JO de LONDRES/Athlétisme: Usain Bolt foudroie la concurrence sur 100 m

Le Monde.fr | 06.08.2012 - Le Jamaïcain Usain Bolt a conservé son titre de champion olympique du 100 m (voir la vidéo de Pékin) en remportant la finale en 9 s 63, pour devenir

Usain Bolt après sa victoire.

Le Monde.fr | 06.08.2012 - Le Jamaïcain Usain Bolt a conservé son titre de champion olympique du 100 m (voir la vidéo de Pékin) en remportant la finale en 9 s 63, pour devenir

le deuxième athlète de l'histoire à conserver son titre sur la distance-reine après l'Américain Carl Lewis, dimanche à Londres. Le Jamaïcain Yohan Blake, champion du monde 2011, a pris la 2e place en 9 s 75 devant l'Américain Justin Gatlin 9 s 79 (vent: +1,5 m/s).
Bolt a réussi là le deuxième chrono de l'histoire du 100 m, à cinq centièmes de son record du monde (9 s 58) établi en finale des Mondiaux de Berlin 2009. Le géant jamaïcain (1,95 pour 94 kg) a jailli des starting-blocks pour se porter en tête une fois la mi-course passée. Sa vitesse de pointe lui a alors permis de prendre nettement l'avantage sur ses adversaires. "Je n'ai pas pris le meilleur des départs de ma carrière. Mon coach m'a dit avant la course : "ne te préoccupe pas du départ car là où tu es le meilleur, c'est sur la fin"", a déclaré Bolt au micro de la BBC.
"Les gens peuvent dire ce qu'ils veulent, quand les grands championnats sont là, je réponds présent", a-t-il ajouté, répondant ainsi à ceux qui mettaient en doute son état de forme. La finale a également été marquée par la blessure du troisième Jamaïcain Asafa Powell fauché en pleine course et contraint de ralentir pour terminer 8e et dernier en 11 s 99. Les sept autres finalistes ont couru sous les 10 secondes, avec l'Américain Tyson Gay échouant à 1 centième du podium (9.80), 4e.
Selon Pierre-Jean Vazel, entraîneur de Christine Arron et spécialiste du sprint, qui a commenté en direct la course sur Le Monde.fr, "Usain Bolt a démontré dès les demi-finales qu'il était capable de courir au niveau de son record du monde". "Il avait fait 9 s 86 en demies lors des Mondiaux de Berlin. Là, il a réalisé 9 s 87 avec la même facilité pour atteindre la finale à Londres", rappelle-t-il. "Cela a certainement contribué à lui donner confiance. Et seule la température fraîche l'a empêché de courir encore plus vite", ajoute l'entraîneur.
Bolt, désormais quadruple champion olympique (deux fois le 100 m, 200 m et relais 4 x 100 m), a ensuite entamé un tour d'honneur dans le Stade olympique, en compagnie de son partenaire d'entraînement Yohan Blake. Le public, en transe, a alors scandé le prénom du Jamaïcain le plus célèbre au monde, qui lui même est apparu soulagé d'avoir réussi ce pour quoi il était venu à Londres : devenir une légende.

