégalais n’a pu jouer ce jeu démocratique que parce que la France de …Sarkozy l’a permis, en échange de quoi ? C’est toute la question… Peut-être le saurions-nous un jour. Pour l’instant toutes les hypothèses avancées relent de la rumeur… Ce qui est sûre, c’est que, quand on te fait une telle passe, c’est normal d’aller remercier le « passeur » même avant son départ. Pour la suite, ce n’est pas tous les jours que des Gorbatchev sortent du giron du pouvoir pour « libérer » leur Peuple et ma foi, le Sénégal de Senghor à Wade n’a pas été tout de même le Cameroun d’ Ahidjo à Biya …un vrai Goulag !

EN :A peine est-il arrive au pouvoir avec l’onction du peuple sénégalais que le nouveau président sénégalais Macky Sall va signer un accord militaire avec la France. Trouvez-vous cette attitude justifiée?

MLE : Ce qui est sûre, c’est que, quand on te fait une telle passe, c’est normal d’aller remercier le « passeur » même avant son départ… Pour la suite, ce n’est pas tous les jours que des Gorbatchev sortent du giron du pouvoir pour « libérer » leur Peuple et ma foi, le Sénégal de Senghor à Wade n’a pas été tout de même le Cameroun d’ Ahidjo à Biya …un vrai Goulag !

EN :Maintenant, parlons du retour des coups d’Etat en Afrique. Ce fut d’abord le Mali puis la Guinée-Bissau. Etaient-ils nécessaires?

MLE : les coups d’Etat en Afrique c’est le mode totalitaire de passation du pouvoir. Depuis les années 90, nos « maîtres » ont essayé de lacher un peu du lest , après 50 ans de résistance héroïque de nos peuples. Comme ils estiment qu’ils nous ont « accordé » l’Indépendance ! Ils ont baptisé le résultat de nos 30 ans de combat : le processus de démocratisation mais ils n’arrivent pas encore à bien gérer cette épisode : de Gbagbo à la Lybie et maintenant le Mali, la Guinée-Bissau. Personne n’ y a vu un printemps noir , ce qui d’ailleurs est un contresens…Je crois que ces gens ont vraiment la haine de l’ Homme Noir…ce n’est pas seulement une question de contrôle de nos ressources…Les géostratégisiens disent que ça d’abord à voir avec la puissance…L’ Europe , et particulièrement la France, tire sa position sur l’ échiquier internationale (USA-Chine/URSS) de sa mainmise sur l’ Afrique noire : si les anciennes colonies lui échappent , elle sera réduite à… rien. Peut-être que cela est exagéré mais ça se tient.

EN : Le 1er tour de l’élection présidentielle française a eu lieu le 22 avril :
- quels enseignements tirez-vous de ces élections en tant qu’acteur politique africain?
- Y’a-t-il un ou des enjeux dans ces élections qui engagent l’Afrique?
- Lesquels?

MLE : Nous savons tous que l’enjeu principal de ces élections c’est la question de notre souveraineté au de-là des questions secondaires qui en découlent : par exemple la question de l’immigration (toujours traitée sur un mode répressif à Droite comme à Gauche), celle de l’insécurité (thème privilégié de l’extrême-droit et qui amène des voix à Sarkozy…) puisque Sarkozy après avoir été nous insulter à Dakar, a « nettoyé » Paris et même la France au karcher : j’espère que les Africains d’origine africaine s’en souviendront dimanche ! Tout ce racisme ordinaire qui se fonde sur « l’existence » des races supérieures (les blanches) et les inférieures (nous, les Noires), ce serait une véritable révolution si Hollande tient la promesse de supprimer le mot « race » de la Constitution française ! Il aura fallu attendre plus de 3 siècles pour que la devise de la république : Liberté – Egalité – Fraternité ait un sens aussi pour tous les Damnés de la Terre. Comme disait une féministe, Olympes de Gouges, elle n’aurait pas oublié ni les femmes ni les Noirs !

EN : Le Mouvement des Africains-Français (M A F) de votre compatriote Calixte Beyala a pris position pour le candidat socialiste François Hollande en appelant ses membres à un vote sanction contre Sarkozy. Etes-vous du même avis par rapport à un appel de vote en faveur de François Hollande?

MLE : Comme je disais au début de cet entretien, c’est toujours une bonne chose de se rendre compte –même un peu tard…que la politique est déterminante dans la vie surtout dans nos sociétés bloquées dans les quelles même si vous excellez dans un domaine comme Mme Beyala, cela ne vous donne aucun positionnement pour influer sur les choses et souvent la position entre les deux chaises est inconfortable quoi que l’on s’en défende…
C’est important en politique d’avoir des convictions claires : même sans rien attendre des socialistes parce nous connaissons et l’histoire de la Françafrique et ses fondements de Droite et ses pratiques à Gauche, nous nous avons été heureuses de la victoire de F. Mittérand…et c’est bien dans les premiers mois de sa présidence que l’on nous fait « démissionner » Hamadou Ahidjo…Voilà pourquoi nous , nous avons appelé –franchement- à voter François Hollande et vous comprendrez donc que nous ayons proposé dès son élection de lancer aussitôt la Campagne : « Exigeons la démission de Paul Biya » même si l’ Histoire ne se répète pas…

EN : Est-ce indiscret de notre part si nous vous demandions de nous dire pour qui vous auriez voté si vous étiez électrice française?

MLE : J’ai beaucoup aimé la campagne de madame Eva Joly : son courage, la beauté de certains de ses discours…un vrai bonheur ! Je ne vois pas qui d’autre en France aurait dit « je me demande qui rendra à l’Afrique ce que nous lui devons », « Bongo a servi plus la France que ses concitoyens », etc…Même Ségolène Royal n’avait pas osé aller si loin ! Il vaut mieux quelques fois se tromper que d’être timoré en politique.

EN : Quel est votre pronostic pour le second tour ?

MLE : Bof ! Les sondages, les pronostics, ce n’est pas trop ma tasse de thé : disons que je pense que F. Hollande devrait faire un score au-delà de 50% et N. Sarkozy sera battu avec un 40 et+ %.

Propos reccueillis par LODS
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