France: Lionel Jospin revient dans un rôle taillé sur mesure
Le 17 juillet 2012 par Lemonde.fr - Dix ans après son échec au 1er tour de la présidentielle de 2002, Lionel Jospin retrouve une fonction officielle. François Hollande l’a nommé samedi 14 juillet à la tête de la Commission sur la moralisation et la
Le 17 juillet 2012 par Lemonde.fr - Dix ans après son échec au 1er tour de la présidentielle de 2002, Lionel Jospin retrouve une fonction officielle. François Hollande l’a nommé samedi 14 juillet à la tête de la Commission sur la moralisation et la
rénovation de la vie politique, un poste où son expérience de Premier ministre et son autorité morale le rendent indiscutable.
Comme il l’avait promis entre les deux tours de l’élection présidentielle, en réponse à une lettre envoyée par François Bayrou aux deux candidats finalistes, François Hollande a décidé d’œuvrer à la moralisation de la vie politique. Le sujet étant à la fois vaste et complexe, le président a choisi d’y aller avec prudence en annonçant lors de son interview télévisée du 14 juillet qu’il allait confier à Lionel Jospin la mission de tracer les grandes lignes de cette réforme, l’ancien Premier ministre se voyant nommé à la tête de la toute nouvelle Commission sur la moralisation et la rénovation de la vie politique française.
Le geste est à la fois habile et généreux de la part du nouveau locataire de Élysée puisqu’il lui permet de mettre en chantier un projet qui lui tient à cœur, tout en remettant en selle Lionel Jospin, lequel n’occupait plus aucune fonction ni aucun mandat officiels depuis sa défaite au premier tour de la présidentielle de 2002, le fameux « séisme du 21 avril » à la suite duquel il s’était retiré de la vie politique active.
Un rôle taillé sur mesure
Meurtri par cet échec, le prédécesseur de François Hollande à la tête du PS avait peu ou prou tenu parole durant dix ans, renonçant à se porter candidat à la présidentielle de 2007, faute, il est vrai, de se sentir appuyé. Durant la campagne, on avait noté sa présence à chacun des grands meetings du candidat Hollande, un soutien à la fois discret et solide. « Je crois avoir accompagné François Hollande dans cette campagne, à la bonne distance, c'est-à-dire sans être distant, et en même temps sans peser », déclarait-il le 8 mai.
Ce mardi-là, deux jours après la victoire, Jospin avait participé, derrière Hollande et Sarkozy, à la commémoration de la capitulation nazie de 1945, lui qui n’assistait jamais aux cérémonies protocolaires depuis son échec de 2002. Beaucoup y avaient vu un signe de son désir de retrouver une place dans le paysage politique de l’après 6 mai 2012, signe qui s’est donc matérialisé ce 14 juillet.
Au surlendemain de son 75e anniversaire, Lionel Jospin - qui avait fait clairement savoir qu'une place au Conseil constitutionnel ne l'intéressait pas - opère ainsi un retour remarqué en politique, qui plus est dans un rôle taillé sur mesure en sa qualité d’ « homme incontestable pour son intégrité », comme s’est plu à le rappeler François Hollande samedi.
Lors de son intervention télévisée, le président a livré une liste non exhaustive de domaines à traiter : le non-cumul des mandats « pour que les parlementaires soient pleinement impliqués dans la vie législative », a-t-il indiqué, le financement des campagnes électorales, les modes de scrutin pour l’Assemblée nationale, et enfin ce qui relève de l’éthique car « quand on est élu de la République », a-t-il précisé, « il doit y avoir des règles qui s’imposent et donc aucun conflit d’intérêts ne peut être toléré ».
Ce projet de moralisation, Lionel Jospin l’aurait certainement entrepris lui-même si les urnes ne lui avaient pas été contraires, il y a dix ans. En tant que chef du gouvernement de cohabitation sous Jacques Chirac (de 1997 à 2002), c’est lui qui avait par exemple décidé de mettre un terme aux fonds spéciaux, ces sommes d’argent liquide mises à la disposition du président, du Premier ministre, et des membres du gouvernement sans aucun contrôle ; « ce système archaïque peu compatible avec la légitime demande de transparence de nos concitoyens », comme il les définissait à l’époque.
Des réformes jusqu’où ?
Lorsqu’il était à Matignon, Lionel Jospin avait également demandé à ses ministres d’abandonner leurs mandats locaux et instauré un principe qui obligeait tout membre du gouvernement à démissionner en cas de mise en examen, autant de mesures qui devraient avoir un prolongement ou une confirmation dans le projet mis à l’étude. En matière de réforme institutionnelle, on lui doit aussi le référendum sur la réduction du mandat présidentiel à cinq ans en septembre 2000 ainsi que l’inversement du calendrier électoral avec des législatives organisées juste après l’élection présidentielle.
Reste à savoir si Lionel Jospin ira plus loin encore que les propositions énoncées par François Hollande devant les caméras de TF1 et France 2. Cela n’a échappé à personne, le président s’est bien gardé, par exemple, d’évoquer le droit de vote des étrangers aux élections municipales (1), sujet sensible si l’en est. Comme tout projet de réforme des institutions (v. article 89 de la Constitution), il devra, pour être adopté, obtenir les 3/5e des voix au Congrès (députés et sénateurs) s’il est proposé par l’exécutif ou bien être soumis à référendum s’il est proposé par les parlementaires. En l’état actuel des choses, rien ne dit qu’il serait approuvé. Et un refus serait obligatoirement assimilé à une défaite pour le pouvoir en place, ce qui n’est évidemment pas ce que l’Elysée recherche.
En revanche, le statut pénal du chef de l’Etat a de fortes chances d’être modifié, comme l’a souhaité François Hollande qui veut mettre un terme à l’impunité totale dont jouissent les présidents durant leur mandat. La question de la parité homme-femme dans la représentation politique pourrait également faire partie des autres champs à l’étude. Certains évoquent déjà la possibilité d’un scrutin binominal majoritaire à deux tours pour les élections cantonales de 2014 (un homme et une femme par canton dont le nombre serait réduit au passage de 4 000 à 2 000). Quoiqu’ il en soit, l’ancien leader de la majorité plurielle aura de quoi s’occuper dans les mois qui viennent avec cette mission qui s’inscrit dans le cadre de la « République irréprochable » voulue par François Hollande.
Par Christophe Carmarans
(1) nb : en France, les ressortissants de la Communauté européenne peuvent voter aux élections européennes depuis 1994 et aux élections municipales depuis 2001.