JO/Athlétisme: BOLT REJOINT LEWIS DANS LA LÉGENDE

LONDRES (AFP) - 06.08.2012 22:31
Le Jamaïcain Usain Bolt, superstar du sprint, a rejoint par la grande porte une autre légende, l'Américain Carl Lewis, en conservant dimanche à Londres sa couronne olympique sur 100 m, la distance-reine, avec à la clé le deuxième chrono de l'histoire.
Quelques minutes avant que la Foudre ne frappe, Mahiedine Mekhissi a de son côté offert à la France sa 25e médaille des Jeux de Londres, sa première en athlétisme, en argent.
Mais c'est bien Bolt "l'Eclair" qui a capté toute la lumière dimanche soir au stade olympique de Stratford, dans l'est londonien.
En 9 sec 63/100e, le désormais quadruple champion olympique (2 fois sur 100 m, 200 m et 4x100 m) a effacé d'un trait des mois de doutes, nés d'un faux départ retentissant en finale des Mondiaux de Daegu l'an passé.
Son grand rival et partenaire d'entraînement Yohan Blake n'a rien pu faire pour priver le géant Bolt (1,95 m, 94 kg) d'un triomphe que sa demi-finale laissait présager (9.87 en coupant son effort à trente mètres de la ligne).
Blake a sagement regagné l'ombre, 2e en 9.75 devant l'Américain Justin Gatlin 9.79 (vent: +1,5 m/s).
Sous les projecteurs de l'histoire, Bolt rejoint donc Carl Lewis (1984 et 1988), jusque-là le seul à avoir su conserver sa couronne.
Mais à la différence de Lewis, Bolt aura, lui, vécu le frisson sublime d'avoir franchi deux fois en vainqueur la ligne d'arrivée, l'Américain ayant dû attendre le déclassement du Canadien Ben Johnson pour regoûter au succès, à Séoul en 1988.
A 25 ans, Bolt pourrait surpasser les trois médailles individuelles au sprint décrochées par le maître des années 80, puisqu'il est censé s'aligner également sur le 200 m, à partir de mardi.
"Je n'ai pas pris le meilleur des départs de ma carrière. Mon coach m'a dit avant la course: +ne te préoccupe pas du départ car là où tu es le meilleur, c'est sur la fin+", a déclaré Bolt au micro de la BBC.
"Les gens peuvent dire ce qu'ils veulent, quand les grands championnats sont là, je réponds présent", a-t-il ajouté, répondant ainsi à ceux qui mettaient en doute son état de forme.
Blake lui, se montrait magnanime: "C'est l'homme le plus rapide du monde et moi j'ai l'argent. Que demander de plus ? Etre le deuxième derrière Bolt est un honneur", a-t-il déclaré.
Mekhissi n'a pas dit autre chose d'Ezekiel Kemboi, qui a survolé le 3000 m steeple.
Mekhissi récidive
Déjà deuxième à Pékin, le Rémois a récidivé sans être en mesure de contester la médaille d'or au Kényan, vainqueur en 8 min 18 sec 56, contre 8:19.08 au double champion d'Europe.
Mekhissi a encore fait trembler les Kényans en assumant pleinement son statut de "chat noir" des coureurs des hauts-plateaux, faisant jouer sa pointe de vitesse dans le final pour accrocher l'argent. La chute à 600 m de l'arrivée du Kényan Brimin Kipruto, le champion olympique de 2008, lui a enlevé un rival.
"Kemboi, c'est le Kényan que j'apprécie le plus. C'est de bonne guerre, je le félicite, c'est un très grand champion", a souligné le Français de 27 ans. J'ai réalisé une belle course, mais quand Kemboi attaque, j'ai une absence."
Le triomphe de Bolt a évidemment phagocyté la soirée, où le sacre du Hongrois Krisztian Pars au marteau, quelques secondes après le 100 m, a particulièrement souffert de la comparaison.
Sur 3000 m steeple, le Kényan Ezekiel Kemboi a dominé la course, se permettant le luxe de quitter la corde pour franchir l'arrivée au milieu de la piste. L'Américaine Sanya Richards-Ross a fait parler sa résistance pour glaner l'or sur 400 m, tandis que la Kazahke Olga Rypakova a dompté le sautoir du Stade olympique au triple saut.
Dompter Bolt, ça, personne ne le pouvait.

AFP

SUR LES TRACES DE L’HOMME LE PLUS RAPIDE DU MONDE

Le Monde.fr | 06.08.2012 Par Pierre-Jean Vazel, entraîneur de la sprinteuse Christine Arron

Depuis cent ans que l'IAAF reconnaît officiellement les records du monde, leur comparaison dans le temps a conduit à s'interroger sur les limites de la performance humaine. Archibald Hill, Prix Nobel de physiologie ou de médecine, se pencha le premier sur la question de la vitesse maximale de course des hommes les plus rapides. D'après ses recherches de 1927, les limites étaient déjà pratiquement atteintes alors que le record du 100 m était à 10 s 4 : plus on court vite, plus les résistances sont grandes, et la nature aurait doté les sprinteurs d'une soupape de sécurité afin de ne pas faire surchauffer la machine.

