Mali : La France, seul maître à bord! par Philippe Kouhon

Par Correspondance particulière - Billet d’humeur (par Philippe KOUHON).

C’est décidé. Les maliens l’ont réclamé, la France a agi. Le changement tant souhaité est désormais une réalité au Mali. En offrant la majorité de leurs suffrages (77,61%) au candidat du RPM, Ibrahim Boubacar Keita contre seulement 22,39% pour Soumaïla Cissé aux sorties du scrutin final du 11 août dernier, les maliens marquent ici du sceau de leurs votes, la fin de 18 mois de transition, elle-même née d’une crise militaro-politique dans le pays. Seulement, dans cette volonté du changement, les maliens ne sont pas les seuls à le vouloir. En décidant de prêter mains fortes à l’armée malienne pour mater la soi-disant rébellion du nord composée des Djihadistes que sont Aqmi, Mujao, Ansar-Dine et quelques supplétifs du MNLA (mouvement national de libération de l’Azawad), la France était certes venue répondre à l’appel du président par intérim, Dioncounda Traoré, mais la grande France était aussi bien présente sur le sol malien pour beaucoup d’autres raisons. La France le savait. Le Mali ne fait pas frontière avec la Libye, et pour autant, les rebelles du MNLA ont réussi à pénétrer le territoire malien en provenance de la Libye en passant pour certains par l’Algérie et pour d’autres, le Niger ou encore la Mauritanie. Nous sommes en janvier 2012 et à cette époque, la France ne semblait pas s’intéresser aux sujets maliens. Vint, un 22 mars 2012 lorsque le capitaine Haya Sanogo et ses hommes décident de prendre leur responsabilité. C’est bien devant le refus de leur fournir du matériel de guerre que l’ancien président malien, ATT fut déposé sans une autre forme de procès. Nous étions à 45 jours des présidentielles maliennes. Le mali venait de connaître un brin de recul dans sa capacité à sécuriser son territoire. Les putschistes prennent le contrôle du pays mais leur élan sera freiné par l’intervention de la communauté internationale. La France en tête. Un gouvernement de transition est proposé avec le Pr. Dioncounda à la tête. Très vite celui-ci rendra officielle l’intervention française en terre malienne et la sollicitant de vive voix. La France exécuta sans poser de condition et avant même qu’elle en avise le reste de la communauté internationale. La guerre contre les Djihadistes commence donc au nord sans que le MNLA qui occupe une partie du Nord (Kidal) ne soit inquiété. L’armée malienne est sommée de ne pas franchir la zone de confiance établie à partir de Gao et Tombouctou. Les pays de la sous région viennent à leur tour au chevet du mali sans trahir la position française.
Prenant pour prétexte la lutte contre les terroristes au nord malien, la France peut alors solliciter l’aide de ses pairs de l’Union européenne tant au plan matériel que financier. 3,25 milliards d’Euros seront déboursés à Bruxelles pour permettre à la grande France d’accomplir sa mission au Mali.
Mais on le sait, la France n’est pas que paternaliste. Elle a bien d’autres visés derrière la tête. Et c’est loin des regards de la population malienne et loin des projecteurs des caméras qu’elle peut s’adonner aisément au pillage des réserves des mines d’or, Colman et autres minerais des Iles foghas et enfin du pétrole coulant dans le sol de la région de Taoudéni, toujours dans le nord malien. C’est donc dans ce contexte de ni paix ni guerre qu’elle initiera des négociations avec toujours le MNLA qui n’a que pour seule revendication la cessession du territoire de l’Azawad, sorte de régionalisation du Mali, pendant que le gouvernement de Bamako lui, est attaché à un Mali, un et indivisible. La suite est connue. Un pré accord est signé le 18 juin à Ouagadougou et les négociations sont censées reprendre 60 jours après les élections présidentielles dont le 1er tour fut tenu le 28 juillet avec un second tour qui vient de se terminer le 11 août dernier. Une élection qui a vu une forte implication de la même France. Dans les bureaux de votes et parfois dans les urnes. Aussi a-t-on voulu donner au peuple malien une leçon de démocratie là où tout semblait être plié déjà. Si le premier tour a vu la nette victoire du candidat du RPM, Ibrahim Boubacar Keita, cette victoire sera confirmée deux semaines plus tard à l’issu du second tour qui l’a opposé au candidat de l’URD, Soumaïla Cissé, l’anti putschiste ! En outre, si les urnes ont parlé le dimanche 11 août 2013 en créditant IBK de 77,61% des voix contre 22,39% pour Soumi, on est alors surpris pourquoi, alors même que ces résultats n’étaient pas encore proclamés par le Ministère de l’administration territoriale dans sa phase provisoire, le futur perdant de ces élections se soit précipité pour faire allégeance à lui qu’il appellera finalement son aîné, après une campagne sans merci entre les deux hommes ? Là encore la France a agi !
Selon une source proche du Quai d’Orsay, la France veut aller au plus pressé. Doter le Mali d’institutions démocratiques (officiellement) mais en réalité, légitimer son pillage de l’économie du nord malien. Car la France le sait, aucune nation au monde de la prendra au sérieux si elle s’entête à composer avec un gouvernement de transition (qui n’a pas de légitimité populaire et démocratique). Voilà pourquoi, le candidat de l’URD qui s’apprêtait à écrire une nouvelle page sombre de la démocratie au Mali à travers ces élections dont le déroulement, même s’il est à saluer, ne manque pas de critique. La fraude, l’intimidation, l’instrumentalisation de l’armée, une campagne nauséabonde faite de stigmatisations recourant à l’ethnie et à la religion…voilà ce que Soumaïla était entrain de rédiger ce lundi 12 août tôt le matin, lorsqu’il reçut un coup de fil de l’ambassadeur de France à Bamako. Lui intimant l’ordre de sursoir à toutes contestations. Mieux, le sommant de se rendre au domicile de IBK pour lui reconnaître sa victoire avant même que les résultats provisoires ne soient proclamés. Ce qu’il fit avant de narguer la presse nationale et internationale : « C’est au regard de la fragilité de la situation du pays que mes alliés et moi ne souhaitons pas ouvrir une page de contestation » dira-t-il le mardi 13 août au cours d’un point de presse. Ce n’est secret pour personne, Soumi aurait bel et bien cédé à la pression de la France. Et tant mieux si cela a pu éviter au Mali une crise postélectorale comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire. Bravo la France et vive le Mali !

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