Gestion de l’Etat : La France humilie Ouattara

Publié le lundi 18 juillet 2011 | Le Temps - Charles Diby Koffi, l’argentier du gouvernement doit être certainement malheureux. Aucun ministre de l’Economie ne tirerait aucune fierté à

Alassane Ouattara et François Fillon lors de la visite de ce dernier les 14 et 15 juillet à Abidjan.

Publié le lundi 18 juillet 2011 | Le Temps - Charles Diby Koffi, l’argentier du gouvernement doit être certainement malheureux. Aucun ministre de l’Economie ne tirerait aucune fierté à

lire sur la place publique que ses fonctionnaires sont payés par un autre pays. Car il serait payé à ne rien faire s’il n’est pas capable de faire face à la question salariale de ses agents. Depuis plus d’une décennie, la Côte d’Ivoire avait cessé de faire la queue devant les guichets du Trésor français avant de régler la solde de ses agents. D’aucuns avaient pensé que la quête de dignité et de souveraineté allait continuer. Surtout que dans l’opposition, Ouattara ressassait à chacune de ses sorties cette phrase que tout le monde connaît maintenant par cœur « Je sais où trouver de l’argent, c’est mon travail. J’ai des relations dans le monde ». Aujourd’hui au pouvoir, il se trouve face aux réalités des faits. Où sont passées ses nombreuses relations ? Ne sait-il plus chercher de l’argent ? Est-on tenté de se demander en voyant le pouvoir se débattre pour s’acquitter des salaires des fonctionnaires. Les Ivoiriens croisent les doigts. Entre-temps, la visite du Premier ministre français à Abidjan, au-delà du folklore inutilement laudatif servi par les médias, a tout l’air d’un désaveu de la gestion du poulain. La Côte d’Ivoire retourne du coup aux années coloniales ou n’importe quel ministre de l’Hexagone pouvait se permettre de lui faire la leçon sans que cela ne choque. Fillon avait-il besoin de mettre sur la place publique que c’est la France qui paye les fonctionnaires ivoiriens ? Que ressent Ouattara lorsque, à ses côtés, Fillon étale des vérités qui heurtent sensiblement la conscience des Ivoiriens ? Paris sait bien dans quel objectif elle le dit. Surtout qu’en parlant des décaissements des 350 millions d’Euro qui ont déjà été faits sur les 400 millions prévus, il évoque la question des 50 millions restants avec une mine d’irritation. Une manière de dire sur un ton un peu larvé « écoute la France ne va pas tout faire à ta place ». Mais Ouattara n’a pas le choix .Il est obligé de faire avec en acquiesçant le désaveu public de sa gestion. Car c’est parce qu’il n’est pas capable de trouver au plan national les ressources pour payer les fonctionnaires que Paris se croit obligée de mettre la main à la poche .A quoi sert d’être chef de l’Etat si on n’est pas en mesure de faire face aux moindres exigences de l’Etat ? Gbagbo donne un exemple qui restera unique dans l’histoire de l’Afrique. Il est l’auteur du budget sécurisé qui a fait des émules sur le continent. Même dans les moments difficiles, il a su faire face à la question salariale sans tendre la main à l’étranger. Ouattara pourrait donc aller à l’école de Gbagbo. Ne dit-on pas qu’on copie ce qui se fait de meilleur ? Comme le dit un confrère “ il fallait qu’il soit là pour que les Ivoiriens aient l’occasion de juger”. Ouattara serait un mythe s’il n’était pas devenu président. Depuis avril 2011, la Côte d’Ivoire peut se faire une idée, savoir qui est qui dans le monde politique ivoirien. Vis-à-vis de la France, Ouattara a une marge de manœuvre très réduite au point qu’il se trouve contraint d’acclamer un désaveu public. Il leur doit tout ; sa carrière politique et son accession au pouvoir. Au palais présidentiel, Fillon se trouvait donc en territoire conquis. On dira sans exagérer, le véritable maître des lieux, le pouvoir installé au prix de plusieurs vies humaines ne faisant pas l’affaire. François Fillon est alors obligé de dénoncer sur un ton de mise en garde, le racket des hommes d’affaires français. « Le racket des entreprises françaises est inacceptable » a coupé l’envoyé de l’Empire à Abidjan. Une manière de dire que Paris ne pourra accepter indéfiniment les dérives de ses hommes sur leurs ressortissants entrepreneurs à Abidjan. Les Frci savent désormais à quoi s’en tenir dans leurs dérapages quotidiens. Mais bien plus, leurs écarts ont franchi les frontières de la Côte d’Ivoire au point de devenir un sujet préoccupant à l’Elysée. Ce n’est quand pas de gaieté de cœur que des hommes d’affaires français continuent de vivre au 43e Bima. C’est bien parce que les Frci ont installé une insécurité généralisée en Côte d’Ivoire. Elles sont finalement devenues un os dans la gorge du pouvoir qui manifeste à leur égard une certaine impuissance. L’armée française et les forces onusiennes ont beau les traquer, elles sont toujours en place. A la vérité Ouattara ne compte plus sur elle pour sécuriser son pouvoir. « Son armée, c’est la force française » commente de ce fait un confrère hexagonal. Il a d’ailleurs renouvelé auprès de Fillon, après Sarkozy, sa demande de maintien de cette force à Abidjan. Alors que juste à côté, au Sénégal, son parrain Wade affiche quelques fois une certaine exaspération vis-à-vis de cette armée. La France lui a donné la réponse. Le nombre va diminuer .Mais « l’effectif peut être renforcé en cas de besoin ». Plus clairement, « nous serons là si ton pouvoir est attaqué » dit Fillon. Il fait l’affaire de Paris qui le manipule comme elle le veut.
Guéhi Brence