LA FOUDRE DE KINGSTON

Puis les statisticiens ont publié une surabondance de modèles censés calculer le record absolu : de 9 s 77 à 8 s 99, seul l'avenir nous dira qui avait raison. Manifestement, certains se sont déjà trompés. Quand il y a trois ans le Jamaïcain Usain Bolt porta le record à 9 s 58, on mit cet exploit sur le compte de ses mensurations hors normes : 1,96 m pour 93 kg. L'exception qui confirme la règle. Mais voilà, la courbe de progression de son compatriote Yohan Blake, le sprinteur normal (1,80 m et 80 kg), indique qu'il pourrait dépasser Bolt. Problème de la méthode statistique : si l'on prolonge la courbe des records non pas vers le futur, mais vers le passé, on obtient des chronos de plus en plus lents, à tel point que l'on doit se demander comment, avec de si faibles capacités physiques, nos ancêtres ont pu s'adapter dans le monde préindustriel quand leur corps était leur principal outil de subsistance.
LE MERCENAIRE DE LONDRES
Or, les premières performances répertoriées peu après l'invention de mécanisme permettant de mesurer des durées, sont loin d'être ridicules. Le plus ancien record de sprint que nous ayons trouvé date du 4 mars 1757, il s'agissait d'un duel sur 100 yards chronométré en 11 s qui opposaient deux marchands londoniens sur un terrain de cricket. Encore avant que le sport amateur ne se fédère, un autre mercenaire du sprint, George Seward, sévissait dans les rues de Londres. Le 30 septembre 1844, l'Américain expatrié remporta un duel en 9 sec 1/4 sur 100 yards – aussi vite qu'Owens un siècle plus tard ! – pour la somme considérable de 500 $ (plus de 10 000 $ d'aujourd'hui, soit le gain d'une victoire en Diamond League !). Les techniques approximatives de chronométrage nous obligent à douter de cet exploit, mais sur la quantité de résultats sous les 10 secondes datant du XIXe siècle, certains devraient être authentiques et soutenir la comparaison avec les sprinteurs modernes mieux équipés.
LE HÉROS D'ALEXANDRIE
La vitesse de l'homme a de tout temps fasciné, et il est significatif que le premier événement historique authentiquement daté, point de départ de la chronologie de la Grèce antique, soit la victoire d'un sprinteur lors des premiers Jeux olympiques, en juillet 776 avant J.-C. Le Stadion, course d'environ 180 m, fut la seule épreuve des treize premiers Jeux antiques et restera au programme durant un millénaire. En l'absence de chrono – seule la victoire comptait et procurait au héros une gloire immense – on ne sait rien des progrès en vitesse entre le premier vainqueur, Corèbe d'Elis, et le dernier en 217 après J.-C., Héliodore d'Alexandrie. Durant les cent dernières années, la vitesse moyenne sur 100 m a progressé de 33,96 à 37,58 km/h. A supposer qu'il nous reste aussi neuf cents ans d'olympisme, à quoi ressemblera le lointain successeur de Bolt ?

LE CHASSEUR DE WILLANDRA

On en a néanmoins une idée pour l'un de ses prédécesseurs, dont une équipe de paléontologues a retrouvé des traces vieilles de 20 000 ans dans la région des lacs Willandra en Australie. La vitesse de déplacement de vingt-trois Homo Sapiens pieds nus a pu être estimée d'après les dimensions des empreintes de course conservées dans du sable argileux stratifié. Le meilleur, "T8", a rétroactivement été flashé à 37,3 km/h. Le plus vieux sprint du monde ? "Ces hommes étaient probablement en train de chasser le kangourou, la vitesse atteinte par T8 était un pic sur une des onze foulées après une embuscade", nous explique le Dr Steve Webb, coauteur de l'étude parue en 2006 dans le Journal of Human Evolution. "Il n'y avait pas d'épreuves sportives, cela aurait été une perte d'énergie excessive, surtout à l'âge de glace. Mais nous sous-estimons souvent les capacités physiques de nos ancêtres. Il faut comprendre qu'ils devaient attraper de la viande sur pattes, sans quoi ils crevaient de faim !"
QUI EST LE PLUS RAPIDE ?
Il a toujours été question d'améliorer les capacités physiques. Les mangeurs de kangourou suivaient une sorte d'entraînement spécifique à raison de trois chasses par semaine. T8 mesurait 1,94 m pour 65 kg, stature qui rappelle celle de Bolt (à ses débuts) qui s'entraîne trois à six fois par semaine. Philostrate, contemporain d'Héliodore d'Alexandrie, décrivait le sprinteur idéal comme étant "plus grand que la moyenne" avec "un système musculaire solidement bâti". L'athlète était soumis à dix mois minimum d'une préparation déjà qualifiée de scientifique et à un stage terminal de trente jours. Le musculeux Seward (1,74 m et 72 kg) connaissait les manuels de coaching très complets édités dès le début de son siècle. Tous cultivaient donc la fibre du sprint, mais s'est-elle améliorée à l'échelle des millénaires ? Au regard de l'évolution de l'espèce, pourquoi conserver la faculté de sprinter alors que l'humain a créé des techniques lui permettant de se déplacer plus vite qu'avec ses propres jambes ?
Alignés sur un lac asséché, un stade en herbe, une rue pavée ou une piste synthétique, le chasseur de Willandra, le héros d'Alexandrie, le mercenaire de Londres et la foudre de Kingston. Qui serait le plus rapide ?
Pierre-Jean Vazel, entraîneur de la sprinteuse Christine Arron