Interview / Jacky Lolo, artiste-chanteur et ami de John Pololo : ‘’Comment je suis devenu loubard’’

Publié le vendredi 20 janvier 2012 | L'intelligent d'Abidjan -L’artiste-chanteur Jacky Lolo, ex-ami de John Pololo, qui vit depuis deux décennies en Europe, est à Abidjan pour la promotion

de «Abidjan, criez fort, l’union fait la force», son nouvel album au rythme Agnangnan avec ambiance fanfare et sonorité européenne. Il revient sur sa vie et explique pourquoi, après avoir côtoyé la politique, il a décidé de prôner la paix.
Jacky Lolo est à Abidjan avec sous la main un nouvel album : «Abidjan, criez fort, l’union fait la force». Quel est le message qui guide cette œuvre ?

Publié le vendredi 20 janvier 2012 | L'intelligent d'Abidjan -L’artiste-chanteur Jacky Lolo, ex-ami de John Pololo, qui vit depuis deux décennies en Europe, est à Abidjan pour la promotion

de «Abidjan, criez fort, l’union fait la force», son nouvel album au rythme Agnangnan avec ambiance fanfare et sonorité européenne. Il revient sur sa vie et explique pourquoi, après avoir côtoyé la politique, il a décidé de prôner la paix.
Jacky Lolo est à Abidjan avec sous la main un nouvel album : «Abidjan, criez fort, l’union fait la force». Quel est le message qui guide cette œuvre ?

C’est un message d’amour, d’union et de réconciliation pour inviter les Ivoiriens à se donner la main et à avancer dans le futur. Car, la Côte d’Ivoire, mon pays, a souffert pendant plusieurs années. J’ai eu mal. C’est ce qui m’a donné l’inspiration de faire cet album : «Abidjan, criez fort, l’union fait la force». Je mets l’accent sur l’ambiance, les textes, les paroles de sorte à ce que les Ivoiriens soient conscients de ce qui s’est passé dans la période de crise pour ne plus que cela se répète.

Comment Jacky Lolo compte-t-il s’y prendre pour positionner son nouvel album?

Nous sommes en pleine promotion. Il faut noter qu’après une crise, ce n’est pas facile. Il faut avoir foi parce que quand on parle de paix, il faut aller jusqu’au bout et amener le peuple à se réconcilier. Quand je dis : «Je viens à Abidjan pour faire bouger le coin», c’est pour faire déstresser le peuple ivoirien, les ‘’baramogo’’. Je vois encore le stress sur le visage du peuple. J’invite aussi les amis artistes à donner de l’ambiance et permettre que tout se passe bien.

Dans «Ambiance gloglo», un des titres du nouvel album, vous faites un clin d’œil au Coupé décalé, au Zoblazo, au reggae, au rap, etc. Aujourd’hui, quelle est selon vous la place du Ziguéhi – un rythme que vous prônez – dans le paysage musical ivoirien ?

Depuis maintenant quinze (15) ans, les ténors – le groupe Ras, Yang System, les Wahy et d’autres groupes qui sont venus après nous – du Ziguéhi ne sont plus là. Il y a maintenant vingt (20) ans que nous sommes partis du pays. Il y a les «Groove makers» qui sont là mais n’arrivent pas à porter haut le flambeau. C’est un peu compliqué. Mais, là je viens pour donner un nouveau départ. Je pense que les autres, même ceux qui continuent de faire la musique en Europe, vont suivre. Bony RAS a son single qui bouge, il fait des spectacles dans les stades et autres lieux. Il y a les Wahy et moi également. Parmi eux, je suis le premier à venir à Abidjan pour essayer de donner une suite à l’avenir. «Ambiance gloglo» décrit l’ambiance dans les maquis et les rues. C’est vrai qu’aujourd’hui la ‘’Rue princesse’’ n’a plus sa valeur d’antan, mais ce titre parle de l’ambiance de la Rue princesse, des «Mille maquis» où il y a la joie, le monde, l’ambiance. Cette ambiance est nostalgique pour nous autres en Europe.

«Abidjan, criez fort, l’union fait la force» a été produit par Jacky Lolo Production qui est votre structure. C’est dire que désormais, vous mettez les pieds dans le domaine de la production ?

Oui. Je suis dans la production de spectacles. Etant dans le milieu du show-biz, Jacky Lolo Production vient aider les autres artistes à se faire connaître dans des secteurs de l’Europe tels l’Angleterre, la Belgique, l’Italie, etc. J’y ai certains contacts et quand il y a des soirées, je fais partir des artistes qui ont sorti des albums de même que ceux qui ne l’ont pas encore fait. A savoir les Wahy et Boni RAS. Le problème avec «Yang System», c’est que Akéraïm est devenu arrangeur et il y consacre beaucoup de temps. Mais, quand il y a une opportunité avec les autres de faire des spectacles, je le fais.

Cette reconversion des Ziguéhi ne vient-elle pas porter un coup au mouvement ?

