Guillaume Soro : "La réconciliation fait son chemin en Côte d'Ivoire"
Le 06 juillet 2012 par France 24 - Un an après la fin de la crise post-électorale en Côte d'Ivoire, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne est en visite en France.
Interviewé par FRANCE 24, il revient sur le difficile processus de réconciliation dans le pays.
Le 06 juillet 2012 par France 24 - Un an après la fin de la crise post-électorale en Côte d'Ivoire, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne est en visite en France.
Interviewé par FRANCE 24, il revient sur le difficile processus de réconciliation dans le pays.
"Dix-sept ans après [le conflit] au Rwanda, on parle encore de réconciliation. Vingt ans après [la fin de l’apartheid] en Afrique du Sud, on continue de parler de réconciliation. Vous n’imaginez pas que la réconciliation en Côte d’Ivoire va venir comme par un coup de baguette magique !", s’exclame Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale ivoirienne, interviewé le 4 juillet sur l’antenne de FRANCE 24.
Et pour cause. Un peu plus d’un an après l’investiture d’Alassane Ouattara à la tête de la Côte d’Ivoire, le 21 mai 2011, date marquant la fin de la crise post-électorale, le pays est toujours en proie à des violences. Les habitants de l’extrême ouest du pays sont, notamment, la cible d’attaques répétées de la part de groupes armés. En moins de deux mois, une trentaine de personnes - 20 civils, un militaire et sept casques bleus nigériens - y ont perdu la vie. À Abidjan, le pouvoir et ses opposants se renvoient la responsabilité de ces actes. L’ONU se garde d’attribuer ces violences à un groupe précis, mais l’ONG Human Rights Watch a récemment pointé du doigt les anciens combattants pro-Gbagbo et des mercenaires libériens.
Début juin, les autorités ivoiriennes ont assuré avoir déjoué une tentative de coup d’État ourdie par des partisans de l’ancien président ivoirien en exil. Un climat de défiance mine la réconciliation nationale, à laquelle Alassane Ouattara avait accordé tant de place lors de son discours d’investiture. D’autant plus que, pour l’heure, seuls des partisans de l’ancien président ont été inquiétés par la justice internationale pour des crimes et des exactions commis pendant la crise post-électorale… Le rapport préliminaire de la Cour pénale internationale (CPI) indiquait pourtant qu’ils étaient aussi bien le fait des pro-Gbagbo que des pro-Ouattara. Ces derniers mois, cependant, la CPI oriente désormais son enquête vers les proches d’Alassane Ouattara.
Soro dans la ligne de mire de la justice internationale
Guillaume Soro lui-même semble être dans le collimateur de La Haye pour les exactions commises, sous son commandement, par les Forces nouvelles (FN), devenues par la suite les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). Pour le moment, aucune action n’a été officiellement lancée contre lui. "Je suis surpris qu’on puisse dire qu’il y a des soupçons à mon encontre, répond l’intéressé au micro de FRANCE 24. J’ai été Premier ministre [de Laurent Gbagbo], j’ai organisé des élections dans mon pays avec la Commission électorale indépendante, j’ai dirigé, en tant que ministre de la Défense, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire qui ont agi avec la communauté internationale en légitime défense quand, le 28 novembre 2010, M. Gbagbo a décidé de s’accrocher au pouvoir et de livrer la population ivoirienne aux tueries de ses miliciens", poursuit Guillaume Soro.
Dans ce climat, le processus de réconciliation s’annonce donc bien difficile à mettre en place. Mais Guillaume Soro reste confiant. "Nous avons doté la Côte d’Ivoire d’instruments pour aider à la réconciliation. Il existe une Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR), calquée sur le modèle de l’Afrique du Sud. Nous avons pu faire des élections législatives sur l’ensemble du territoire sans exception. C’est signe que la réconciliation fait son chemin", ose-t-il croire. Dans les faits, la CDVR peine à accomplir sa mission. Elle a, bien sûr, tenu quelques réunions consultatives, mais elle ne parvient pas à rassembler les financements des bailleurs de fonds. À tel point que l’ONU, dans un communiqué publié le 13 juin dernier, au lendemain de la mort des sept casques bleus nigériens, a exhorté la communauté internationale à soutenir le très fragile processus de réconciliation ivoirien.
France24
Guillaume Kigbafori Soro Sur ‘’Africa 24’’: « Je suis heureux que la CI réintègre la francophonie »
Le Président du Parlement ivoirien, M. Guillaume Kigbafori Soro (GKS) a été une nouvelle fois, ce mercredi 05 juillet, l’invité de la chaîne de télévision panafricaine, ‘’Africa 24’’. Au cœur de cet entretien, les missions de l’Assemblée nationale et son rôle dans la réconciliation nationale.
‘’Africa 24’’ M. Guillaume Soro, vous êtes le Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. Avant de rentrer dans les missions de votre institution, un mot sur la 38èmesession de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie qui se déroule du 08 au 12 juillet à Bruxelles dans la capitale européenne. Quels sont les enjeux de cette session pour la Côte d’Ivoire ?
GKS : La 38ème session pour nous, est d’importance parce que ce sera l’occasion à l’ordre du jour, de procéder à la réintégration de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire dans la grande famille des parlementaires de la francophonie. Sachez que depuis plusieurs années, la Côte d’Ivoire en a été exclue parce que justement, compte tenu de la crise que nous subissions dans notre pays, et compte tenu du fait que le mandat de l’Assemblée nationale a été échu, nous avons été suspendus. Je suis très heureux qu’à l’occasion de cette nouvelle législature, nous puissions réintégrer la francophonie.
