Interview / Ephrem Youkpo (animateur sur RFI) : “Je ne suis pas à Couleurs Tropicales par copinage”
Publié le mardi 21 mars 2012 | Le Patriote - Depuis le 11 mai 2011, Ephrem Youkpo anime « Couleurs tropicales» l'émission à succès de Radio France Internationale (RFI). En remplacement de Claudy Siar, le charismatique initiateur de
Publié le mardi 21 mars 2012 | Le Patriote - Depuis le 11 mai 2011, Ephrem Youkpo anime « Couleurs tropicales» l'émission à succès de Radio France Internationale (RFI). En remplacement de Claudy Siar, le charismatique initiateur de
l'émission, le jeune ivoirien auréolé d'une grosse et immense expérience fait son petit bonhomme de chemin sur la radio mondiale. Dans cette interview exclusive, Ephrem Youpko lève un coin de voile sur son entrée dans cette radio et donne les recettes de sa réussite. Il n'omet pas ses multiples actions au bénéfice de son pays, la Côte d'Ivoire
Le Patriote : Quel est le poids de la tâche quand on remplace à RFI un animateur de la trempe de Claudy Siar ?
Ephrem Youkpo : Il n'y a pas de poids particulier à faire mon métier comme je l'ai toujours fait depuis près de 25 ans dans la presse écrite, à la télé et à la radio. Le label RFI, la radio mondiale, est plus exaltant et plus excitant que le fait de remplacer un individu. Claudy et moi sommes de la même génération professionnelle, avons travaillé ensemble sur des radios donc pour moi, rien de nouveau à l'horizon. Il est clair qu'il a créé "Couleurs Tropicales" depuis 16 ans, selon ses aspirations, ses sensibilités professionnelles et personnelles, mais cela ne met aucune autre pression à part bien faire mon travail chaque jour que Dieu fait. Mon challenge, c'est d'être à la hauteur des attentes des auditeurs et de ma direction qui m'a confié l'émission.
LP : Quelle est la nature du contrat qui vous lie à RFI ?
EY : Comme la plupart des producteurs animateurs qui évoluent sur des chaînes de radios ou de télévisions publiques ou privées françaises, et particulièrement RFI, je suis lié par un contrat par saison.
LP : Quelle a été votre parcours et comment s'est opérée votre intégration à RFI ?
EY : Mon parcours est assez classique, de la presse écrite à la radio puis à la télévision. Le dire de cette manière pourrait donner l'impression que tout fut facile. Mais non, heureusement que les épreuves forgent le parcours. J'ai accédé à RFI au terme d'un casting qui a vu la participation d'animateurs et journalistes talentueux d'Afrique et de la diaspora qui postulaient aussi à ce poste. Contrairement à ce qui a pu se dire, je ne suis pas à « Couleurs Tropicales» par copinage.
LP : Vous êtes Ivoirien, sortir du milieu Black pour parvenir à ce piédestal, il y a quand même eu des péripéties ! Quels obstacles avez-vous franchi pour être là où vous êtes aujourd'hui ?
EY : Rires !!! Je n'ai pas à me plaindre. Les épreuves forgent le parcours. Lisez le Coran, la Tora et la Bible et vous comprendrez que ceux qui ont accepté les épreuves sont restés dans l'histoire de l'humanité. Les vainqueurs ne sont pas toujours là où ils sont. C'est ainsi. J'ai très tôt compris que la clef de la réussite ne se trouvait pas forcement dans son enfermement dans une sphère communautariste. Bien au contraire, j'ai appris à m'ouvrir à la Culture française, à adopter ses codes sans m'aliéner ni oublier ma base culturelle. Je suis sorti naturellement du milieu africain entouré d'amis de cultures différentes pour me frotter à d'autres expériences qui m'ont permis de travailler dans des radios aux cultures diverses : africaines (Tabala Fm - 1988), Africa n°1 (1997) etc. et RFI ( 2004 et 2011...) puis en télé, M6, FRANCE 3, TV5 et CFI pour des programmes en direction de l'Afrique.
LP : Comment comptez-vous mettre votre expérience au profit de vos jeunes compatriotes qui voient en vous aujourd'hui l'idole, l'exemple à suivre ?
