International: En Russie, la rébellion du chef de Wagner Evguéni Prigojine « déstabilise le régime », pour Natalia Pouzyreff

Par Huffington post - En Russie, la rébellion du chef de Wagner Evguéni Prigojine « déstabilise le régime », pour Natalia Pouzyreff.

Samedi 24 juin, le chef du groupe Wagner a affirmé être entré en Russie avec ses troupes dans le but de renverser le commandement militaire. Moscou dénonce une « mutinerie armée ».

Par Jade Toussay

Natalia Pouzyreff, députée Renaissance des Yvelines et présidente du groupe France-Russie de l’Assemblée nationale, le 21 juin 2022
JULIEN DE ROSA / AFP
Natalia Pouzyreff, députée Renaissance des Yvelines et présidente du groupe France-Russie de l’Assemblée nationale, le 21 juin 2022
POLITIQUE - C’est « un tournant » dans la guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine depuis plus d’un an. Ce samedi 24 juin, le chef du groupe Wagner Evguéni Prigojine est entré en rébellion contre les forces armées régulières russes et a pris le contrôle de la ville russe de Rostov-sur-le-Don, centre névralgique des opérations menées par le Kremlin en Ukraine.

Fait rare, Vladimir Poutine a réagi quelques heures seulement après les déclarations d’Evguéni Prigojine. « Ce à quoi nous faisons face, ce n’est rien d’autre qu’une trahison » a fustigé le dirigeant russe, admettant que la situation à Rostov était « difficile ».

Pour Natalia Pouzyreff, députée Renaissance des Yvelines et présidente du groupe France-Russie de l’Assemblée nationale, « la tentative de coup d’État » de Prigojine fait peser une véritable menace sur le président russe, quelle que soit la suite des évènements. Entretien.

La révolte d’Evguéni Prigojine marque-t-elle un tournant dans la guerre de la Russie contre l’Ukraine ?

Même si l’insurrection menée par Wagner est réprimée dans les 24 ou 48 heures, il en restera toujours quelque chose. Il y a une véritable tentative de déstabilisation du pouvoir. Le fait que Vladimir Poutine évoque dans son discours la guerre fratricide de 1917, alors que la Russie se trouvait en plein un conflit mondial, est assez révélateur du niveau de la crise actuelle. Quelle qu’en soit l’issue, ce n’est pas un fait mineur : c’est un tournant historique.

Cette révolte du « cuistot de Poutine », comme il était surnommé, représente-t-elle une menace réelle pour le chef d’État ?

Sur le plan tactique, il n’est pas possible d’anticiper l’issue de cette rébellion de Prigojine. Si une partie de l’armée russe, du FSB (les services de sécurité russes, ndlr), se ralliaient à lui, il y aurait effectivement une menace réelle et avérée pour Vladimir Poutine. Pour le moment, il semble y avoir une loyauté vis-à-vis du président. Mais il ne faut pas non plus exclure d’autres scénarios.

Et sur le plan politique ?

Il est très clair que Poutine le prend comme une menace réelle. Dans sa prise de parole, il a pris soin de passer un message clair à l’adresse des Russes, pour qu’ils ne se trompent pas sur le camp à choisir : lui Vladimir Poutine représente la légitimité, tandis que Prigojine est un traître - il emploie le mot « trahison » à dessein. Avec cette action, Prigojine sape la confiance que le peuple russe peut avoir dans le régime en place. C’est cela la menace réelle pour Vladimir Poutine. Et c’est pour cela qu’il restera toujours quelque chose de cette action de Prigojine.

Prigojine sape la confiance que le peuple russe peut avoir dans le régime en place.
Existe-t-il un risque de guerre civile en Russie, comme l’a laissé entendre un conseiller du président Zelensky ?

La population russe subit les décisions politiques. Quelle que soit la crise, la situation lui est toujours défavorable. Je ne suis pas certaine que l’on puisse compter sur un soulèvement civil. Les Russes sont sous la répression. Ils sont sans doute perplexes et très surpris qu’une telle chose puisse se passer.

Pourtant, des tensions entre la milice Wagner et le commandement russes sont perceptibles depuis plusieurs semaines…

La plupart des Russes se désintéressent de la chose politique. Ceux qui s’intéressent au discours de Prigojine le considèrent plutôt comme un clown. Les Russes n’accordent aucune confiance à ses paroles, comme à celles de Vladimir Poutine. La situation actuelle ne peut donc que les laisser perplexes.

Qu’il s’agisse de Prigojine ou Poutine, nous ne sommes pas face à des personnes qui représentent une ligne politique responsable et raisonnable vis-à-vis de l’Ukraine.
Emmanuel Macron a dit « suivre la situation de près » tout en restant « concentré sur le soutien à l’Ukraine ». Comment interprétez-vous ses propos ? Est-ce une façon de rester à l’écart ?

Il serait prématuré de se mêler dès maintenant de cette situation qui ne concerne que la Russie et dont l’issue n’est pas connue. De plus, qu’il s’agisse de Prigojine ou de Poutine, nous ne sommes pas face à des personnes qui représentent une ligne politique responsable et raisonnable vis-à-vis de l’Ukraine. Le président de la République a tout à fait raison de dire que l’attention de la France reste portée sur l’Ukraine.

Vue d’Ukraine, cette situation pourrait-elle être un avantage ?

Cela va indéniablement affecter le moral des troupes russes sur le front. Et si l’armée russe est affaiblie par les circonstances, cela peut permettre aux troupes de Volodymyr Zelensky de mener une offensive et de progresser. J’ai une pensée très forte pour les Ukrainiens qui doivent être en train de faire une analyse assez précise de la situation actuellement. Il ne faut pas trop spéculer sur l’issue, mais on peut d’ores et déjà dire que cette tentative déstabilise le régime russe en place.

Par Jade Toussay