Gouvernance mondiale: Comment l’Afrique peut assurer un leadership ? par Dr Claude KOUDOU
Le 26 décembre 2012 par Correspondance particulière - L’Afrique est ridiculisée dans la communauté des nations.
A côté de cette question centrale, se greffent d’autres : « quelle valeur ajoutée l’Afrique puise-t-elle dans la gouvernance mondiale ? Comment transformer l’ensemble de notre système de savoir ? … » Interrogations du Prof. Senayon Oluoluwa (University of Osun State, Nigeria). Il soutient que les valeurs africaines sont très importantes. Malgré cela, l’Afrique est ridiculisée dans la communauté des nations.
La question-support posée par Malick Ndiaye, initiateur du workshop international des 3 et 4 décembre 2012 à Addis Abeba, dans la revue « Cours Nouveau » est « Afrique-CPI : Mariage forcé ou Divorce de raison ? » Les assises ont restitué le diagnostic sur l’Afrique, qui est établi depuis plusieurs années. Il faut maintenant passer à la phase d’actions. Une autre question s’est montrée pendante : « Justice et Egalité : comment peut-on parler de paix quand il y a tant d’inégalités et de pauvreté ? »
Il convient tout de même de retenir que dans la gouvernance mondiale, les problèmes africains doivent avoir leurs solutions sur des bases essentiellement africaines. Nous constatons que la CPI est une structure judiciaire qui opère dans un monde politique. La CPI censée être une juridiction internationale, bafoue la présomption d’innocence, ternit l’image de chefs d’Etat africain. Ceci, simplement parce la CPI fonctionne sur la base d’un héritage occidental voire colonial. La CPI est arrimée au Conseil de Sécurité des Nations unies. En cela, elle décide de poursuivre tous ceux qui sont dans le viseur des Grandes puissances.
Au moment de sa création, la CPI avait donné de l’espoir parce qu’elle a été installée sur la philosophie de l’impunité. Mais on se rend compte qu’elle a été créée pour perpétuer la domination des super puissances. Au lieu d’une juridiction qui dise le Droit et protège les victimes, elle érige des victimes en bourreaux et est souvent en contradiction avec ses propres statuts, rusant ainsi avec les faits pour atteindre des objectifs. Les situations des Présidents Laurent Gbagbo et d’Omar El Béchir ont plané sur l’ambiance des assises. A cette rencontre qui a réuni de nombreux intellectuels, juristes, journalistes, parlementaires, responsables de la Société civile et d’ONG… venus de plusieurs pays africains (anglophones, arabes, francophones et lusophones), les contributions ont été à la fois denses et soutenues.
Le Président de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale du Sénégal, a exposé sur le thème : « Poursuivre ou extrader ? ». Dans un premier temps, il a rendu hommage au Président Macky Sall et montré sa fierté du choix de juger Hissène Habré en Afrique. Emporté par la pertinence des débats et des enjeux, tout en encourageant l’initiative ainsi prise, Monsieur Jibril War a salué le choix d’Addis Abeba. Il a promis de porter l’essence des débats à l’Assemblée nationale sénégalaise et de plaider auprès du Président Macky Sall pour convaincre les autres chefs d’Etat africains que les instruments juridiques africains peuvent juger les Africains. Il est pour provoquer une jurisprudence d’ « aller à La Haye et chercher les Africains ».
Monsieur El Hadj Gorgui Wade, journaliste auprès des Nations unies a relevé comment l’information/communication est une arme et dénoncé les manipulations médiatiques qui font tant de victimes. Il indique que l’AFP travaillant pour les intérêts français, il y a lieu de former nos journalistes dans la perspective d’une presse africaine qui dirait les réalités telles que les Africains les vivent et non comme les prédateurs voudraient que l’opinion les ressente. Il s’est dit lui-même victime, emporté par ces « média-mensonges » particulièrement sur le cas du Soudan. Il a fallu qu’il fasse ses propres investigations pour être édifié sur les faits tels qu’ils sont. Mais dans sa contribution, il a également invité les Africains à une réflexion sur ce que nous sommes.
Le Prof. Mbala L. Langa (Institut des Relations internationales de Luanda, Angola) en examinant le sujet : « La gouvernance judiciaire mondiale et l’impunité des assassinats des leaders des luttes de libération Nationale des ex-colonies portugaises d’Afrique (Angola, Mozambique, Guinnée-Bissau et Iles du Cap-Vert, Sao Tome et Principe) » a pointé les assassinats de leaders indépendantistes : Amical Cabral, (Janvier 1973) ; Eduardo Mondlane (Février 1969) ; …
Dans sa contribution : « Visions africaines des droits de l’homme et des peuples : les leçons maliennes de la crise actuelle au Mali », le Prof. Issa Ndiaye (Université du Mali) a déploré l’allure de la crise telle qu’elle se passe. Il s’est interrogé sur le comportement des chefs d’Etat africains à l’endroit de leurs peuples. Il a même illustré le sentiment de rage exprimé par un soldat contre l’impunité, dans l’avion qui amenait ATT à Dakar.
L’une des idées force à ces assises a été de proposer à l’union africaine de dénoncer le Statut de Rome, de demander l’annulation des mandats d’arrêts contre les Africains et rapatrier tous ceux qui ont été déjà déportés. Les Africains sont contre l’impunité. C’est un fait. Mais ils doivent l’affirmer en créant des juridictions nationales fiables auxquelles un tribunal pénal pan africain viendrait en complémentarité. Nous avons convenu qu’il est fondamental de balayer devant nos portes en réformant nos pays. Il faut voir comment mettre un terme à la domination occidentale. Cette problématique doit être approchée en intégrant la notion de la renaissance africaine.
L’économiste François Ndengwé a mis en évidence comment les théories tant philosophiques que politico-économiques sont remises au goût du jour dans la logique de domination des grandes puissances.
Le Prof. Tanoh Félix Kouakou en discutant le sujet : « La gouvernance judiciaire mondiale à l’épreuve de la crise ivoirienne » a méthodiquement édifié l’auditoire sur le cas du Président Laurent Gbagbo.
Face à la pertinence des travaux et à l’ancrage dans l’actualité des questions examinées, les participants ont jugé nécessaire de renouveler ce genre d’initiatives, afin de faire à chaque fois le point. Il faut saluer le Prof Malick Ndiaye pour le savoir-faire dont il a fait montre pour l’organisation d’assise d’une telle dimension. Que Malick Ndiaye prolonge nos remerciements auprès de ceux qui ont apporté les moyens logistiques pour la réalisation de cette grande rencontre.
Avant de se quitter, lecture a été faite d’un communiqué final et des résolutions.
Dr Claude KOUDOU : Rapporteur,
Enseignant-Ecrivain, Président de l’ONG « Convergences pour la Paix et le Développement de l’Afrique »