EY : Merci de l'intérêt qu'ils me portent. C'est flatteur d'être une idole et c'est un poids à porter parce que l'erreur est difficilement pardonnable à ce stade là. Ecoutez, la meilleure façon de mettre mon expérience au profit de mes frères et sœurs du continent et singulièrement de mon pays d'origine, la Côte d'Ivoire, c'est de continuer de bien faire mon travail et surtout que l'on me donne les moyens de réaliser mes productions au pays. Heureusement que j'ai enfin des oreilles qui m'écoutent en l'occurrence mon aîné Aka Sayé Lazare, DG de la RTI et son équipe (Touré Sanga, Koné Siriki Sil, etc. qui m'ont toujours soutenu) et mon premier soutien mon grand-frère Dégny Maixent. Ce fut assez difficile par le passé après bien sûr la main tendue de mon grand frère George Aboké qui m'a permis de produire et d'animer « Chorus » sur la RTI en 2001, cette émission musicale qui m'a fait connaître des Ivoiriens et qui est restée dans la mémoire du public mais mon équipe, mon sponsor et moi travaillons activement sur ma prochaine grosse émission Africa Comedy Academy consacrée aux nouveaux talents dans l'humour, qui se fera bientôt. Je milite pour donner du rêve, du show et du plaisir donc sûr que le public en aura pour son compte de ce côté-là.
LP : Quels conseils donneriez-vous à l'un d'entre eux s'il vous sollicitait pour orienter sa carrière de jeune animateur ?
EY : Rigueur, travail, constance, abnégation, comprendre qu'au-delà de l'exposition permanente au public, c'est un métier qui exige une posture intellectuelle et savoir faire rêver l'auditeur ou le téléspectateur. C'est la clef de la réussite dans ce milieu. On ne devient pas une star, on naît star donc avec son étoile. Savoir prendre son temps, ne jamais forcer ni se livrer à l'indu, ni céder aux tentations qui conduisent à la perdition parce que pressé d'y arriver. C'est un métier comme tout autre, c'est pour cela que je me considère comme un ouvrier de luxe et non du luxe, vu que mon métier n'exige pas de travaux manuels mais des efforts intellectuels constants, basés sur ma voix et ma seule personne. C'est un métier qui repose sur le culte du MOI, un peu de nombrilisme mais il faut savoir s'y faire sans virer à la surdose.
LP : Considérez-vous avoir atteint le sommet de votre carrière d'animateur ?
EY : Non, j'ai encore beaucoup à apprendre et à découvrir dans ce métier. Le sommet appartient à ceux qui n'ont plus rien à prouver mais ça n'existe pas dans notre métier ni chez l'être humain bien constitué vu qu'on ne finit jamais d'apprendre. Si moi à mon modeste niveau, je me considère être au sommet que dirait Michel Drucker pour ne citer que lui qui nous donne une vraie leçon d'humilité en continuant de faire rêver son public et d'apprendre des autres alors qu'il aurait pu se dire « c'est fini, j'ai atteint le sommet. Qu'ai-je encore à apprendre » ?
LP : Beaucoup d'artistes et groupes artistiques : Tiken Jah, Alpha Blondy, Magic System et bien d'autres ont pu s'imposer en Europe grâce au coup de pouce médiatique de Claudy Siar sur RFI. Quelle sera votre apport dans la promotion des artistes africains et ivoiriens en particulier ?
