INTERNATIONAL: John Kerry en visite à Paris pour parler du Mali

Le Monde.fr avec AFP | 28.02.2013 - JOHN KERRY A PARIS.

Après un début de tournée à Londres et Berlin axé sur le conflit en Syrie, le nouveau chef de la diplomatie américaine, John Kerry, est à Paris mercredi 27 février pour des entretiens dominés par la guerre au Mali, dossier d'"intérêt commun" en dépit de crispations initiales.
M. Kerry est reçu en début de matinée par le président François Hollande avant de déjeuner avec son homologue, Laurent Fabius, et de s'envoler pour Rome, où se tient le lendemain une conférence des Amis du peuple syrien. Le Mali – il sera fait un point sur la situation un mois et demi après le début de l'intervention française pour chasser les islamistes armés, et les perspectives de déploiement d'une force de maintien de la paix de l'ONU devraient être examinées – dominera l'agenda, selon des diplomates français et américains.
INTERVENTION "RÉUSSIE" AU MALI
Les deux alliés devraient afficher leurs convergences de vues sur le dossier, devenu après l'Afghanistan le nouveau symbole de la lutte contre le terrorisme. "C'est une bataille commune qui se joue là-bas. Nous voulons qu'ils [les Français] réussissent, c'est dans notre intérêt commun", souligne un haut responsable du département d'Etat. M. Kerry a récemment félicité la France pour son intervention "réussie" au Mali.
Pourtant, l'entente n'a pas toujours été parfaite entre Paris et Washington, longtemps réticent à toute action militaire qui, au départ, devait être uniquement ouest-africaine au Mali. Et lorsque Paris, poussé par l'urgence face à l'offensive des islamistes armés vers le sud du Mali, est finalement intervenu le 11 janvier, Washington a hésité avant d'apporter un soutien logistique, présentant d'abord une facture exorbitante pour des avions cargo C-17 avant de les fournir gracieusement dix jours plus tard.
"Rien de très surprenant, mais bon, on leur a dit, eh, les gars, quand même... et au final, ça s'est réglé", raconte un diplomate français. Officiellement, il n'y a plus de malentendu. Les Etats-Unis soutiennent "politiquement et matériellement" l'intervention au Mali, selon les responsables américains, qui rappellent que Washington a octroyé 96 millions de dollars pour l'entraînement et l'équipement de la Misma, la force ouest-africaine appelée à prendre le relais des troupes françaises.
"RÉENGAGER LES USA SUR CE DOSSIER"
Et les Etats-Unis ont déployé plusieurs drones Predator au Niger en soutien aux forces françaises, afin de réduire le délai entre le repérage au Mali de combattants islamistes et leur "neutralisation". "L'appui en drones est très important, ça nous aide. On apprécie, on est très contents", se félicite un diplomate français.
La Syrie, l'Iran, la Corée du Nord seront également évoqués à Paris. Mais aussi le processus de paix israélo-palestinien, sujet sur lequel la France presse les Etats-Unis de se réimpliquer. "Nous pensons qu'il y a une bonne volonté" chez M. Kerry. "Après, il fait partie d'une administration dont certains disent qu'elle a tendance à se replier sur elle-même... On y verra plus clair après le voyage de Barack Obama" à la fin de mars en Israël et en Cisjordanie, dit-on à Paris. "L'objectif français, c'est de réengager les USA sur ce dossier" du processus de paix israélo-palestinien, totalement bloqué depuis plus de deux ans, souligne un haut responsable du Quai d'Orsay.
Selon certaines sources occidentales, l"inertie" américaine sur le dossier israélo-palestinien a entre autres motivé le vote français à la fin de novembre en faveur de l'élévation du statut de la Palestine en "Etat" observateur des Nations unies, une position combattue par Washington et Israël.
M. Kerry, francophile et qui a des liens familiaux en France, devait enfin parler avec ses interlocuteurs du changement climatique et d'une future zone de libre échange entre les États-Unis et l'Union européenne, souhaitée par Washington mais qui provoque des réticences côté français.
Le Tchad appelle les armées ouest-africaines à accélérer leur déploiement
Le président tchadien, Idriss Deby Itno, a appelé mercredi la force ouest-africaine et l'armée malienne à accélérer leur déploiement dans le nord du Mali pour combattre avec les soldats français et tchadiens les groupes djihadistes. "L'heure n'est plus aux discours (...) mais plutôt à l'action", "l'ennemi n'attend pas", a-t-il dit à l'ouverture d'un sommet de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) à Yamoussoukro. "Nous appelons l'état-major de la Cédéao à plus de célérité en accélérant l'envoi des troupes dans la zone libérée", a-t-il affirmé, appelant aussi les soldats maliens à rejoindre le Nord.

