Gabon: fin de règne pour la présidente de la Cour constitutionnelle
Par RFI - Gabon. Fin de règne pour la présidente de la Cour constitutionnelle.
C’est une petite révolution au Gabon : Marie-Madeleine Mborantsuo n’est plus présidente de la Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction du pays. Un décret pris par le président de la transition, le général Oligui Nguema, a mis fin à ses fonctions après trente-deux ans en poste. Une nouvelle Cour avec neuf juges suprêmes a été mise en place.
Marie-Madeleine Mborantsuo avait été nommée présidente dès la création de la Cour constitutionnelle, en 1991. Depuis, elle avait toujours occupé ce poste.
C'est donc la fin d'un règne. La magistrate a été reçue ce 6 septembre 2023 par le président de la transition, le général Oligui Nguema, qui lui a donc signifié la fin de sa mission.
Le communiqué de la présidence est sobre : il la désigne simplement comme ancienne présidente, et indique qu'elle part avec « le sentiment du devoir accompli et l'intérêt supérieur de la nation ». « Toutes les institutions ont été mises à plat, a réagi Marie-Madeleine Mborantsuo à l'issue de cette audience. Monsieur le Président, entouré de tous les membres du comité de transition, m'ont fait l'honneur de me recevoir et me faire part des raisons qui ont amené à interrompre le fonctionnement régulier des institutions. Je passerai le flambeau. C'est tout à fait normal et c'est dans l'ordre normal des choses qu'une nouvelle ère puisse voir le jour. »
Très proche de la famille Bongo
Marie-Madeleine Mborantsuo est un personnage très connu des Gabonais, mais également très controversé. Elle est réputée proche de la famille Bongo. D'ailleurs, une partie des Gabonais avait une mauvaise image de la Cour qu'ils surnommaient la « Tour de Pise », parce qu'elle penche toujours du côté du pouvoir.
Marie-Madelaine Mborantsuo vient du Haut-Ogooué, la province d'origine des Bongo. Pour la petite histoire, elle a été reine de beauté. Elle a fait ses études à Libreville et en France où elle a passé une thèse, avant de rentrer au Gabon où elle a présidé la Chambre des comptes de la Cour suprême.
En 1991, le pouvoir crée donc la Cour constitutionnelle dont elle prend la tête. Son image s'affirme : elle est toujours élégante, on la dit aussi cassante. Certains la surnomment « la Dame de fer ». Mais ce qui ressort aussi, c'est sa proximité avec le pouvoir. Elle a été la maîtresse de l'ancien président Omar Bongo avec qui elle a eu deux enfants.
L'opposition l'a toujours accusée de juger en faveur du régime. Accusations renouvelées lorsqu'Ali Bongo a remplacé son père à la présidence du pays. La Cour a systématiquement validé des élections très controversées, en 2009 ou 2016, le maintenant à chaque fois au pouvoir malgré les doutes sur le scrutin.
Elle a parfois voulu afficher son indépendance
Elle a parfois voulu montrer son indépendance, sans qu'on sache à quel point elle était objective. En 2009, elle a ainsi accepté le recomptage des voix après la présidentielle. En 2015, elle a annulé des ordonnances d'Ali Bongo prévoyant la création d'une Cour sur la délinquance financière. En janvier dernier, elle a dissous le bureau du Centre gabonais des élections (CGE), suite au non-respect des délais dans son renouvellement.
Marie-Madeleine Mborantsuo, elle, a toujours défendu son objectivité, expliquant que des proches de la famille Bongo étaient bien passés à l'opposition...
Remplacée par Dieudonné Aba'A Oyono
Marie-Madeleine Mborantsuo est remplacée et une nouvelle cour vient d'être nommée. Le porte-parole du CTRI, l'organe de la junte, a en effet désigné Dieudonné Aba'A Oyono comme nouveau président de la Cour. Le magistrat a présidé le tribunal de première instance d'Oyem, dans le nord, avant d'entrer au Conseil d'État comme commissaire général puis président de chambre.
En tout, la Cour compte neuf magistrats, dont trois étaient déjà là ; sept hommes, deux femmes, issus de toutes les provinces du Gabon.
Au final, le CTRI a choisi de nommer des juges originaires de chaque province du pays. « C'est nouveau », confie un juriste.
Une annonce qui pourrait susciter la controverse puisque c'est le général Oligui Nguema qui les a tous nommés alors que d'habitude les noms sont donnés par différentes institutions : président de l'Assemblée, du Sénat, Conseil supérieur de la magistrature… « Certes nous sommes dans une période d'exception, mais il y a quand même une personnalisation dans ces choix, d'autant qu'on ne connait rien des critères de sélection », s'inquiète un universitaire.
Par ailleurs, parmi eux, il n'y a aucun spécialiste du droit constitutionnel, alors que c'est justement l'expertise de la Cour. Ils sont pour les deux tiers issus du droit privé.
Certains s'interrogent donc sur la légitimité et la compétence des nouveaux arrivants.