EY : Rires !!! Je rigole... Heureux ceux qu'on dit avoir fait les autres mais bénis, ceux qui dans l'ombre ont donné du fruit de leur sueur et de leur énergie pour permettre à certains d'atteindre le sommet et de voir enfin éclore leur lumière. Bref. Je n'attends rien de personne ni même un merci de personne. L'Eternel me remercie chaque jour de ce que j'ai pu faire pour ceux qui ont oublié d'où ils viennent et comment ils en sont arrivés là où ils sont et qui prétendent même ne rien devoir à personne. Bref. Pour rappel, je suis à l'origine de la mise en lumière du Zouglou en Occident en créant la Nuit du Zouglou dès 1997 alors que personne ne croyait en ce rythme et tout le monde me prenait pour un fou, j'ai financé sans hésitation avec l'argent de ma sueur la sortie de l'album 1er Gaou de Magic System en Occident en 1999 lorsque mon frère Tony Adams m'en a parlé. En toute humilité, sans moi, l'album serait certainement sorti mais aurait-il eu le même succès? Je remercie toujours Dieu de m'avoir permis d'être là au moment opportun pour ce groupe et d'y avoir cru, donné de mon énergie alors qu'aucune maison de disque n'en voulait. Mais vous savez, l'honneur ne profite jamais à ceux qui en sont à la source mais plutôt aux plus "bruiteux", c'est ainsi. Alpha Blondy a été révélé par un grand homme qu'est Fulgence Kassy alors que personne ne le connaissait avant qu'Hélène Lee ne prenne le relais. Quant à Tiken Jah Fakoly, son talent et surtout le facteur chance ont joué en sa faveur et lui ont permis d'être lauréat du Prix Découvertes RFI. Il a ainsi profité du circuit de promotion digne de ce nom en Europe. Que Claudy Siar ait participé à leur promotion en tant qu'homme de média et animateur de Couleurs Tropicales, émission consacrée à la diffusion des musiques afros, me semble logique et c'est à son honneur d'en faire des coups de cœur comme il a toujours fait pour bons nombres d'artistes donc de plus les diffuser que d'autres mais ne nous trompons pas de Légende au risque de trop de raccourcis dans l'histoire. Mon label produit et distribue Awa Maiga, Meiway, Pierrette Adams, Yodé et Siro, Awana… Il a produit également John Yalley dans la salle mythique du New Morning à Paris, réalisé la première compilation consacrée au Coupé Décalé en Occident en 2004 - Génération YA Fohi ! -. En partenariat avec Sony Music, j'ai signé la première compilation de Coupé Décalé parue chez une major dans la même année, etc. Bref. Je fais ce que j'ai à faire, tant que la passion de la musique m'anime et l'amour de mon pays est en moi. Notre devoir au-delà de la passion, c'est d'aider donc je ferai ce que j'ai déjà fait et j'ai à faire sans rien attendre de personne. Dieu fait le reste.
LP : Comment avez-vous vécu la crise qu'a connue la Côte d'Ivoire après la présidentielle de 2010 ?
EY : Comme tout Ivoirien, difficilement. C'est pour cela que j'apporte ma modeste contribution à la reconstruction du pays et à la Paix quand on me sollicite. J'ai fait intervenir dans mon émission Alain Tailly - (qui est aussi mon ami et frère d'enfance) Directeur CNAC au Ministère de la Culture - lorsque le Ministère de la Culture organisait la caravane de la Paix il y a quelques mois de cela. Donc je suis à la disposition de mon pays si je peux humblement contribuer à l'apaisement et à la reconstruction du pays.
LP : Vous avez animé un grand concours d'orchestres en Côte d'Ivoire. Après, les mélomanes ne vous ont plus revu dans le showbiz de votre pays. Pourquoi ce retrait ?
EY : J'ai animé « Chorus», concept qui reposait sur la même base que Podium mais le mien était différent. Une réalisation et mise en scène différente de Podium. C'est quoi le showbiz ? Je ne fais pas partie de votre showbiz là, je suis un ouvrier de luxe et je vous promets du lourd pour mon retour très bientôt !!!
LP : Comment jugez-vous la musique ivoirienne et son environnement aujourd'hui ?
EY : D'ici, ça va, la musique ivoirienne se porte bien et depuis début 90 jusqu'aujourd'hui mais concernant l'environnement au pays, je n'y connais strictement rien.
LP : Quels sont vos projets en ce moment et pour l'avenir ?
EY : Pleins de bonnes choses... Pour l'instant, c'est faire toujours mieux là où je suis à Couleurs Tropicales sur RFI car conscient que le pays me suit et l'Afrique me regarde. Je travaille en ce moment sur un gros spectacle qui verra la participation des artistes et célébrités de tous bords de notre pays pour la paix. Je ne sais pas qui est le bon interlocuteur au pays pour ce projet mais j'espère que nous aurons l'appui du gouvernement pour réussir ce défi.
Réalisée par Jean- Antoine Doudou.