‘’Africa 24’’ : L’Assemblée nationale ivoirienne existe depuis 1960, c’est donc une vieille et grande institution. Comment fonctionne-t-elle concrètement ?
GKS : Il faut savoir qu’en Côte d’Ivoire nous sommes dans un régime présidentiel. Ce qui veut dire que l’exécutif, c’est-à-dire le Président de la République exerce les pouvoirs. Nous avons le pouvoir législatif. L’Assemblée nationale est le deuxième pouvoir en Côte d’Ivoire qui est entre les mains des députés. Et elle a pour rôle et vocation de contrôler l’action du gouvernement, de voter les lois, les projets de lois qui viennent du gouvernement. Elle peut aussi avoir l’initiative des lois. Ce qui est extrêmement important. Ça veut dire que les députés ont la possibilité de fixer les règles pour l’État de droit en Côte d’Ivoire.
‘’Africa 24’’ : Ça veut dire aussi que pour fonctionner, il faut disposer de moyens : de quels moyens dispose l’Assemblée nationale?
GKS : Les moyens de l’Assemblée nationale sont contenus dans le budget national de l’État de Côte d’Ivoire. Sachez que chaque année, le gouvernement, par la conférence budgétaire procède à l’élaboration du budget de l’État de Côte d’Ivoire. Il y a à l’Assemblée nationale, la commission des finances qui élabore le budget interne à cette institution-là. Et ce budget est transmis au service du ministère de l’Économie et des Finances. Le budget national de l’État de Côte d’Ivoire, en définitive est voté par l’Assemblée nationale.
‘’Africa 24’’ : Qui dit Assemblée nationale pense obligatoirement à la représentation nationale. Comment cette Assemblée peut-elle impulser la réconciliation entre les Ivoiriens ?
GKS : Ah oui ! C’est très intéressant d’autant plus qu’aujourd’hui, l’Assemblée nationale a été non seulement renouvelée, mais aussi et surtout que ses élections ont été transparentes et démocratiques, et que c’est l’ensemble du territoire ivoirien qui est concerné. Les premières élections depuis pratiquement dix ans. C’est donc une chance inouïe pour l’Assemblée nationale de contribuer à sceller la réconciliation nationale au sein des communautés ivoiriennes. Le député est un élu national. Même s’il est élu dans une circonscription, il est un élu national. Il peut donc parler de la représentation nationale.
‘’Africa 24’’ On vous a vu le 25 juin dernier à Singapour où vous avez été reçu par votre homologue Michael Palmer, et on vous a vu également à Paris le 02 juillet dernier où vous avez été reçu par votre homologue français, Claude Bartolone le tout premier nouveau président de l’Assemblée nationale française, six jours seulement après avoir été élu. Est-ce que la représentation nationale ivoirienne par votre biais a aussi un rôle d’Ambassadeur ?
GKS : Ah oui ! À l’occasion de mon discours du 25 avril dernier lors de l’ouverture solennelle de la première session, j’ai dit que je ferai de la diplomatie parlementaire une priorité de notre Assemblée nationale. Je pense que l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, vieille comme vous l’avez indiqué tout à l’heure, doit prendre toute sa place au cœur de la république ivoirienne. Donc, j’ai décidé effectivement, avec l’accord de mon bureau de faire une offensive diplomatique qui m’a emmené à Singapour. Mais j’ai été reçu, comme vous l’avez signifié, par mon collègue de l’Assemblée nationale française. La semaine prochaine, ce sera à Bruxelles où j’aurai l’opportunité, l’occasion de rencontrer plusieurs autres collègues, d’intégrer la francophonie. La Côte d’Ivoire, comme dirait les Anglais, is back.
‘’Africa 24’’ : C’est une nouvelle Côte d’Ivoire dont les Ivoiriens appellent de tous leurs vœux au risque, de votre côté, de marcher sur les plates-bandes du ministre des Affaires extérieures.
GKS : Ah non ! Pas du tout, pas du ministre des Affaires étrangères. L’Assemblée nationale développe ce qu’on appelle la diplomatie parlementaire. Quand je suis allé à Singapour, ce n’est pas le gouvernement singapourien que j’ai rencontré, c’est mon collègue de Singapour que j’ai rencontré. À Paris, c’est mon collègue de l’Assemblée nationale que j’ai rencontré. De toute façon, l’État de Côte d’Ivoire est un. Les énergies développées, que ce soit par le judiciaire, l’exécutif et par le législatif doivent concourir à améliorer l’image de marque de la Côte d’Ivoire.
‘’Africa 24’’ Quels sont les défis qui attendent l’Assemblée nationale ivoirienne dans les mois et années à venir ?
GKS : L’un des défis majeurs pour la reconstruction de la Côte d’Ivoire est la réconciliation nationale. Donc, l’Assemblée nationale, aux côtés de la Commission dialogue vérité et réconciliation (Cdvr) jouera son rôle. Nous aurons un travail de terrain. Nous allons aller dans les circonscriptions, dans les trente (30) régions de Côte d’Ivoire pour prêcher le pardon, la réconciliation. Je vous l’ai dit, nous serons des députés de terrain parce que pour moi, un bon député est celui qui est prêt de la population, c’est surtout un député qui est réélu.
Propos retranscrits BAMBA Soualo