Non, cela ne vient pas tuer le mouvement. Dans mes titres, il y a tout un mélange. Le Ziguéhi constitue le fond et le ‘’Coupé décalé’’ qui est au-dessus. Parce que c’est aujourd’hui un rythme (Ndlr ; ‘’Coupé décalé)’’ qui a du succès même en Europe – d’où il est né. Le ‘’Coupé décalé’’ est certes en vogue mais la base du vrai ‘’Coupé décalé’’ c’est ‘’l’Agnangnan’’. On prend en marche ce train (Ndlr ; Coupé décalé) et on ajoute notre manière de chanter et de danser. Pour comprendre que l’Agnangnan soit la base du ‘’Coupé décalé’’, il faut écouter la basse (guitare) et la batterie. La cadence fait l’Agnangnan. Quand tu prends par exemple le rappeur Mokobé, il fait de l’Agnangnan. C’est un style Ziguéhi à la base. Molare et les autres adoptent le style Ziguéhi. Même dans le Zouglou, les zouglou-makers parlent le langage Ziguéhi avec les paroles de la rue. Sinon en principe, le Zouglou a ses propres paroles ! Mais, ils ajoutent des paroles Ziguéhi. Le fondement de tout c’est le Ziguéhi qui représente la rue et tout ce qui vient de la rue est la base du Ziguéhi. La musique et les paroles sont faites dans la rue. Il y aura toujours les paroles de la rue qui fondent le mouvement Ziguéhi. La base est donc la rue, c’est-à-dire le Ziguéhi.

Pour la promotion du langage «Nouchi» version musicale, il y a Nash qui se surnomme «La go kra-kra du ghetto» qui est très engagée.

C’est notre fille, notre petite sœur et c’est un plaisir. Nous sommes fiers de tout ce qu’elle fait. Aujourd’hui, elle a pris le relais et est plus engagée dans les paroles que dans la musique Agnangnan. C’est une fierté et elle a de l’avenir.

Sur un air de reggae vous chantez «Maman», est-ce un hommage particulier à votre mère ou un hommage à toutes les mamans ?

Je fais un clin d’œil à toutes les mamans du monde entier parce qu’elles sont la vie. La maman représente tout pour nous. Quand vous avez un problème, votre mère est présente et elle l’a depuis neuf mois de grossesse. Elle en a souffert. La maman, il faut l’adorer, c’est notre dieu. C’est un hommage à toutes les «mamans» du monde entier.

Vous évoquez dans le chant le nom de personnes dont Pily Pily et Wakili. Que représentent pour vous ces personnes ?

Wakili (Ndlr ; Alafé) , c’est un ami et un frère. Il m’a beaucoup aidé dans le temps. Il y a vingt ans en arrière dans ses débuts (Ndlr ; dans la presse). On a gardé de bons contacts. Chaque fois qu’il arrive à Paris, on est toujours ensemble. C’est quelqu’un de bien qui est chaleureux et joyeux. Je lui rends cet hommage pour lui dire merci pour tout ce qu’il fait pour les artistes ivoiriens. Quant à Pily Pily «le piment noir qui brûle», c’est un ami de longue date à qui je rends également hommage.

De Ziguéhi, vous devenez artiste. Qu’est-ce qui vous amène dans la rue ?

Je n’ai pas choisi d’être Ziguéhi. Cela s’est fait tout seul. La voie que Dieu a prévue pour toi, c’est cette voie que tu emprunteras pour ta réussite, ton bonheur ou ton malheur. A toi d’emprunter le droit chemin. Je suis parti de tout et de rien. C’est le karaté qui m’a emmené dans la rue. J’ai été garde du corps. J’ai même surveillé dans le temps Nayanka Bell avant de partir pour la France. J’ai travaillé au sein de la Présidence de la République en étant chef du groupe de VS de Yopougon. Dans le temps, il se racontait qu’Houphouët payait les loubards au prix de 50.000 Fcfa (Ndlr ; il en rit). On amenait tous ces jeunes à ne pas faire n’importe quoi dans la rue. C’était le but. C’est pour dire que le Ziguéhi n’est pas forcément quelqu’un de mauvais. Le Ziguéhi c’est quelqu’un qui donne de bons exemples parce qu’étant dans la rue où on trouve des enfants.

Après l’époque de la collaboration avec le pouvoir, il y a eu une traque des loubards après le coup d’Etat de 1999. Votre ami Pololo a perdu la vie, beaucoup d’entre vous sont restés cachés quand d’autres ont choisi de quitter le pays. Comment avez-vous vécu cette période ?

J’ai mal vécu cette période. J’ai vécu à l’hôtel pendant au moins une semaine. C’est après la mort de mon frère de sang John Pololo que je suis sorti de ma cachette quand tout était calme. C’est après cela que j’ai cherché à partir (Ndlr ; de la Côte d’Ivoire) car plusieurs amis sont décédés. J’ai préféré partir dans l’Hexagone pour refaire ma vie et ne plus suivre la voie de la politique qui n’est pas faite pour nous. Quand vous faites la politique, c’est avec toutes ses conséquences. Aujourd’hui, je ne me vois pas là-dedans. Je préfère prôner la paix.

Une fois dans l’Hexagone, vous parcourez Londres, Nantes, Mans. Aujourd’hui peut-on dire que Jacky Lolo a trouvé son chemin avec la création de sa structure de production?

Pour l’instant, j’ai trouvé mon chemin dans le sens où je me positionne petit à petit. Il est vrai que ce n’est pas une grande structure. Mais pour l’instant, j’ai avec moi des artistes que je produis. Parmi eux, il y a les «Ken Friends» qui sont des jeunes filles de quinze (15) à vingt (20) ans. Elles sont nées en France et y vivent. Je suis en train de confectionner leur single avec Honoré Kacou. Les arrangements seront achevés en France.
Réalisée par Koné Saydoo