LE MONDE AVEC AFP

LE NUMÉRO DE CHARME EN FRANÇAIS DE JOHN KERRY

Le Monde.fr avec AFP | 28.02.2013

Le secrétaire d'Etat américain John Kerry, en visite à Paris, s'est livré mercredi 27 février à un véritable numéro de charme, en s'exprimant longuement en français et avec humour lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue Laurent Fabius.
"Nous venons de conclure un de ces merveilleux déjeuners francais qui n'ont cessé d'attirer les Américains à Paris depuis des siècles, a lancé M. Kerry devant un auditoire fourni de journalistes notamment français et américains. Bien entendu, c'est un privilège de pouvoir partager tout un repas avec Laurent [Fabius]. Il est un ami, de confiance, un allié fidèle et un partenaire apprécié, et je le remercie pour tout ça."
ACCÉLÉRER LA TRANSITION EN SYRIE
"La France, comme vous le savez, c'est le plus ancien des alliés des Etats-Unis et je vous remercie pour ça aussi. Et maintenant, je parle en anglais parce qu'autrement on ne me laisse pas rentrer chez moi", a-t-il conclu sous les rires de la salle avant de se lancer, dans la langue natale, dans un éloge des liens privilégiés unissant les Etats-Unis et la France, et d'énumérer toutes les convergences de vue des deux alliés sur tous les grands dossiers internationaux. Peu après, M. Fabius a pour sa part répondu en anglais à des questions sur le Mali ou la Syrie.
Les Etats-Unis et la France examinent "les moyens d'accélérer la transition politique" en Syrie, a déclaré John Kerry. Cela sera discuté jeudi à Rome, lors d'une réunion internationale des Amis du peuple syrien, à laquelle participera l'opposition syrienne, a précisé M. Kerry en estimant que cette dernière avait besoin "de davantage d'aide". Selon le Washington Post, la Maison Blanche réfléchit à un changement majeur de stratégie avec la fourniture aux rebelles d'une aide directe "non létale". Le quotidien a évoqué des gilets pare-balles, des véhicules blindés et même un entraînement militaire.
LE PLUS "FRANÇAIS" DES RESPONSABLES AMÉRICAINS
M. Kerry est considéré comme le plus "français" des responsables américains : francophone et francophile, il a passé nombre d'étés de son enfance dans une maison familiale à Saint-Briac-Sur-Mer, en Bretagne, au milieu de ses cousins dont l'écologiste français Brice Lalonde. M. Lalonde est le fils d'une sœur de Rosemary Forbes Kerry, la mère de M. Kerry. Cette dernière est née à Paris et a grandi en France.
Les liens familiaux de M. Kerry avec la France ont pu lui causer du tort sur la scène politique américaine. Diplomates, conseillers ou journalistes qui le côtoient depuis longtemps, notamment au Sénat, rappellent que le candidat démocrate à l'élection présidentielle de 2004 avait été critiqué, voire attaqué, par ses opposants dans le contexte à l'époque des relations tendues entre Washington et Paris à propos de la guerre en Irak. Les mêmes pensent que le nouveau secrétaire d'Etat devrait s'abstenir de s'exprimer en français dans un cadre officiel et public.
Lors de sa première tournée internationale, John Kerry avait rencontré à Berlin un groupe de jeunes Allemands auxquels il a affirmé, badin, la détermination de l'Amérique à défendre "le droit d'être stupide".

LE MONDE AVEC AFP