L'ENDETTEMENT DE LA COTE D'IVOIRE ET LE MINISTRE MAMADOU: SORTIR DES ARGUMENTS A LA BINETA, Par Dr Kock Obhusu

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - L'ENDETTEMENT DE LA COTE D'IVOIRE ET LE MINISTRE MAMADOU. SORTIR DES ARGUMENTS A LA BINETA.

Dr Kock Obhusu.

La question de l’endettement public est une question importante dans la dynamique de développement économique et sociale d’un pays donc sérieuse. Aussi bien les modalités, le processus de remboursements que les montants, les affectations et les attendues économiques méritent de fait un examen sérieux de l’ensemble de la classe politique. Lorsqu’on l’aborde il faut savoir donc se montrer sérieux en évitant les formules lapidaires et les injures de bistrots.

Ce n’est pas une première expérience en la matière que vit la Côte d’Ivoire. Le pays a déjà un passif énorme à ce sujet.

Faut-il rappeler que dans les années soixante-dix, la tendance était au recyclage des pétrodollars. Les pays producteurs de pétrole ayant amassé des dollars à ne plus savoir quoi en faire ont proposé sur les marchés financiers des crédits à gogo. La Côte d’Ivoire forte de l’exploitation forestière du bois, du cacao et du café à l’époque ne s’est pas privée d’y recourir en se targuant d’un taux de croissance structurellement déconnecté annuel autour de 7%.

En économie, la croissance ne veut pas dire systématiquement une dynamique de développement économique étant donné qu’elle peut s’obtenir en dehors de toute transformation économique structurelle.
Il y a deux temps intimement liés dans le processus d’endettement. Le temps où l’on emprunte et le temps où l’on rembourse.

C’est, certes, des temps qui s’interpénètrent mais aux effets sensibles parfois dans des temps décalés. Ainsi, les effets de l’endettement des années soixante-dix ont été ressentis aux débuts des années quatre-vingt et se sont poursuivis pendant longtemps. Tout le monde aujourd’hui connaît toute la littérature autour des Programmes d’ajustements structurels du Fonds monétaire international. La population ivoirienne en a payé le prix avec un système sanitaire complètement déstructuré et décomposé, la jeunesse avec un système scolaire détricoté et dont les mailles continuent de partir jusqu’à ce jour dans tous les sens (les derniers résultats au Brevet en témoignent) et un chômage des plus colossaux au monde faute d’investissements sérieux en dehors du secteur informel.

A ce jour, avec cet endettement quels produits technologiques la Côte d’Ivoire exporte-t-elle ?
Pour répondre aux critiques sur l’endettement du pays, l’argumentation qui consiste à dire « on fait des routes » ne tient pas la route pour ainsi dire. Les projets d’assainissement routier et leur lancement ne datent pas d’aujourd’hui. Ils ont de tout temps existé en Côte d’Ivoire. Le gouvernement actuel qui pense avoir inventé l’eau chaude trompe et surtout se trompe.

Badigeonner des pistes, ce n’est pas faire des routes. Les villes et villages ivoiriens sont confrontés à de grandes difficultés du fait de leur enclavement pendant les saisons de pluies. Il suffit simplement de voir les catastrophes matérielles et humaines à chaque tombée de pluie. Les regards sont souvent fixés sur Abidjan mais les mêmes dégâts se produisent à l’intérieur du pays.

Des pistes sur lesquelles, on étale à coups de milliers de milliards du goudron de très mauvaise qualité avec des opérateurs pas toujours techniquement bien outillés rapidement lessivé par la moindre des pluies, ce n’est pas bâtir des routes.

A un moment donné, il faut savoir être un peu sérieux. Cela ressemble plus à mettre un pansement sur une jambe de bois. En plus de dix ans de pouvoir le constat qu’on peut faire est qu’en moyenne 200 (deux-cents) kilomètres de pistes sont badigeonnées chaque année. Ce qui donne environ 2000 (deux milles) kilomètres depuis douze ans. Qu’est-ce que cela représente. Pas grand-chose. Cela ne représente que 2,4% des besoins de bitumage. 17.700 milles milliards de crédits ont été contractés pour assurer le bitumage des routes. 300 milliards ont été dépensés pour le bitumage de 2000 kilomètres, 70 milliards pour l’entretien. Soit un total de 370 milliards sur les 17.700 milles milliards. Le calcul est vite fait. Cela représente 2, 09 %. Où sont donc passés les 98% ?

S’agissant de l’électrification, le programme d’électrification du milieu rural a été véritablement lancé durant la période de crise politique du pays. Malgré, la crise et les tensions politiques, des villages ont été électrifiés. Aujourd’hui, il suffit de planter un poteau rationné au milieu d’un village sur base clientéliste pour dire qu’on électrifie.

Le traitement de l’endettement mérite d’être abordé avec sérieux, de façon posée et réfléchie car c’est une question qui affecte sans l'ombre d'un doute la vie quotidienne des habitants. On ne peut répondre aux critiques qui sont émises à ce sujet par des propos injurieux et lapidaires.

Quand le ministre Touré Mamadou parle de sorciers, ce n’est pas sérieux de sa part. S'il est persuadé que son gouvernement fait des miracles en surendettant le pays, il convient de lui rappeler qu'en économie il n'y a ni miracle ni sorcellerie. Il se lance de façon abusive dans des comparaisons avec les Etats-Unis et la Chine. Mais ce qu’il ne sait pas c’est que l’essentiel de l’endettement américain et chinois l’est vis-vis d’acteurs américains et chinois, etc.

Le ministre Justin Koné KATINAN fait donc bien de le lui rappeler.
On peut faire de la politique mais à un moment donné, il faut savoir se montrer un peu sérieux, se montrer un peu regardant des faits avant de parler.

Par Dr KOCK OBHUSU